Alors que des sources locales faisaient état, mardi soir, de l’arrestation de l’abbé Jean Bosco Bahala à son retour de Kampala (en Ouganda) où il aurait représenté le Gouvernement dans des pourparlers avec la rébellion AFC de Corneille Nangaa, des questions continuent de joncher la table au sujet, non seulement de l’authenticité de cette rencontre, mais aussi, dans le cas contraire, des intentions derrière ce qui serait alors un vaste bidonnage médiatique.
Quatre bizarreries qui jettent le doute
48 heures après cette supposée rencontre, plusieurs bizarreries titillent tout esprit observateur. D’abord ce fait qu’aucune image (photo ou vidéo) de cette supposée rencontre n’a été diffusée à ce jour, ni par les facilitateurs ni par la partie rebelle qui n’a encore rien confirmé ni démenti. Le démenti de Kinshasa, censé jeter un sérieux doute sur la question, aurait suscité un sursaut de l’hôte pour ne fût-ce que sauver sa crédibilité ainsi mise en cause. Mais de tel ne s’est produit.
Ensuite ce fait que tous les acteurs de cette vraie-fausse ( ?) rencontre sont tous ougandais. Toutes les sources, même citées par les médias comme ayant requis l’anonymat, sont « proches de la présidence ougandaise ». Les facilitations des processus de Luanda et de Nairobi évoquées au début ne l’ont plus été et ne se sont même pas manifestées. On avait, en effet, parlé de Yoweri Kaguta Museveni et de Uhuru Kenyatta, mais aucun d’eux ne se sont exprimés.
Troisièmement, aucun communiqué final et conjoint n’a sanctionné cette supposée rencontre comme d’ordinaire. Un document très important dans tout pourparlers mettant en face des protagonistes en conflit.
Quatrièmement, 48 heures plus tard, aucune place diplomatique, régionale ou internationale, n’a encore commenté cet épisode diplomatique suspect qui, normalement, devrait susciter de l’enthousiasme. En effet, cette rencontre serait censée marquer une avancée dans les efforts de conciliation des protagonistes pour le retour d’une paix durable à l’Est. La rencontre entre Kinshasa et « ses » opposants armés est la recommandation de toutes les initiatives de paix.
La trêve humanitaire comme couverture à un bidonnage diplomatico-médiatique
N’oublions pas que cette « nouvelle » tombe en pleine période de trêve humanitaire pendant laquelle Washington, qui en est l’initiateur, maintient son pied sur la pédale diplomatique dans ce sens, parfois même avec des pressions.
Malgré toutes ces évidences, c’est un assourdissant silence diplomatique qui couvre un moment allégué aussi important.
D’où cette question lancinante : à quoi donc joue Kampala avec un tel bidonnage diplomatique ? Poser une telle question, c’est, non pas y répondre mais plutôt aiguiser la curiosité sur cette étrange opération diplomatico-médiatique qui a embarqué jusqu’à des majors médiatiques sur la place mondiale comme RFI et l’AFP, tous des médias français dont le Gouvernement est aussi fortement impliqué dans la recherche de la paix à l’Est de la RDC. Ce dernier détail qui suggère un « complot international » derrière cette opération dans laquelle ni Luanda ni Nairobi n’est citée.
La question ici serait en effet : comment des médias aussi avisés auraient-ils été manipulés aussi facilement s’ils n’ont, tout simplement, pas participé à ce bidonnage ?
Au cœur de la question, l’Ouganda doit gérer encore cette patate chaude des révélations du dernier rapport onusien sur son rôle, finalement central, dans la résurgence et les succès militaires du duo M23/RDF. Même si, en RDC, ce rapport est un non-événement étant donné que l’alliance entre Kampala et Kigali est connue depuis bien avant la résurgence de cette rébellion.
L’Ouganda au cœur d’une manipulation internationale
Tout porte donc à croire que l’Ouganda, qui ne se sent pas du tout embarrassé par les révélations onusiennes qu’il balaie d’un revers de la main, est au cœur d’une manipulation visant à affaiblir la talk-line de Kinshasa qui rejette toute discussion avec les rebelles congolais tant que le Rwanda n’aura pas retiré ses troupes du sol congolais. La logique suggère donc que Kampala ait sorti le grand jeu pour, soit mettre Kinshasa devant un fait accompli en lui forçant la main vers des discussions qu’il rejette, soit le discréditer carrément auprès de son opinion interne en prévision d’un nouveau niveau de l’offensive des coalisés au sortir de la trêve humanitaire.
Les combats qui avaient précédé cette trêve avaient vu se conforter les positions de la coalition M23/RDF qui avait conquis des bastions psychologiquement avantageux tout en orientant un nouveau front des opérations vers le Grand Nord. Au moment de ces « précieuses » conquêtes, un analyste se laissait convaincre qu’à ce rythme, les agresseurs, confortés psychologiquement, pourraient ne plus être disposés à de quelconques pourparlers pour foncer militairement et progresser notamment vers Kisangani puis le Grand Équateur.
Kinshasa doit insister sur la clarification de la position de Kampala
Dès lors, il se pose de nouveau la question de la sincérité de l’ami ( ?) ougandais. Reçu la semaine dernière par la vice-Ministre congolaise des affaires étrangères, Gracia Yamba Kazadi, à la suite du rapport onusien, le chargé d’affaires ougandais avait minimisé la question en tentant de rassurer l’ami ( ?) congolais. « Cela reste une allégation… Pourquoi devrions-nous soutenir le M23? », a déclaré Matata Twaha Magara avant d’ajouter : « Notre position est claire, au sein de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, nous devons travailler ensemble pour chasser toutes les forces négatives ».
Le diplomate ougandais évoquait l’opération conjointe en cours depuis fin 2021 dans l’est de la RDC par les armées congolaise et ougandaise contre les rebelles ADF affiliés au groupe Etat islamique.
Mais de l’avis des observateurs, Kinshasa ne devrait pas se résigner face à la manipulation manifeste des rapports de force pour poser , sans circonlocution diplomatique, les bonnes questions à « l’ami » ougandais et sortir de ce rapport des dupes dont il est le seul dindon de la farce.
Jonas Eugène Kota