RDC/Tshopo : Mbole et Lengola s’entretuent depuis dix mois à Lubunga, une intervention de Kinshasa débarque à peine

Alors que, pour des questions foncières qui seraient exacerbées par l’autorité provinciale,  des tueries se succèdent depuis particulièrement février 2023 à la rive gauche de la ville de Kisangani malgré des mesures prises, une unité spéciale de la police est déployée depuis le week-end dernier pour calmer les ardeurs meurtrières des protagonistes. A peine, cependant, la population locale se plaint des tracasseries de ces policiers venus de Kinshasa qui, au lieu de pénétrer les zones des conflits, rodent dans les cités paisibles pour y rafler téléphones, argent et autres biens des populations déjà sous la terreur des tueries d’une rare atrocité.

Des corps décapités et découpés en menus morceaux, des têtes d’hommes trimballées dans les rues, des sexes d’hommes et de femmes mutilées, des enfants égorgés, des femmes embrochées par leur sexe, etc. ; c’est le spectacle que continue d’offrir la commune de Lubunga et ses environs dans la ville de Kisangani, province de, la Tshopo. Située sur la rive gauche du fleuve Congo, cette municipalité est en proie à des affrontements sanglants entre membres des communautés mbole et lengola depuis le milieu du mois de février dernier.

Les cris d’alarme lancés aussi bien par les populations locales, la société civile, l’église catholique que l’administration locale n’a que peu intéressé les autorités en haut lieu, du moins au regard des réactions tardives, alors que près d’un millier de personnes ont déjà péri dans des tueries d’une atrocité innommable. C’est, en effet, seulement le vendredi dernier qu’une force spéciale de la police venue de Kinshasa est arrivée à Kisangani pour tenter de rétablir le calme et mettre fin à ces tueries que rien, jusque-là, ne semblait pouvoir arrêter. Baudouin Kayongo Bulaya, Bourgmestre de la commune de Lubunga s’en est réjoui, espérant que cette intervention vienne restaurer un peu d’humanité dans sa municipalité et ses environs qui sont devenus un théâtre de carnage sans émotion.

Jeudi dernier encore, une vingtaine de jeunes mbole se sont rendus à Opala pour une action punitive en y brûlant des cases. Pourchassés à leur retour, 12 d’entre eux seront appréhendés et, selon nos informations, 9 ont déjà été décapités et mutilés ; les morceaux de leurs corps dispersés dans la broussaille alentour et sur la voie publique afin que nul ne l’ignore.

Le week-end dernier, Le Général Bertin Yawe, à la tête de la brigade spéciale de la police, a été conduit sur terrain, notamment sur la route Ubundu et Opala, pour évaluer la situation en attendant l’arrivée, cette semaine, d’une unité des FARDC pour renforcer la police. Une évaluation qui dégage plusieurs dizaines de pertes en vies humaines, des déplacements massifs des populations ainsi que d’importants dégâts matériels dont des villages entiers brûlés, des champs ravagés et du bétail emporté ou décimé.

Alerte donnée à Kinshasa et annonce de réaction depuis le mois de mai, mais sans grand succès

C’est depuis le mois de mai dernier qu’au terme de sa 97ème réunion, le Conseil des ministres avait décidé de l’envoi de cette intervention qui devait faire suite à une mission d’évaluation du Ministère de l’Intérieur.

Dans son compte–rendu de cette réunion tenue précisément le 5 mai 2023, Patrick Muyaya décrivaitr des ravages observés à Lubunga et dans les villages Lula, Ngene Ngene, Lokata, Bego, Otobio et ailleurs sur l’axe Ubundu et Opala, « occasionnant plusieurs pertes en vies humaines et de nombreux blessés dont quelques éléments des Forces de défense et de sécurité mais aussi plusieurs déplacés dans la commune de Lubunga en ville de Kisangani ».

Il faisait état de « mesures conservatoires (qui) ont été prises » avant de noter qu’il « s’observe une certaine accalmie pour le moment ». Mais la mission conjointe des cadres du ministère de l’intérieur et des élus du peuple qui était envisagée afin de rétablir l’ordre public et la paix sociale avait tardé à s’effectuer et les tueries avaient repris de plus bel.

Peter Kazadi à Kisangani seulement au mois d’août

C’est le 2 août 2023 que, dans la cadre d’une tournée interprovinciale, le VPM de l’Intérieur, Peter Kazadi, arrivera à Kisangani pour la première fois afin de se pencher sur cette question sécuritaire. Il va présider une réunion du conseil provincial de sécurité avant de se faire présenter quelques malfrats donnés pour être les fauteurs de la terreur à Lubunga et ses environs.

S’adressant ensuite à la population, il dira être venu à Kisangani pour mettre fin à cette terreur qu’il va attribuer aux « ennemis de la République ».

Le VPM va repartir, mais, selon des sources locales, sans avoir traversé le fleuve pour mettre ses pieds à Lubunga, théâtre des atrocités.

Un conflit foncier datant de 2022 et aggravé par des contrats signés par la Gouverneure Madeleine Nikomba

Pourtant, les tueries de Lubunga remontent à 2022, selon des sources du clergé catholique local. Les premiers affrontements entre Mbole et  Lengola sont localisés au quartier Lokwa – Osio, sur la route Opala. C’est de là qu’ils vont s’étendre pour embraser pratiquement toute la zone de la rive gauche à Kisangani et se poursuivre dans les territoires d’Ubundu (vers la frontière avec le Maniema) et Opala. Le centre de la commune est aussi touché, notamment aux quartiers Batiangubu, Maniema et Lokata, au PK 41 sur la route Ubundu et plus loin encore où des morts jonchent le sol, tandis que les populations déferlent sur les routes pour fuir ces tueries.

Des tueries qui sont attribuées à un conflit foncier qui aurait dégénéré fin février 2023 avec l’attribution, par la Gouverneure Madeleine Nikomba, de 20 contrats fonciers au profit, notamment, de la société Company Agro pastorale du Congo (CAP CONGO) pour une superficie de 4000 ha.

On parle particulièrement des titres immobiliers Kis. Nord N°O.P /Kis : 499 du 24 février 2023 octroyés pour cinq ans.

Plusieurs appels ont été lancés, mais jusque-là sans succès, à la Gouverneur Nikomba pour qu’elle suspende ces contrats afin de régler les différends qui les ont précédés et/ou qu’ils (ces contrats) ont aggravés.

Les policiers déployés sèmeraient déjà l’insécurité

Entre-temps, des nouvelles émanant de Lubunga depuis ce lundi matin fait état de tracasseries donc se plaignent la population de la part des policiers déployés depuis le week-end dernier. Des jeunes se plaignent des arrestations et des tortures pour les contraindre à livrer les auteurs des exactions. Ils parlent même des « amendes » allant jusqu’à 300.000 FC pour être relaxés.

Ces actes sont signalés surtout au quartier Maniema, bloc 5 chantiers où, selon des témoignages, aucune tuerie n’a été observée. C’est plutôt ici que la plupart des déplacés seraient venus se réfugier.

JDW

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