Situation sécuritaire à l’Est : Sous emprise de l’Occident, la RDC ne fera pas la guerre au Rwanda ! (Tribune)

Ces temps derniers, les réseaux sociaux sont bombardés de  » scoops  » sur la situation sécuritaire à l’Est. Y sont répandues des informations sur le succès des opérations armées menées contre le Rwanda ou contre le M23, informations qui se révèlent parfois sans fondement. L’œuvre est vraisemblablement des mobilisateurs du parti présidentiel (Udps) convaincus de la volonté et de la capacité de Félix Tshisekedi d’engager le pays dans la guerre contre le Rwanda, comme promis pendant la campagne électorale 2023. Dénonçant le parti pris des Occidentaux (il y a eu ce mardi 6 février 2024 des manifestations devant les installations diplomatiques des États-Unis à Kinshasa), ils présentent les faits comme si c’est seulement aujourd’hui, sous le leadership de Fatshi, que la RDC est sous menace de balkanisation…

Pourtant, c’est faux. Dans ses premières interventions en qualité de Premier ministre en 1960,  Patrice-Emery Lumumba parlait déjà de cette menace.

Ainsi, Joseph Kasa-Vubu, Mobutu Sese Seko, L-D. Kabila et Joseph Kabila y avaient fait face, chacun sous sa présidence. Sous son premier mandat, Félix Tshisekedi l’a également subie. Pour son second et dernier mandat, il n’a pas espérer une exception.

Il faut bien que les mobilisateurs de l’Udps aient le background nécessaire pour circonscrire les enjeux géopolitiques et géo-stratégiques de l’axe  Washington-Kinshasa-Kigali pour comprendre ce qui se passe à l’Est.

LE ZAÏRE EST TROP GRAND POUR ÊTRE BIEN GOUVERNÉ

Il se trouve dans l’Histoire récente de la RDC un épisode-clé pour comprendre le problème de ce pays : la Perestroïka.

Survenu en 1989 en URSS sous Gorbatchev, cet épisode avait rompu l’équilibre du monde axé sur la bipolarisation entre, d’un côté l’Ouest (Otan) piloté par les États-Unis et, de l’autre, l’Est (Pacte de Varsovie) piloté par l’URSS décomposée certes, mais ayant survécu au travers de la Russie.

C’était la fin de la Guerre froide. Guerre qui obligeait l’Occident de materner le maréchal considéré alors comme le gendarme des intérêts occidentaux en Afrique centrale et en Afrique australe.

Réalisant que la Perestroïka ne lui sera plus favorable, Mobutu organisera des consultations populaires qui aboutiront à la libéralisation politique proclamée le 24 avril 1990, entendez la fin du Mpr Parti-Etat.

Cette nouvelle donne en international va inciter les Etats-Unis à se substituer aux puissances coloniales en Afrique.

Dans son ouvrage  » Ainsi sonne le glas. Les derniers jours du maréchal Mobutu », Honoré Nbganda rapporte  que c’est à Dakar – symbole de la présence française en Afrique – que Washington  annoncera son tour pour coloniser, pardon gérer l’Afrique. Et, au besoin, redessiner ce continent. Chose d’ailleurs faite successivement en Éthiopie (amputée de l’Érythrée) et au Soudan (amputé du Soudan du Sud). Il se dit que des lobbies américains fonctionnent aux États-Unis pour la partition de la RDC. Connu des Congolais avisés et reçu avec pompe à Kinshasa, Peter Pham, qui passe pour l’un des soutiens importants de Paul Kagame,  en fait partie.

Les observateurs avisés l’auront au moins constaté : c’est à la RDC (à l’époque Zaïre) que l’Occident va subtilement imputer la responsabilité des événements tragiques survenus au Rwanda (génocide rwandais), Mobutu ayant eu le malheur d’être proche de Juvénal Habyiarimana.

C’est encore à ce pays qu’on fera porter la responsabilité de l’insécurité en Afrique centrale, particulièrement dans la sous-région des Grands-Lacs.

La preuve sera confirmée en 1996 avec la publication d’un document dactylographié présentant la nouvelle configuration du Zaïre : plusieurs provinces de l’Est rattachées d’office à des pays voisins comme l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie. Prétexte trouvé : le Zaïre est trop grand pour être bien gouverné.

Retenons seulement qu’après la publication de ce document, la guerre de l’Afdl avait commencé la même année. Et, depuis, elle n’a plus quitté l’Est avec pour constante l’implication des puissances occidentales en faveur du…Rwanda !

Nous l’avons plus d’une fois relevé dans cette chronique.

C’EST CLAIR ET NET : LA RDC A TORT, LE RWANDA A RAISON.

Ces puissances ont beau réaffirmer depuis 1997 en bilatéral et en multilatéral la souveraineté de la RDC sur son espace physique ; elles ont beau reconnaître depuis 2023 la présence des troupes rwandaises à l’intérieur du territoire congolais via le M23 : le prétexte établi pour ne pas sanctionner Paul Kagame et les siens est la protection de la minorité tutsi menacée, selon leur perception, par la majorité des Congolais !

Pas plus tard que le *1er février 2024*, par son Communiqué de presse, présentant « une résolution condamnant la violence et un possible génocide en RDC »,  le député américain André Carson (IN-07) révèle que « Les organisations de défense des droits de l’homme et les groupes de défense ont documenté des actes de violence commis par des membres des forces armées de la RDC et des milices contre des minorités ethniques qui peuvent répondre à un ou plusieurs critères de génocide en vertu de l’article II de la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression des crimes. Crime de génocide. Les cibles sont essentiellement les communautés rwandophones, ou celles dont la langue maternelle est le kinyarwanda. Les groupes armés et les forces de sécurité, souvent abusives, continuent de commettre des massacres, des enlèvements, des viols et des violences sexuelles, le recrutement d’enfants et d’autres attaques contre des civils ».

Il ajoute : « Les personnes fuyant les violences en provenance de la République démocratique du Congo constituent l’une des plus grandes populations de réfugiés de l’Indiana. Les États-Unis ont un intérêt stratégique dans cette région, mais nous avons également l’obligation morale de nous opposer aux violations des droits de l’homme, à tout moment et en tout lieu. Je reste préoccupé par le fait que la situation en RDC n’a pas reçu l’attention internationale qu’elle mérite pour des actes de violence aussi graves. J’invite tous mes collègues à se joindre à moi dans cette résolution et à demander des comptes aux auteurs de ces actes ».

Cofondatrice et directrice exécutive du Crane Center for Mass Atrocity Prevention, Amber Maze enfonce le clou en déclarant : «Toutefois, les violences visant les minorités ethniques, en particulier les communautés rwandophones, tutsi et banyamulenge, sont en augmentation depuis la résurgence du groupe armé M-23. Les hommes politiques ont exploité les sentiments anti-rwandophones pour renforcer leurs programmes politiques, aggravant ainsi la situation. Il est impératif de répondre aux besoins des personnes touchées par ce conflit. A travers cette résolution, les États-Unis ont l’occasion de rappeler aux responsables congolais leur devoir de protéger tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique. Nous sommes reconnaissants au représentant Carson pour son leadership sur cette question ».

C’est clair et net pour l’Occident  : la RDC a tort, le Rwanda a raison.

LE RWANDA EST DANS LA SOUS-TRAITANCE !

Pourquoi, sous l’emprise de l’Occident, la RDC n’engagera pas la guerre avec le Rwanda ?

D’abord, à 90 %, les acteurs politiques congolais membres de l’Union sacrée de la nation (Usn) sont pro-Occidentaux. On voit mal les députés nationaux (Assemblée nationale), les sénateurs, les membres du Gouvernement central, les membres du cabinet du Président de la République, les chefs de l’appareil sécuritaire et de l’appareil judiciaire, voire les responsables de l’Udps et les membres de la famille biologique soutenir Félix Tshisekedi dans ce schéma ayant pour conséquence de se mettre à dos Américains et Européens. Surtout ceux qui auront bénéficié d’une manière ou d’une autre de la  » générosité occidentale  » à une étape de leur vie.

Ça ne sera pas de peur d’une victoire rwandaise sur la RDC – ce qui est impensable – mais du fait des séquelles dans les communautés locales.

Pragmatiques, les plus avisés redoutent la duplication du schéma yougoslave. Ça avait  commencé par une guerre pour finir par l’éclatement de cette République en Serbie, Slovénie, Croatie, Macédoine  et Bosnie-Herzégovine.

Quand alors tous les indices d’un Berlin II planifié à Stuttgart (Allemagne), siège d’Africom, sont réunis en ce qui concerne la RDC, on comprend facilement que  le Rwanda est plus que dans la sous-traitance !

FAUTE D’UNE DIPLOMATIE AVERTIE

Dans cette logique, les mobilisateurs de l’Udps doivent être suffisamment outillés pour ne pas pousser à la faute Félix Tshisekedi.

Par pragmatisme, ils doivent admettre que lorsqu’on constate que les partenaires qui vous dissuadent de faire la guerre – cas des Occidentaux par rapport au Rwanda – ne vous aident pas à instaurer une paix pérenne dans votre propre pays, c’est qu’ils vous suggestionnent de franchir le Rubicon !

Et, partant, de réaliser leur schéma vieux de 1960.

Concrètement, c’est la mission confiée à Paul Kagame, le *nouveau gendarme* des intérêts euro-américains dans la sous-région des Grands-Lacs ; la RDC ne se pressant visiblement pas de  recouvrer son leadership  faute d’une diplomatie avertie…

Omer Nsongo die Lema

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