À quarante-huit heures des élections générales en RD-Congo, les évêques catholiques ne se cachent plus. Les uns après les autres, ils appellent à voter pour le changement. De Kindu à Lubumbashi et de Beni à Inongo, le message est le même: il faut mettre fin à la «promessocratie», néologisme inventé par Mgr Melchisédech Sikuli Paluku, évêque de Beni-Butembo, pour dénoncer le régime actuel, caractérisé par des promesses non tenues. Un message qui rencontre en plusieurs points l’évangile propagé par l’Opposition durant la campagne électorale finissante: dire au revoir aux «promesses hypnotiques».
En septembre déjà, le pasteur de la région de Beni-Butembo donnait le ton, en appelant ses brebis à choisir les dirigeants en tenant compte du rêve de cette partie du pays, longtemps meurtrie par des guerres et des tueries interminables. Trois mois plus tard, cet homme d’Église ne dissimule pas sa déception après le passage du Président sortant dans sa juridiction ecclésiastique pour y battre campagne.
«Le Président qui a demandé un nouveau mandat, a été de passage ici. Je crois que vous avez eu à écouter son message. Qu’est-ce qu’il a dit de nouveau? Je l’ai personnellement suivi, il n’a enchainé que de promesses jusque-là non réalisées. En parlant de l’insécurité, il n’a fait allusion qu’à ceux qui sont du côté de Goma. Et non ici chez nous. Il n’a rien dit sur les ADF. Mais il a vanté les Mai-Mai, auteurs de plusieurs exactions ici chez nous», cogne-t-il sur une radio locale.
Le message sans détours de l’évêque d’Inongo
Comme l’évêque de Beni-Butembo, son collègue de Kindu donne également de la voix pour orienter ses fidèles à «’’donner’’ mandat aux nouveaux dirigeants qui ont fait montre du sens du bien commun, de l’amour de la patrie et de la générosité dans leurs projets de société», non sans évoquer la veillée électorale promue par l’Eglise le 20 décembre. «Ne quittons pas les centres de vote avant l’affichage des résultats par bureau de vote, et sans que tous les documents y afférents ne soient officiellement signés», conclut Mgr François Abeli Muhoya.
Plus tranchant, Donatien Bafuidinsoni, Evêque d’Inongo, est d’avis qu’il faut «aller choisir de nouveaux dirigeants». Rien que ça! Le prélat, qui dit avoir écouté, vu et lu les événements durant la campagne électorale, constate avec amertume le passage de certains candidats ou leurs «commissionnaires électoraux» dans les territoires ou ville du Mai-Ndombe, une partie du pays qu’ils n’ont pourtant pas visitée durant le quinquennat finissant. Pas besoin d’un dessin pour comprendre qu’il s’agit là du candidat Félix Tshisekedi. «Je soutiens pour ma part qu’il est temps, et c’est maintenant, que nous devons choisir de nouveaux dirigeants du pays», estime Mgr Bafuidinsoni.
Surveiller les bureaux de vote avant, pendant et après le vote
Pour sécuriser le vote, l’évêque invite, comme ses compères, les chrétiens d’Inongo à demeurer «devant les bureaux de vote, avant, pendant et après» le scrutin pour se «rassurer que l’on n’impose pas des personnes non choisies». Des consignes qui vont dans le sens de prêche de Moise Katumbi avant et pendant la campagne.
À Goma, le message du changement a également été prêché par le pasteur des fidèles catholiques du coin, Mgr Willy Ngumbi. Au cours d’une conférence de presse le 9 décembre, l’évêque du diocèse de Goma a fait un appel sous forme de souhait: «Si je dois vous donner un vœu pour nous les RD-Congolais aujourd’hui, ce que d’abord en 2024 nous ayons un nouveau président». Cet évêque ne jure que sur «un homme qui va avoir le souci du bien-être des RD-Congolais et non pas seulement être Président de la République pour se remplir les poches, pour remplir les poches de sa famille, de ses enfants, ses frères et sœurs».
Aussi, le prélat espère que ce «président élu» sera accepté par «les autres», loin des «troubles» vécus par le passé suite aux élections. «On devrait avoir des élections qui soient crédibles, paisibles mais aussi apaisées», souhaite-t-il. Principale confession religieuse de la RD-Congo avec au moins 40% de la population du pays, l’Église catholique peut faire basculer, à elle seule, le scrutin. En 2018, elle a également constitué la principale mission d’observation électorale lors des scrutins de 2018. Deux jours après le début de la campagne électorale, la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- annonçait déjà les couleurs en exhortant les fidèles à être «vigilants et attentifs» le jour du scrutin afin de «protéger le droit de vote». Pour l’Église catholique, le message est désormais univoque pour le 20 décembre: changement et veillée électorale.
Avec africanewsrdc.net