L’affaire des bus Trans Académia – en réalité de Transco – éclate au grand jour et révèle une supercherie qui a fait passer ces bus pour un don du chef de l’Etat alors qu’ils proviennent du patrimoine privé de Transco. Si les nouvelles enquêtes « Congo Hold-Up » reviennent sur la nature scabreuse du marché d’acquisition du lot de 440 bus d’où ont été soutirés les 100 unités affectées au transport des étudiants, Congo Guardian vient de mener une mini-enquête qui révèle une pirouette qui a fait dégager les égyptiens de MCV, premier partenaire et fournisseur de Transco depuis sa création, au profit du belge Philippe de Moerloose et sa société SMT Africa. Une opération éclaire qui est partie de la Présidence de la République pour s’imposer au cabinet des Transports et voies de communication sans passer pralablement par le Conseil des ministres.
Congo Guardian a interrogé les archives physiques et immatériels du ministère des Transports et Voies de communication pour découvrir que l’opération remonte à 2019 au moment du transfert des pouvoirs entre le gouvernement Tshibala et celui de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, Premier ministre de la coalition FCC-CaCH. Didier Mazenga, Ministre des Transports et Voies de communication, trouve sur sa table un dossier de renouvellement du parc de la société Transco créée en 2013 sous le management de Justin Kalumba Mwana Ngongo.
Mazenga est approché par la firme égyptienne MCV, qui avait déjà fourni le premier lot de bus de marque Mercedes à la création de Transco et qui était informé des préparatifs pour l’acquisition de plus de 400 nouveaux bus.
Depuis la création de Transco, en effet, c’est cette firme égyptienne qui en était devenu le partenaire, aussi bien pour la formation de son personnel (dont les chauffeurs) que pour la maintenance et la fourniture des pièces de rechange en collaboration avec la maison mère de Mercedes-Benz. Ce partenariat prévoyait même l’installation d’une usine d’assemblage des bus en RDC.
Un coup de fil de la Présidence impose à Mazenga le contrat avec le belge SMT Africa
C’est dans les encablures de ce programme que les changements intervenus après les élections de 2018 vont tout faire basculer. En effet, alors qu’il vient à peine de prendre langue avec les égyptiens de MCV, Didier Mazenga reçoit un coup de fil de la présidence de la République qui lui annonce le débarquement, dans les instants qui suivent, d’une délégation des belges pour la signature de la convention de fourniture des bus pour la société Transco.
C’est donc dans ces conditions que le Ministre des Transcom découvre ce deal de 440 bus de marque Volvo que la société SMT Africa doit fournir. Mazenga ne maîtrise donc ni les tenants, ni les aboutissants de ce marché qui n’a même pas été soumis à l’approbation du Conseil des ministres.
Un marché puant la corruption et la surfacturation
Les enquêtes désormais connues sous la dénomination de « Congo Hold-Up » viennent, quant à elles, de livrer une nouvelle fournée liée, cette fois-ci, aux surfacturations dans ce marché de fourniture des bus à la société Transco. L’enquête d’un consortium de médias belges et français révèle, au passage, la pirouette qui a fait passer des bus du patrimoine privé de Transco, une entreprise publique dotée d’une personnalité juridique, à une nouvelle société, Trans Académia, dédiée uniquement au transport des étudiants.
Présenté au départ comme un don du chef de l’Etat aux étudiants, il s’avère, selon les révélations de De Standaard, Le Soir et Mediapart, que ce lot de bus fait partie d’un lot de 440 bus Volvo B270F – « un modèle rudimentaire mesurant 12,6 mètres de long et 3,5 mètres de haut » – fournis en 2019 par la société SMT Africa appartenant à l’homme d’affaires belge Philippe de Moerloose. Coût total de ces 440 bus : 72,8 millions de dollars.
Les enquêtes Congo Hokld-Up ont retracé le circuit financier de ce marché pour découvrir des surfacturations manifestement localisées entre le belge De Moerloose et ses contacts congolais. Selon les enquêtes sous examen, Volvo Group, qui a répondu aux questions posées, n’a pas souhaité commenter pas les prix pratiqués par De Moerloose pour les bus. Son porte-parole, Claes Eliasson, a assuré que « Volvo n’a pas de visibilité sur les prix appliqués par ses revendeurs mais suit une politique anti-corruption stricte ». Il a, tout de même assuré que « le groupe Volvo est conscient des allégations contenues dans votre requête et a pris les mesures nécessaires pour enquêter ».
Ecobank bloque une partie de la transaction financière, silence à la Présidence et au Gouvernement
En attendant, la banque Ecobank, par laquelle sont passées les transactions sur ce marché, a déclaré avoir adressé, par son service de conformité, une déclaration à la cellule française de lutte contre le blanchiment d’argent (Tracfin) en 2021 pour révéler qu’une « partie » du montant de la transaction pour les 440 bus Volvo « n’a pas été justifiée par une documentation correcte ».
Enfin, les enquêteurs de De Standaard, Le Soir et Mediapart déclarent n’avoir pas pu obtenir de commentaires auprès de la Présidence de la République et du Gouvernement congolais sur cette affaire.
Dossier à suivre.
JDW