Présidentielle 2023 : Entre Tshisekedi et Katumbi, le choix décisif des swing states

En proie à la guerre depuis près de 4 décennies, la région de l’Est, partant de la Grande Orientale au Grand Katanga, attire toutes les convoitises politiques. Elle regorge, à elle seule, les quatre principaux Swing states susceptibles de peser lourd à l’issue du scrutin du 20 décembre. On y compte notamment le Nord-Kivu, 3.026.907 électeurs inscrits; Sud-Kivu, 2.873.618 électeurs inscrits, Ituri, 2.535.966 électeurs inscrits et le Haut-Katanga, fief naturel de Moise Katumbi, 2.804.173 électeurs inscrits. Soit un total de 11.240.664 inscrits.

Ces chiffres, ajoutés au nombre d’électeurs inscrits dans le Haut-Lomami; Lualaba; Tanganyika; Haut-Uele; Bas-Uele; Maniema et la Tshopo, constituent un réservoir de 19.329.106 électeurs. A la Présidentielle de ce 20 décembre, l’opposant Moise Katumbi va y défier le Président sortant Félix Tshisekedi. En RD-Congo, la zone Est reste la région de tous les superlatifs: la plus étendue, la plus peuplée, la plus exposée aux forces négatives et aux incursions des armées rwandaise et ougandaise mais aussi la plus convoitée dans le cadre des compétitions électorales depuis 2006. Joseph Kabila a gagné la Présidentielle à deux reprises pour y avoir engrangé plus de voix que Jean-Pierre Bemba en 2006 et Étienne Tshisekedi en 2011. En 2018, son poulain, Emmanuel Shadary, a laissé les plumes face à Félix Tshisekedi et Martin Fayulu, l’Est ayant opté pour un vote sanction à cause de la guerre et l’insécurité qui n’en finissaient pas.

Comment Tshisekedi s’était suicidé sur le Kivu

Alors qu’il a juré de considérer comme raté son mandat tant qu’il n’aura pas mis fin à la guerre de l’Est, Félix Tshisekedi risque d’être emporté par les voix de l’Est à l’issue d’un vote-punition, là où son principal challenger, Moise Katumbi, parait avoir le vent en poupe. Déjà populaire au Grand Katanga, son fief naturel qui pèse 6.705.133 inscrits, certains fins analystes voient le candidat #3 ravir la majorité des voix de la partie Est si le vote devrait être dicté par la langue commune, le swahili, et dans l’éventuel cas de figure où Docteur Mukwege viendrait à se retirer de la course comme le lui ont demandé les candidats aux législatives et aux municipales qui le soutiennent.

L’ancien gouverneur de l’ex-Katanga peut donc surfer sur ce matelas de voix avant d’espérer récolter les voix supplémentaires au Centre et dans la zone Ouest. Au Centre, Félix Tshisekedi peut espérer réaliser un carton plein dans les trois provinces du Kasaï et Lomami avec leurs 6.264.402 inscrits. Le Sankuru, dont les habitants ont attendu en vain la construction de Lumumba ville, lui aussi laissé à l’abandon et oublié pendant le quinquennat, risque d’échapper au contrôle de Tshisekedi au profit, encore une fois, de Katumbi, bien accueilli à Lodja pendant sa tournée de campagne.

Le grand Bandundu : la majorité oubliée va décider aussi

Le Président sortant devrait batailler dur pour prétendre rafler la majorité de voix à l’Ouest où la présence de Martin Fayulu et Adolphe Muzito risquerait de déranger sérieusement ses calculs. Notamment dans le Grand Bandundu, qu’il n’a pas non plus visité durant tout son mandat, mais qui pèse 4.721.791 inscrits soit respectivement 1.226.433 pour Kwango, 2.511.438 pour Kwilu et 983.920 pour Mai-Ndombe. Si le vote devrait, encore une fois, se jouer sur des considérations sociologiques et linguistiques, les pays Mbala, Yansi, Suku et Yaka opteraient pour Fayulu alors que la zone Pende choisirait Adolphe Muzito, quitte à se partager les suffrages dans la ville de Kikwit.

La même tendance devrait s’observer à Kinshasa, 5.062.991 inscrits, mais où presque tous les concurrents devraient se partager logiquement les voix, compte tenu du caractère cosmopolite de la capitale, aujourd’hui peuplée non seulement par la diaspora venue de Kwango et Kwilu mais aussi par les Kasaïens à la recherche du travail et des ressortissants du Grand Kivu ayant fui le cycle de violences à l’Est. La bataille pour le contrôle des voix du Grand Équateur, 4.313.502 inscrits, resterait ouverte, tant la tournée de Katumbi a démontré qu’il pourrait y grappiller d’importantes voix au regard de l’affluence à ses meetings de Mbandaka, Lisala, Gbadolite et Gemena, jadis réputé fief de Jean-Pierre Bemba, allié de Félix Tshisekedi.

À Lisala, le peuple a eu le courage de dire à Tshisekedi qu’il n’a même pas construit un WC. Comme pour le Grand Bandundu, les candidats Tony Bolamba, Henoch Ngila, Jean-Claude Baende et Marie Josée Ifoku devraient logiquement empêcher à Félix Tshisekedi de combler son retard face à Katumbi. Idem pour le Kongo central, 2.148.989 inscrits, où les deux challengers devraient se partager les voix avec un certain… Martin Fayulu. Cet éparpillement des voix ne saurait favoriser Tshisekedi qui serait en déficit à l’Est.

Les deux principaux concurrents devraient aussi se partager les 13.000 voix potentielles issues de la diaspora.

José LIBYA NZALINGO

Licencié en Droit public interne de l’UNIKIN/Analyste politique

(Les titre et intertitres sont de la rédaction)

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