Nicolas Sarkozy à Kinshasa : Les Congolais se souviennent du « dépeceur » de la RDC

Depuis son arrivée mercredi soir à Kinshasa, Nicolas Sarkozy fait l’objet d’une frénétique activité des congolais sur la toile. Déjà sur l’objet et l’inspiration de la sa visite, on en était à une invitation « confidentielle » du chef de l’Etat pour négocier un contact direct avec Paul Kagame du Rwanda en raison des accointances « historiques » entre celui-ci et l’ancien Président français lorsqu’avant l’atterrissage de son avion, Tina Salama, la porte-parole du Président Tshisekedi, a démenti, dans un tweet, l’initiative présidentielle dans cette visite qu’elle a qualifiée de « privée », ainsi que tout « projet » de médiation avec Kigali.

Avant d’être, à son tour, démentie à deux niveaux : d’abord dès l’atterrissage de l’avion par la présence, à l’aéroport, de Didier Budimbu qui a négocié, côté congolais, cette visite. Une présence qui confère toute l’officialité à cette visite dite « privée ». Ensuite par l’entretien que le chef de l’Etat a été le tout premier à avoir avec cet hôte officiellement privé. Rideau…

En séjour « privé » à Kinshasa, Nicolas Sarkozy reçu officiellement par le Président Tshisekedi

Mais l’attention des congolais, c’est surtout sur ce personnage de Sarkozy, alors Président de la république française, qui leur rappelle ses propos sur le partage des ressources de la RDC avec ses voisins des, l’Est comme solution aux conflits récurrents dans les grands Lacs. Des propos qui, à l’époque, avait provoqué l’ire de Kinshasa, contraignant le fougueux président français à effectuer un déplacement de clarification à Kinshasa.

Retour sur le discours « balkanisateur » de Nicolas Sarkozy

La curiosité des Congolais est donc de voir ce « dépeceur » de leur pays à Kinshasa, accueilli au plus haut sommet de la République dans des conditions d’actualité qui, de leur point de vue majoritairement partagé, est hors de contexte. Le 16 janvier (2009) devant le corps diplomatique à Paris, le chef de l’Etat français avait évoqué « la place, la question de l’avenir du Rwanda », pays « à la démographie dynamique et à la superficie petite » et « la question de la RDC, pays à la superficie immense et à l’organisation étrange des richesses frontalières », pouvait-on lire dans une dépêche de l’AFP. Qui ajoutait : Il (Ndlr : Sarkozy) avait plaidé pour une « nouvelle approche » afin de régler « de façon globale » l’instabilité dans la région des Grands Lacs.

« Quant à la région des Grands Lacs, la violence s’est une nouvelle fois déchaînée. L’option militaire n’apportera aucune solution aux problèmes de fond qui se posent de façon récurrente depuis dix ans », amorçait Sarkozy devant le corps diplomatique à Paris avant d’assener : « Cela met en cause la place, la question de l’avenir du Rwanda, avec lequel la France a repris son dialogue, pays à la démographie dynamique et à la superficie petite. Cela pose la question de la république démocratique du Congo, pays à la superficie immense et à l’organisation étrange des richesses frontalières ».

Et de poursuivre, sournois dans son approche : « Il faudra bien qu’à un moment ou un autre il y ait un dialogue qui ne soit pas simplement un dialogue conjoncturel mais un dialogue structurel : comment, dans cette région du monde, on partage l’espace, on partage les richesses et on accepte de comprendre que la géographie a ses lois, que les pays changent rarement d’adresse et qu’il faut apprendre à vivre les uns à côté des autres ? »

Dans son édition du 18 janvier 2009, le journal français Le Monde va dévoiler la pensée de Sarkozy enfuie dans ses circonlocutions en révélant son plan qu’il comptait discuter avec les autorités de Kinshasa lorsqu’il s’y rendra à l’occasion de sa mini-tournée africaine qu’il avait entamée par la RDC à la fin du premier trimestre de cette année. Concrètement, selon le Monde, Sarkozy proposait « l’exploitation en commun par la RDC et le Rwanda des richesses du Nord-Kivu », allant jusqu’à suggérer le « partage » de l’espace et des « richesses naturelles ».

Nicolas Sarkozy et Joseph Kabila au sortir de leur entretien le 26 mars 2009 au Palais de la Nation. Des mines évocatrices….
(Photo droits tiers)

Des propositions qui, tout naturellement, résonnèrent comme la mise en œuvre de la « balkanisation » de la RDC tant redoutée et longtemps dénoncée à Kinshasa. Normal, alors que l’on assiste à une levée des boucliers sur les rives kinoises du fleuve Congo. L’Ire, des congoloais ne passera, d’ailleurs, pas inaperçue à, l’Elysée où, depuis janvier 2009, on concoctera des scénarii pour arrondir les angles une fois à Kinshasa.

« Le président Nicolas Sarkozy devra tenter jeudi (Ndlr : le 26 mars 2009) à Kinshasa d’effacer les réactions d’hostilité après ses déclarations sur le partage nécessaire des richesses de l’immense République démocratique du Congo (RDC) avec son petit voisin, le Rwanda, en échange d’une paix régionale », prévenait alors l’AFP dans une dépêche annonçant l’arrivée du Président français en RDC.

Il faut rappeler que lorsque Sarkozy tient ses propos « balkanisateurs » à Paris, la RDC est en proie à une nouvelle rébellion du CNDP. Et en mars, quand il arrive à Kinshasa, la RDC est en opération conjointe, avec le Rwanda, de traque des FDLR dans les collines du Kivu.

Un séjour qui divise les congolais ?

Arrivé de nouveau à Kinshasa dans un contexte de profonde crise entre Kinshasa et Kigali (pire qu’en 2009), que peut donc Nicolas Sarkozy ? C’est la question que se posent les kinois après le passage d’Emmanuel Macron à Kinshasa, passage qui a été dilué dans une querelle sur des questions de démocratie et d’africanité de la gestion des conflits électoraux… Un séjour pour le moins délicat qui, d’un côté, révèle un faussé entre le sommet et la base congolais dans l’approche sur le règlement de la crise sécuritaire à l’Est (en tous cas, la majorité des congolais qui s’expriment, ne voient pas d’un bon œil l’implication de la France, en général – comme ils l’ont montré avec Macron -, et de Sarkozy en particulier, en raison de ses accointances avec Kagame ; et, de l’autre, remet à l’actualité l’aversion – carrément – d’une médiation française dans la crise avec le Rwanda.

Jonas Eugène Kota

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