Alors que l’opinion croit que le changement de ministre provincial des finances vient mettre fin aux pratiques décriées par l’IGF, on assure à l’Hôtel de ville que ce dispositif de prédation financière n’a jamais trouvé de cadre plus propice que celui créé avec l’arrivée de Félicien Kuluta Ntula…
Les choses vont-elles changer pour mettre fin à la prédation financière dans la ville-province de Kinshasa avec le changement qui vient d’intervenir au ministère provincial des finances ? Faisant droit à une vive requête lui adressée par l’Inspecteur général des finances, le Gouverneur de la ville vient, en effet, de nommer Kuluta en remplacement de Ngoy au stratégique ministère des finances. Dans une lettre datée du 27 février 2023, en effet, Jules Alingete avait signifié au Gouverneur Gentiny Ngobila que ce ministère était la plaque tournante de la prédation sur les finances de ville. C’est là, disait-il, que les ressources de la ville sont rongées à la source avant d’accuser directement le Ministre provincial des finances d’en être la plaque tournante.
Mais le changement qui vient d’intervenir à la tête dudit ministère suscite à la fois l’indignation et l’indifférence dans l’administration de la ville, à commencer par l’Hôtel de ville. Ici, en effet, des voix confient à Congo Guardian qu’en fait, « le Gouv’ vient seulement d’opérer un jeu de chaises musicales ». Une autre, apparemment plus introduite, revient vers Congo Guardian pour assurer que l’arrivée de Félicien Kuluta Ntula.
Jusque-là Directeur général de la DGRK, cet ancien magistrat révoqué en juillet 2009 vient comme pour boucler une boucle de la prédation puisque, assure-t-il, « le ministre qui vient de s’en aller n’était qu’une étiquette alors que la vraie prédation lui passait à la fois au-dessus de la tête et sous ses pieds ».
Dans les conclusions d’un contrôle mené par ses services au sein du circuit financier de la ville-province de Kinshasa, rappelle notre interlocuteur, Jules Alingete faisait état des pratiques de prédation qui s’opère par des protocoles d’accord, des conventions et des lettres de nivellement du Ministre provincial des finances, etc. ; des pratiques qui « paralysent la chaîne de la recette, de la constatation au recouvrement ». Ces pratiques, poursuivait Alingete, « entraînent une ignorance des droits revenant aux services d’assiette, consacrant la consommation des recettes urbaines à la source et prive ainsi la ville des moyens de sa politique ».
Pour cet interlocuteur de Congo Guardian donc, le Ministre des finances était, depuis longtemps, « bypassé » par un circuit qui lui échappait totalement et dont les deux bouts sont logés à l’Hôtel de ville et à …. La DGRK. Soit là d’où vient le nouveau ministre des finances.
Hervé Ngia Bobila, l’autre maillon de la triade familiale autour des finances de la ville
Dans nos précédentes publications, votre média en ligne avait fait état de certaines pratiques peu licites dans lesquelles était cité Félicien Kuluta Ntula dans un « jeu de parenté entre l’hôtel de ville et la DGRK ». Nous relevions, par exemple, cette mystérieuse mission de service ordonnée depuis avril 2022 par le Gouverneur Ngobila pour le DG Kuluta, mais qui s’était effectuée seulement au mois d’août pour des raisons demeurées inconnues. Kuluta s’en allait alors en mission pendant que son adjoint était aussi absent de la ville.
Véritable étiquette dans ce jeu des couloirs, le Ministre de tutelle, Ngoy Mvunzi, est alors instruit de désigner le Directeur du recouvrement Hervé Ngia Bobila pour assurer l’intérim alors que celui-ci revient, selon l’organisation de l’administration de la DGRK, au directeur qui, hiérarchiquement revient après le DGA. On comprendra simplement que Hervé Ngia Bobila, désigné expressément pour enjamber l’intérimaire attitré, se trouve être le beau-frère du Gouverneur.
E-taxe : le triste épisode de deux mois de blackout
On rappelle également ce mystérieux épisode où les finances de la ville ont fonctionné pendant au moins deux mois sans le système E-Taxe qui assure le suivi des opérations financières de la ville. Ce dispositif numérique avait été mis en place en 2020 grâce à un partenariat entre la ville et la firme Solutech pour gérer la traçabilité de paiement des taxes.
Ce système, qui a complètement dématérialisé les opérations, gère toute la chaîne de dépense, à commencer par la constatation, la liquidation, l’ordonnancement et le recouvrement des recettes. Par ce dispositif la ville a pu dématérialiser les procédures fiscales pour permettre aussi aux assujettis de faire leurs déclarations et effectuer leurs paiements en un temps record grâce, notamment, à la note de perception générée par ce système e-Taxe.
Toujours par ce système, le Gouvernement provincial est en mesure de suivre en temps réel tout paiement, car ce système notifie à tous les acteurs impliqués chaque paiement dès l’instant où il est effectué, ce qui permet d’éviter la fraude.
C’est pourtant ce système qui fut bypassé pendant près de deux mois, soit tout le mois d’août jusqu’au 22 septembre 2022. Il sera remplacé pendant tout ce temps par le système manuel déjà dépassé. Le consortium Solutech avait, en effet, déconnecté le système informatique suite à des arriérés de paiement de ses prestations qui remontaient alors à au moins huit mois.
Aujourd’hui, il n’existe aucune trace des recettes financières de cette période car, officiellement, plusieurs agents percepteurs témoignent avoir mentionné « néant » dans leurs documents. Alors qu’on assure que ces recettes étaient perçues autrement dans un circuit dont personne, à l’hôtel de ville, n’est dupe…
JDW