5 juin 2023. Cette date risque d’entrer dans les annales de l’histoire des grèves décrétées par les chauffeurs des taxis et taxi-bus à Kinshasa. De mémoire de journaliste, voire de Kinois tout court, c’est la première fois de voir les taximen garer leurs voitures toute la journée. Généralement, quand ils sèchent les artères pour une grève, deux ou trois heures après, ils reprennent du service. «Toyebaki kaka ke bakokoka kosala grève te mpo bakokoka nzala te »(traduisez : nous savions qu’ils ne sauront pas faire la grève toute la journée parce qu’ils n’ont pas d’économie). C’est comme cela que réagissent les Kinois à chaque fois que les chauffeurs des taxis et taxi-bus annoncent une grève. Cette fois-ci, ils ont bravé la misère.
Pour décréter cette grève, ils avaient alerté les autorités urbaines depuis plusieurs semaines. Ils leur ont fait part de leurs revendications quant aux tracasseries dont ils sont victimes de la part des agents des Transports et Voies de communication, des agents de police communément appelés « Ujana », des éléments de la Police de circulation routière (PCR) et des éléments de Bureau 2.
Apparemment, les alertes lancées par les chauffeurs kinois sont tombés dans les oreilles d’un sourd. Je dois avouer mon scepticisme lorsque les responsables de la Synergie des associations pour la défense des droits des chauffeurs et pour la promotion du civisme routier en RDC (SADCPCR) annonçaient qu’ils iraient en grève de trois jours à partir du 5 juin. Je me disais qu’ils ne tiendront pas comme toujours. Surtout, je savais que l’Hôtel de ville allait anticiper pour étouffer le mouvement.
Maintenant que les conducteurs kinois ont prouvé que personne ne peut résister devant la volonté du peuple quand il revendique ses droits, une question s’impose : cette grève n’était-elle pas évitable ? Il semble que la réponse soit affirmative par rapport à cette interrogation.
D’après des sources de la Synergie, c’est depuis plusieurs semaines que les taximen kinois avaient saisi l’autorité urbaine pour lui exposer leurs problèmes en ce qui concerne les tracasseries dont ils sont victimes de la part des services ci-haut cités. Si le gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila, était prévoyant, il aurait pu entrer en contact avec les responsables des services incriminés pour en savoir un peu plus sur leurs revendications.
Si telle était la démarche de l’autorité provinciale, peut-être que le calvaire vécu par la population kinoise ce lundi aurait pu être évité. En analysant la situation vécue ce 5 juin à Kinshasa, on peut être tenté de conclure que la situation des Kinois reste le cadet des soucis du gouverneur Gentiny Ngobila. L’insouciance de l’autorité urbaine pousse certains habitants de la capitale de regretter son prédécesseur André Kimbuta, pourtant décrié sous Kabila.
A scruter son agir, Gentiny Ngobila ne semble avoir qu’un seul souci : s’occuper du fonctionnement de son parti (ACP), montrer à la face du monde qu’il est populaire et bien implanté à Kinshasa. Car, c’est presque chaque week-end que son parti est en matinée politique ou organise un meeting dans telle ou telle autre commune de Kinshasa.
Comme tous les membres de l’Union sacrée pour la nation (USN), le discours du gouverneur de Kinshasa est connu : « Je me bats pour offrir un second mandat au chef de l’Etat, Félix-AntoineTshisekedi ». Moi, je cherche une ordonnance présidentielle aux termes de laquelle Félix-Antoine Tshisekedi dit ceci : « Je t’ai nommé pour m’offrir un second mandat ». Se battre pour offrir un second mandat à Félix-Antoine Tshisekedi semble être le raccourci de tous ces ministres, gouverneurs, parlementaires… pour cacher leurs incompétences face aux tâches qui leur sont confiées.
Je crois que la meilleure façon pour Gentiny Ngobila de pousser les Kinois à voter massivement pour Félix Tshisekedi en décembre prochain, c’est de mettre fin au phénomène kuluna, de lutter contre ces embouteillages qui perturbent la circulation dans la capitale, de secouer les autorités de la SNEL pour l’énergie aux Kinois régulièrement, de trouver des solutions aux problèmes d’inondations qui ont jeté beaucoup de Kinois dans la rue, mai surtout de porter sa veste de garant de la sécurité des Kinois pour neutraliser les miliciens Mobondo qui sèment la mort dans la commune-rurale de Maluku…
« Celui qui contrôle Kinshasa, contrôle la RDC, celui qui gagne les âmes ou l’estime des Kinois, a beaucoup de chances de gagner la présidentielle », affirment des spécialistes en matière électorale. Voilà pourquoi Gentiny Ngobila devrait plus porter une veste de manager que de propagandiste politique en ce qui concerne la conduite des affaires à la tête de la capitale. Il a donc cette lourde mission de changer la qualité de vie de ses administrés, pour approcher ceux-ci du Kinois Félix-Antoine Tshisekedi.
Quel bilan va-t-il présenter à ses administrés à la fin de son mandat ? Que dira-t-il de l’opération Kin-Bopeto ? De Kin sans trous ? On ne le voit même pas ne fut-ce que faire semblant de lutter contre le phénomène kuluna. Les enfants en rupture familiale (communément appelés Shegues), autrement fois casernés par son prédécesseur sont revenus en force. Ces « shegues » vivent non loin de l’Hôtel de ville où travaille Gentiny Ngobila.
A quelques cinq mois de l’élection présidentielle, d’aucuns se demandent si le gouverneur Gentiny Ngobila joue la « carte Fatshi » à Kinshasa ou il la noircit. Des observateurs de la vie politique congolaise craignent que l’ancien gouverneur de la province du Mai-Ndombe, accusé de déficit managerial pour la gestion de la Cité, ne soit en train de creuser un fossé entre Fatshi et les Kinois.
Rombaut KASONGO MABIA
Analyste politique