La déclarant raciste et discriminatoire, HRW appelle, à son tour, au rejet de la « loi Tshiani »

Human Rights Watch est un organisme international des droits de l’homme consacré à des enquêtes sur des abus à travers le monde, afin de les dénoncer. Parmi ses actions, il exerce des pressions sur les de gouvernements, notamment, de groupes armés et d’entreprises, afin qu’ils changent leurs lois, leurs politiques et leurs pratiques au profit des droits et libertés des citoyens.

Fidèle à sa vocation depuis plus de deux décennies, HRW joint sa voix à tant d’autres pour appeler au rejet de la « loi Tshiani » en raison de son caractère raciste, discriminatoire et exclusionniste. Dans un communiqué le 2 mai 2023, en effet, cet organisme de renommée internationale parle d’une « proposition de loi que les autorités pourraient utiliser pour exercer une discrimination contre certains citoyens congolais en raison de l’origine nationale de leurs parents ». « Cette loi empêcherait tout Congolais dont l’un des parents n’est pas d’origine congolaise d’accéder à la fonction présidentielle et aux postes à responsabilités au sein des institutions », peut-on encore lire dans le même communiqué.

Une loi politiquement orientée contre des adversaires politiques

Human Rights Watch estime que « l’examen de cette proposition de loi au cours d’une année électorale renforce les craintes que les autorités ne l’utilisent pour empêcher certaines personnes de se présenter aux élections, en violation des protections juridiques internationales relatives à la participation démocratique et à la non-discrimination ».

Egalement appelé « loi Tshiani » ou loi sur la « congolité », cette proposition de loi, initiée par Noël Tshiani, a été présentée par le député national Roger Nsingi pour la première fois en 2021 et a été déclarée anti constitutionnelle par le bureau d’études de l’Assemblée nationale et devait ainsi être rejetée, mais le Président de cette chambre a organisé personnellement son inscription au calendrier législatif de la présente session. Il a même décidé d’autorité qu’elle sera débattue en plénière.

« Les autorités congolaises pourraient facilement se servir de la loi Tshiani, si elle était adoptée, pour empêcher illégalement des citoyens congolais d’être candidats à des fonctions politiques », craint Carine Kaneza Nantulya (photo d’illustration), Directrice adjointe à la division Afrique à Human Rights Watch. Elle estime, qu’« en plus d’être discriminatoire, l’adoption de cette loi pourrait présager une nouvelle vague de répression et de violences. »

Katumbi, la tête à abattre par la « loi Tshiani ».

Sans détour et comme tant d’autres observateurs qui sont unanimes à ce sujet, HRW perçoit cette loi comme une tentative d’écarter Moïse Katumbi, qui dirige le parti d’opposition Ensemble pour la République et est considéré comme l’un des adversaires potentiels du président Félix Tshisekedi à l’élection présidentielle qui doit avoir lieu en décembre 2023 ». Et Human Rights Watch rappelle que cette manœuvre exclusionniste contre Katumbi n’est pas la première du genre. Il note qu’en 2016 déjà, « le ministre congolais de la Justice a ouvert une enquête visiblement motivée par des considérations politiques à l’encontre de Moïse Katumbi. En 2018, le gouvernement du président de l’époque, Joseph Kabila, a interdit à Katumbi de rentrer au pays pour enregistrer sa candidature, le privant ainsi de son droit à se présenter à l’élection présidentielle ».

HRW note également que plusieurs diplomates étrangers, des responsables du système des Nations Unies, d’organisations congolaises et de personnalités se sont déjà exprimés contre cette proposition de loi. Il a aussi enregistré des manifestations d’opposition, au pays comme à l’étranger, pour s’y opposer. Ces manifs ont eu lieu notamment dans les provinces du Nord-Kivu, de l’Ituri, du Katanga, du Kongo-Central, ainsi qu’à Kinshasa, la capitale.

Rappelle du bloc national et international de rejet de la loi exclusionniste

L’Ong internationale HRW rappelle   aussi des déclarations d’organismes nationaux comme la Voix des Sans Voix qui a déclaré, le 5 avril dernier, que cette proposition de loi allait être utilisée pour exclure certaines personnes de la compétition politique et que le Parlement devrait la rejeter pour « éviter des tensions politiques susceptibles d’occasionner des violations des droits humains ». L’ACAJ (Association Congolaise pour l’Accès à la Justice) a aussi déclaré que cette loi « risque de générer des frustrations et d’éventuelles violences ».

Et ce n’est pas tout. Dans son message de Pâques du 8 avril, rappelle encore HRW, le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, avait déclaré qu’« un projet de loi sur la congolité, à la veille des élections, nous divise davantage qu’elle ne nous unit. Nous avons un urgent besoin des gestes et des lois qui rapprochent, plus que des actes et des dispositions qui nous dressent les uns contre les autres ».

Au niveau international, poursuit HRW, « une délégation d’ambassadeurs de pays membres de l’Union européenne a rencontré le Président de l’Assemblée nationale pour lui faire part de ses préoccupations concernant cette proposition de loi ». Et encore : « Dans son discours au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en mars, la cheffe de la Mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo, Bintou Keita, a exprimé son inquiétude face à « la montée dans le discours politique de messages à relents xénophobes et racistes qui constituent un danger pour la cohésion nationale, la paix et la sécurité », appelant par la suite à la mise en place d’un processus électoral inclusif.

Et par la même occasion, Bintou Keita a rappelé qu’aucun Congolais ne devrait être exclu du fait de son origine, de celle de ses parents ou de son conjoint.

Ces instruments internationaux que la « loi Tshiani » violent

Passant aux instruments internationaux liés aux droits et libertés de l’homme, HRW rappelle le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, traités auxquels le Congo est partie. Ces textes, note cet organisme international, « garantissent à chacun une protection égale et effective contre toute discrimination fondée sur l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique ou toute autre situation ». L’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose, en effet, que que « tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations … et sans restrictions déraisonnables : … de prendre part à la direction des affaires publiques … et d’être élu au cours d’élections périodiques et honnêtes ».

Forte de ces dispositions, Carine Kaneza Nantulya rappelle que « chaque citoyen congolais devrait pouvoir se présenter aux élections sans discrimination ni crainte d’intimidation sur la base de son appartenance ethnique ou de la nationalité de ses parents ». Aux autorités congolaises, elle dit qu’elles « devraient prendre au sérieux leur engagement en faveur de la démocratie et des droits humains et, comme elles l’ont fait en 2021, rejeter toute notion d’exclusion de l’identité congolaise. »

JEK

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