RTNC Hold-Up (3) : Comment les « chefs coutumiers » ont tenté de manipuler la paie des salaires pour soulever les agents

Tout soulèvement du personnel à la radiotélévision nationale passe par la manipulation de leurs intérêts. C’est le coup que les pêcheurs en eaux troubles ont tenté pour discréditer le comité de gestion en faisant geler la paie des agents de Kinshasa seulement, alors que ceux de l’intérieur étaient déjà payés. Les listings de la direction centrale – qui sont élaborés par le ministère du budget et non la direction de l’entreprise puisque la RTNC émarge au budget annexe de l’Etat – ont, heureusement, été vite retrouvés sur la table d’une secrétaire de l’OD qui les avait délibérément retenus et qui, quelques minutes plus tôt devant les vérificateurs de la RTNC, avait nié, sur un ton de menace, les avoir réceptionnés. RECIT.


La Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) a frôlé l’embrasement, début août 2023, à la suite d’un montage mis en place pour soulever le personnel de la direction centrale de Kinshasa. Objectif : discréditer la nouvelle gouvernance en place depuis novembre 2022 et amener l’autorité à procéder à une nouvelle mise en place.
Selon les enquêtes de Congo Guardian, le coup, qui n’est pas nouveau dans la vie de la chaîne nationale, a été l’œuvre d’un groupe de cadres et agents, couramment appelés les « chefs coutumiers ». Une clique de personnes juchées dans tous les services et directions de la RTNC, et ayant des ramifications jusqu’au sein d’autres instances et institutions étatiques ayant une emprise sur cette chaîne, ainsi que dans des banques où ils comptent des alliés. Depuis des années, en effet, ces « chefs coutumiers » se sont octroyé des pouvoirs de vie ou de mort sur tout comité de gestion qui ne se soumettrait pas à leur volonté et à l’ordre qu’ils ont établi depuis des décennies pour vivre aux crochets de l’entreprise.
Tout nouvel ordre tendant à compromettre leurs intérêts illicite est farouchement combattu comme ils ont réussi à faire avec plusieurs comité de gestion.

Lire nos précédents articles sur le même sujet à ces liens : https://congoguardian.com/2023/08/23/rtnc-hold-up-2-pendant-des-annees-des-syndicalistes-se-partageaient-mensuellement-plus-de-usd-60-000-sur-maboko-banque-la-prime-des-agents/

Pour le coup sous examen, les « chefs coutumiers » ont ciblé le point névralgique que sont les salaires des cadres et agents dont ils ont manipulé le paiement afin de créer de l’impatience et pousser au soulèvement. Le dispositif mis en place visait aussi un relai syndical qui allait envahir les médias et les réseaux sociaux afin de créer une pression sur le ministère de tutelle et l’amener à sanctionner le comité ainsi présenté comme défaillant.

Bouton rouge au ministère du budget
Pour mener à bien ce coup, les bonzes autoproclamés du média public ont actionné leur réseau au ministère du budget pour geler la transmission des listings de paie du mois de juillet et ainsi faire traîner cette paie pendant qu’une campagne de diabolisation était déjà enclenchée pour en rejeter la responsabilité au comité de gestion. La version de cette responsabilité voulait, en effet, que ce soit le comité de gestion qui a bloqué le paiement des salaires dans le dessein de manipuler les fonds à son profit en voulant en tirer des rémunérations au niveau des banques.
Tout crime n’étant pas parfait, le réseau des « chefs coutumiers », au sein duquel se recrute certains délégués syndicaux de la délégation de l’administration centrale, ont oublié que, la RTNC émargeant au budget annexe de l’Etat, c’est au ministère du budget, à travers sa direction de la paie, que revient la charge de confectionner les listings de paie et de les transmettre dans le circuit d’ordonnancement des dépenses afin de créditer les comptes des agents et cadres.
Pour le mois de juillet 2023, la direction de la paie au ministère du budget s’était exécutée comme à l’accoutumée et les listings pour la RTNC – aussi bien pour Kinshasa que pour les provinces – étaient apprêtées et transmises chez l’Ordonnateur des dépenses et la banque centrale du Congo avait crédité les comptes de la RTNC depuis le 7 juillet pour la paie, documents de transmission à l’appui. Jusqu’autour du 11 juillet, cependant, les agents de Kinshasa constatent que leurs comptes ne sont pas encore crédités, alors que les réseaux sociaux grouillent de cette fameuses rumeurs attribuant ce retard à des manipulations du nouveau comité de gestion.

Les listings retrouvés in extremis sur la table d’une secrétaire au bureau de l’OD
De la rumeur aux remous, le pas se franchit facilement. La Directrice générale, Sylvie Elenge Nyembo, en est bien consciente. Elle dépêche, le 15 juillet 2023, une équipe de vérification pour s’enquérir de la situation et s’informer des raisons de ce retard auprès de l’ordonnateur des dépenses. La délégation est accueillie par l’une des secrétaires de l’OD qui leur répond, sur un ton presqu’hostile que les listings de la RTNC ne sont pas encore arrivés là, et leur exige une preuve contraire.
Sans se démonter face à cette hostilité suspecte, la petite délégation remonte aux Service des relations extérieures de la direction de paie du ministère du Budget. Ces services suivent et archivent tous les mouvements au sein de cette direction. Elle ne s’est pas trompée, car en plus de confirmer que les listings étaient déjà transmis à l’OD, il leur est brandi l’accusé de réception de cette transmission, qui reprend la date, l’heure ainsi que l’identité de la personne qui les a réceptionnés.
Cet accusé de réception renseigne que les services de l’ordonnateur des dépenses étaient en possession des listings depuis le 4 août 2023, soit 11 jours avant cette démarche de vérification. Pour en avoir le cœur net, la mission de vérification commise par la DG Elenge retourne auprès de son interlocuteur chez l’OD, mais cette fois-ci accompagnée, en plus de l’accusé de réception, de deux agents des services extérieurs de la direction de la paie. Ceux-ci portent eux-mêmes les registres d’enregistrement des transmissions des documents où est consigné le fameux accusé de réception.
Face à ces évidences implacables, la Secrétaire hostile de tout à l’heure plonge de la petite paperasse sur sa table pour feindre de chercher les listings, mais elle n’a pas beaucoup d’efforts à fournir car le document était pratiquement en évidence sous yeux et à portée de sa main. Avec insistance, les délégués de la DG Sylvie Elenge exigent que ces listings soient transmis chez FBN Bank pour que les comptes des agents soient crédités. Ils vont y retourner le lendemain, le 16 juillet 2023, pour constater que la lettre de transmission était déjà prête. Et le nécessaire va être fait pour libérer les agents dans la journée.

Seuls les agents de Kinshasa étaient bloqués
Il faut noter que durant ces quelque 10 jours de retard de la paie des agents de la RTNC/Kinshasa, les fonds se trouvaient déjà à la banque mais il ne restait plus que les listings pour qu’ils soient dispatchés dans les comptes des agents. C’est ici qu’apparaît la main noire des « chefs coutumiers » qui avaient bien calculé leur coup pour ne cibler que la direction centrale.
En effet, seuls les listigns des agents de la ville de Kinshasa avaient été retenus au bureau de l’OD alors que la direction de la paie avait transmis tous les documents pour l’ensemble de la République. Et au moment de la régularisation de la situation, presque tous les les agents de l’intérieur, y compris ceux qui sont payés par virement en monétique, avaient déjà perçu leurs salaires sauf leurs collègues de Kinshasa.
Le pot-aux-roses aura ainsi été cette manœuvre des « chefs coutumiers » qui, se sentant gênés dans leurs activités illicites au regard des réformes entamées par la nouvelle direction de la RTNC, s’emploient à troubler les eaux pour y pêcher comme à leurs habitudes.

La RTNC n’établit pas les listings de paie

Contrairement donc aux rumeurs délibérément répandues par les « chefs coutumiers », la direction de la RTNC n’a aucun sur l’organisation de la paie des agents car ceux-ci émergent au budget annexe de l’État. Les listings de paie sont établis par les services ad hoc du budget qui les transmets à l’OD qui donne les instructions pour créditer directement les comptes des agents.

La seule intervention possible de la RTNC s’observe lorsqu’il s’agit de désactiver un agent six mois après son décès comme le prévoit la loi ou d’en ajouter un autre.
JDW

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