Atrocités sur les populations à l’Est : Human Rights Watch épingle le M23/RDF et des officiers FARDC

Les exactions du M23, ainsi que la collaboration entre certains officiers l’armée congolaise et des milices, attisent la violence ethnique dans le Nord-Kivu. C’est ce qu’énonce Human Rights Watch dans un poignant rapport dont la synthèse est reprise ci-dessous.

Le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda a procédé à des exécutions sommaires et au recrutement forcé de civils dans l’est de la République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. En réponse à l’offensive du M23, l’armée congolaise collabore avec des milices à caractère ethnique responsables d’exactions.

Les parties belligérantes font de plus en plus appel aux loyautés ethniques, exposant les civils des zones reculées de la province du Nord-Kivu à un risque accru.

« Les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda dans le Nord-Kivu laissent dans leur sillage une série croissante de crimes de guerre contre les civils », a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal sur la RD Congo à Human Rights Watch. « Le Rwanda devrait mettre fin à son soutien militaire au M23, tandis que les troupes gouvernementales congolaises devraient donner la priorité à la protection des civils et cesser de recourir à des milices responsables d’abus comme forces supplétives. »

Les enquêtes récentes du Groupe d’experts des Nations Unies sur la RD Congo, ainsi que les recherches menées par Human Rights Watch fournissent des preuves significatives –  photographiques et autres – que non seulement le Rwanda apporte un soutien logistique au M23, mais que les troupes rwandaises renforcent également le groupe armé ou se battent à ses côtés sur le territoire congolais. Le gouvernement rwandais a nié tout soutien aux rebelles du M23.

La reprise des hostilités entre le M23, l’armée congolaise et plusieurs autres groupes armés a contraint plus de 520 000 personnes à fuir leurs foyers, selon les Nations Unies. Cela a exacerbé une situation sécuritaire et humanitaire déjà catastrophique dans le Nord-Kivu et dans l’est de la RD Congo, plus largement. L’organisation humanitaire Médecins Sans Frontières a mis en garde contre une catastrophe sanitaire potentielle, alors que le choléra se propage rapidement dans les camps de personnes déplacées en périphérie de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu.

Les témoignages révoltants des victimes survivantes de Kishishe

Entre octobre 2022 et janvier 2023, Human Rights Watch a mené des entretiens en personne et par téléphone avec 51 survivants et témoins d’abus, ainsi qu’avec des membres des familles des victimes, des autorités locales, des activistes, des membres du personnel des Nations Unies, du personnel de sécurité, des membres de groupes armés, des journalistes et des diplomates étrangers.

Une femme de 38 ans a raconté qu’elle était chez elle, à Kishishe, avec son mari et leurs trois enfants le 29 novembre lorsqu’un groupe de combattants du M23 a défoncé la porte à coups de pied. « Ils ont pris mon mari et notre fils de force et les ont emmenés dehors ; ils m’ont dit : “Toi, maman, enferme-toi dans la maison, si tu sors on te tue !” », a-t-elle expliqué. « Alors j’ai fermé la porte derrière eux. Ils sont allés avec eux à quelques mètres et ils ont tirés sur eux, j’étais en train de regarder dans un trou [de la porte]. » Son mari a été grièvement blessé mais a survécu. Leur fils de 25 ans est décédé.

Human Rights Watch a constaté que le 29 novembre, les rebelles du M23 ont tué sommairement au moins 22 civils à Kishishe à la suite d’affrontements avec des factions du groupe Maï-Maï Mazembe, des Nyatura et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Des informations fiables indiquent que les rebelles du M23 ont tué au moins 10 autres civils alors qu’ils recherchaient des membres des milices. D’autres rapports, émanant des Nations Unies et d’autres organisations, ont conclu que les combattants du M23 pourraient avoir tué illégalement beaucoup plus de personnes, y compris des combattants capturés.

Dans une déclaration du 3 décembre, le M23 a rejeté les allégations de meurtres et a déclaré que huit civils avaient été tués par des « balles perdues » pendant les combats.

À la fin de l’année 2022, alors que le M23 étendait son contrôle sur le territoire de Rutshuru et tentait de s’emparer de parties du territoire voisin de Masisi, plusieurs groupes armés, principalement organisés autour de l’appartenance ethnique, se sont déployés dans et autour de la ville rurale de Kitchanga, dans le Masisi.

Des alliances FARDC avec des milices malgré les instructions du chef de l’Etat

En mai, le président congolais Félix Tshisekedi avait déclaré qu’il s’opposait à toute alliance entre les commandants militaires congolais et les groupes armés. Cependant, selon des sources sécuritaires, fin 2022, Kinshasa a envoyé deux officiers supérieurs de l’armée pour superviser les opérations militaires dans le Masisi – tous deux sont d’anciens chefs de milices hutues qui ont conservé des liens étroits avec des milices ethniques connues pour leurs exactions. Cela fait craindre de nouvelles attaques de représailles contre les civils des deux côtés, et des violences ethniques.

Le 16 décembre, le commandant rebelle Guidon Shimirai, qui fait toujours l’objet de sanctions onusiennes, a conduit ses combattants de la principale faction du groupe armé Nduma défense du Congo-Rénové (NDC-R) à Kitchanga à la suite d’une réunion avec les chefs d’autres milices et des officiers de l’armée. Bien que les autorités congolaises aient émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Guidon en 2019 pour recrutement d’enfants, insurrection et le crime contre l’humanité de viol, il a été filmé menant ses combattants dans l’une des principales artères de Kitchanga, aux côtés du colonel Salomon Tokolonga des forces armées congolaises.

(A suivre)Le titre et les intertitres sont de la rédaction

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