Exclusion et ségrégation en RDC : Le trio Kalombo, Mukebayi et Nsafu vent debout contre la « loi Tshiani »

Le nouveau trio de la communication nationale d’Ensemble pour la République a effectué, ce vendredi 24 mars 2023 à Kinshasa, sa première sortie médiatique au cours d’une conférence consacrée à la dénonciation de la reconduction, à l’Assemblée nationale, de la loi sur la nationalité. Dite « loi Tshiani » ou « loi de père et de mère », cette proposition de loi avait été rejetée lors de la dernière session de chambre basse au terme des avis du bureau d’étude qui en avait démontré l’inconstitutionnalité et le caractère exclusionniste, ségrégationniste et divisionniste.

Francis Kalombo, Mike Mukebayi et Daniel Nsafu se sont ainsi succédé pour stigmatiser la « perfidie » de l’Union sacrée qui, selon eux, est à la base de la relance d’une loi à conflit avec le soutien avéré de l’Udps, parti présidentiel, et de Christophe Mboso, le Président de la chambre basse qui a déjà annoncé que cette proposition de loi – qui a été réceptionnée à son cabinet – va être programmée et sera débattue.

Les dispositions constitutionnelles qui bloquent la « loi Tshiani »

Premier intervenant, Francis Kalombo n’est pas allé par quatre chemins pour pointer du doigt les communicateurs de l’Udps, dont le nommé Jules Monyere, et le Président de l’Assemblée nationale comme étant les porteurs de ce schéma de division et d’exclusion à travers cette loi dont il a également démontré l’inconstitutionnalité. Avocat de profession, le communicateur en chef du parti de Moïse Katumbi a, en effet, évoqué l’article 13 de la constitution qui stipule : « Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ».

Francis Kalombo souligfne donc que le traitement de la « loi Tshiani » devra passer incontournablement et avant tout par la révision de cette disposition constitutionnelle. Ceci n’est, cependant, pas possible en l’état actuel vu le contexte du pays tel que le prévoit aussi la constitution en son article 219 : « Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement ».  

Dans tous les cas, ajoute Me Kalombo, la proposition « de père et de mère » est aussi verrouillée par la même constitution qui exclue toute réduction des droits des citoyens, sous quelque forme que ce soit, et cela conformément au second alinéa de l’article 220 : « Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées».

« Une loi pour faire le lit du M23« 

Face à ces évidences constitutionnelles, Kalombo a clairement indiqué que la relance de cette proposition de loi déjà rejetée une fois ne vise qu’à exclure Moïse Katumbi de la course à la présidentielle. Il a démontré la vacuité de ce « combat d’arrière-garde » en rappelant que le chef de l’Etat lui-même a déjà dit que sa propre mère a des origines angolaises, ce qui ne l’a pas empêché, lui d’être Président en RDC. Il a aussi évoqué le cas de Léon Kengo Wa Dondo qui, reconnaissant être de père étranger, a déjà été candidat président de la république en RDC.

Le chargé de communication principal d’Ensemble pour la République est allé plus loin pour affirmer que par ce comportement, le pouvoir en place fait le lit du M23 dont la base du combat se trouve être justement l’exclusion et la ségrégation communautaire. Il dit en vouloir pour preuve la communication menée le plus ouvertement du monde par les hérauts » de l’Udps qui ont même dressé une liste des métis dont ils ont cité nommément les noms pour les exclure de toute possibilité d’éligibilité à la magistrature suprême. Cette liste, a-t-il encore fait remarquer, ne cible que les métis des provinces autres que celles d’origine du chef de l’Etat.

Cette façon de faire, a-t-il déploré, est même de nature à faire stigmatiser les tribus de ces provinces d’origine du chef de l’Etat dont lui-même, Francis Kalombo, est ressortissant. Il a ainsi rappelé ses compatriotes au pouvoir à la raison pour préserver l’unité et la cohésion nationales dans le contexte d’agression dont le pays est actuellement victime, tout en soulignant le caractère délibéré de cette nouvelle campagne ségrégationniste menée par un certain « Jules Monyere ». Celui-ci, a-t-il rappelé, a récemment été brièvement emprisonné pour la stigmatisation des tutsi, mais continue curieusement à être libre après avoir posé le même acte mais avec une cible communautaire différente.

Tribalisme et incompétence, socles de la gouvernance actuelle en RDC selon Mukebayi et Nsafu

Venant à la suite de Francis Kalombo, le Député provincial Mike Mukebayi a embrayé sur la tribalité de la « loi Tshiani » en dénonçant aussi cette tribalité qui, selon lui, caractérise également la gouvernance du pays. Citant plusieurs cas qui en font la démonstration, surtout au niveau des institutions de la ville-province de Kinshasa, Mukebayi, a voulu relever la dangerosité de cette pratique qui divise les congolais et tend à entraîner le pays vers une déflagration dont personne ne peut mesurer les conséquences.

L’élu de Lingwala a affirmé sda détermination à se battre aux côtés des autres compatriotes épris de paix, d’unité et de solidarité nationale pour barrer la route à ces antivaleurs qui sont antinomiques aux valeurs démocratiques. A son tour, il a rappelé qu’il et originaire du Kasaï, mais qu’il ne cautionnera jamais des initiatives ségrégationnistes comme celle soutenue aujourd’hui par le régime en place.

Même élan pour Daniel Nsafu qui, lui, a surtout insisté sur l’incompétence qui, selon lui, est le socle sociologique des recroquevillements dans des subjectivités communautaires pour des régimes au pouvoir sur le continent africain. Le député national de la Funa, à Kinshasa, a prévenu que les forces de l’opposition, principalement son parti politique Ensemble pour la République, ont déjà atteint la masse critique pouvant faire bouger les lignes avec la rue. C’est ainsi qu’il a invité le peuple congolais à se tenir prêt pour barrer la route à cette loi, tout en exprimant ses regrets pour son collègue Nsingi Pululu qui a prêté son mandat pour des initiatives divisionnistes et exclusionnistes.

Jonas Eugène Kota

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