Plus de 40 journalistes, congolais comme étrangers, étaient au CEPAS le 6 janvier 2024 pour la déclaration conjointe des opposants suite à la publication, par la CENI, de la décision portant annulation des suffrages de 82 candidats aux législatives pour fait de fraude, entre autres. Je suis l’un de ces journalistes et c’est moi qui avais immortalisé ce moment avec ces photos d’illustration sur lesquelles manque Prince Epenge parce qu’ayant été en écart de l’estrade.
Le 4 janvier, jour férié, il n’y a eu aucune activité au CEPAS qui le fait savoir dans une mise au point.
Des acteurs politiques s’y étaient donc réunis le 6 janvier pour cette fin, mais avant d’entrer dans la grande salle, ils se regroupaient dans une petite salle à côté afin de se présenter aux journalistes en procession. En attendant, ils mettaient la dernière main sur la déclaration qu’ils devaient faire. Une déclaration qui a ensuite été envoyée en polycopie.
Pendant tout ce temps, tout le monde entrait et sortait de cette pièce, en ce compris des journalistes et des accompagnateurs de ces acteurs politiques. Bref, c’est pas moins de 100 personnes qui ont fréquenté cette pièce pendant le séjour de ces acteurs politiques, et on peut bien se demander si c’est dans une telle ambiance que même des imbéciles de la pire espèce peuvent se montrer suffisamment téméraires pour se risquer un complot d’une telle gravité tout en sachant que la presse est l’un des milieux les plus infestés par les différents services de l’Etat, surtout quand il s’agit de surveiller les politiciens de l’opposition.
Lorsqu’un illuminé animateur de programme télé se livre à son habituelle clownerie pour alléguer un complot auquel se seraient adonnés les acteurs politiques présents ce jour-là au CEPAS, alors il faut conclure que soit les 40 journalistes au moins, nationaux comme étrangers, y étaient partie prenante, soit que les 40 journalistes au moins sont des béotiens qui ont vu s’ourdir un complot aussi grave sous leur nez sans s’en rendre compte.
A la limite et en temps normal, pour ne prendre que ce dernier aspect de l’hideuse chose, les structures attitrées d’autorégulation de l’exercice du journalisme, la moribonde UNPC, dont se réclame l’auteur de cette affabulation, auraient attrait ce personnage pour des actions appropriées contre cette attitude de manque d’égard envers ceux qui peuvent être ses confrères, du moins si lui-même est un professionnel des médias.
Mais sur un tableau plus large, sous d’autres cieux, les services compétents sérieux se seraient déjà saisis d’un tel « délateur » pour qu’il dise tout d’un complot aussi important dont il aurait été témoin des préparatifs, sous peine de poursuites pour complicité d’atteinte à la sureté de l’Etat ou, tout au moins, pour propagation de faux bruits de nature à semer une dangereuse psychose au sein de la population dans une période aussi sensible, ou encore pour exposition de paisibles citoyens – acteurs politiques et journalistes – au mépris du public.
Si prompt à réagir et à frapper, très souvent plus vite que Lucky Luc ou Speedy Gonzales, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) se serait, pour une fois au moins, montré utile à la société en se saisissant de ce lugubre personnage pour qu’il dise le fin mot des allégations aussi graves. En effet, qu’un quidam se mette sur la place publique pour crier haut et fort avoir été témoin d’un complot pour des meurtres visant à déstabiliser le pays est une affirmation très grave.
Suffisamment grave pour que, même s’il ne les a pas cités alors qu’ils sont connus, ces « comploteurs » soient arrêtés immédiatement et que le « patriote » auteur de la patriotique dénonciation soit soumis à une confrontation avec eux pour les confondre, et la nation n’en serait que sauve.
Mais, bon ! Ne rêvons pas trop sur ces rives-ci du fleuve Congo où la « complotite » figure parmi les armes de combat politique pratiquée même par l’Etat qui dispose pourtant de la puissance publique pour agir. Sur ces rives-ci du fleuve où cette « complotite » est l’apanage déjà des officiels revêtus de l’autorité publique.
Ces mêmes officiels qui peuvent, sans vergogne, alléguer des plans de piratage informatique d’une structure comme la CENI et aller jusqu’à citer un pays étranger comme complice, et le soir rentrer chez eux pour regarder leurs femmes et enfants dans les yeux sans manquer de sommeil.
Dans ce cas, pourquoi s’offusquer des clowneries d’un « vaudevillesque » comédien en soutane de scène …
Jonas Eugène Kota