C’est le genre de documents qui, sous d’autres cieux, peut faire basculer une campagne et sceller toute une carrière. Le document, c’est cette bombe cotée S/2012/843 et daté du 15 novembre 2012. Il s’agit d’un rapport final du groupe d’experts de l’ONU sur la RDC adressé au Conseil de sécurité et retraçant la situation sécuritaire de ce pays en cette période là.
Le genre de documents ayant un contenu dont la révélation peut, dans des pays normaux, entraîner la démission des dirigeants impliqués dans des situations compromettantes. Comme en RDC où le discours des complicités internes, aussi bien au sein de l’armée que dans les hautes sphères des institutions étatiques, meuble les débats depuis maintenant deux décennies, mais sans conséquences.
Présentement encore, la campagne électorale est rythmée par l’exploitation de cette situation sécuritaire, plus précisément par Félix Antoine Tshisekedi, le Président sortant, contre son challenger direct, Moïse Katumbi, qu’il accuse, lui-même, d’être un candidat au service du Rwanda et de son Président. « Il viendra ici et sera incapable de vous citer le nom de celui dont le pays tue nous compatriotes à l’Est », ne cesse de dire Tshisekedi.
Aujourd’hui , ce document du Conseil de sécurité, dont l’authenticité ne souffre d’aucun doute, révèle plutôt des alliances de l’UDPS, parti politique de Tshisekedi, avec le M23 – donc avec le Rwanda -, alliances qui remontent déjà à juillet 2012 lorsque ce mouvement rebelle pro-rwandais venait de prendre le contrôle de Bunanga. Ayant le vent en poupe, le M23 va se sentir pousser les ailes et tenter une percée vers l’ouest du pays sur le volet politique.
Des contacts sont alors pris avec l’opposition non armée pour forger des alliances, notamment avec l’UDPS « dont des représentants se sont rendus à Bunagana pour y rencontrer Jean-Marie Runiga, président du mouvement ».
Le rapport du groupe d’experts onusiens ne donne pas la suite de ces contacts, mais indique, quelques paragraphes plus bas, des accointances avec des groupes d’insurgés au sein de l’armée congolais, dont les animateurs sont également proches de l’UDPS. L’aventure va tourner court et l’animateur principal de cette insurrection partie du Kasaï central, le Colonel John Tshibangu, va être arrêté en Tanzanie et transféré à Kinshasa. Il va être emprisonné à Makala sans jugement jusqu’à sa libération par le régime de Tshisekedi qui va l’élever au rang de général avant de lui confier la zone de défense du grand Kasaï.
Ceci explique-t-il cela ? En tout cas on sait, par ailleurs, que le M23 a toujours affirmé avoir, à travers une forte délégation, séjourné à Kinshasa pendant 14 mois, après janvier 2019, sur invitation de la Présidence de la République, information qui n’a jamais été officiellement et formellement démentie ici. C’est aussi pendant cette période que Félix Antoine Tshisekedi va intensifier sa « fraternité » avec le Président rwandais, Paul Kagame, jusqu’à la conclusion, sous la supervision des deux chefs d’Etat, de trois accords de coopération entre Kinshasa et Kigali, notamment sur l’or de la Sakima congolaise avec une société privée rwandaise.
La fraternité entre Tshisekedi et Kagame filait droit jusqu’à ce qu’un bon matin, on apprendra que le M23 a resurgi neuf ans après sa mise en déroute et occupe, depuis plus de deux ans, le même Bunagana où se rendirent les émissaires de l’UDPS en 2012.
Ci-dessous quelques fines pages du rapport du Conseil de sécurité.