Rencontre directe entre Tshisekedi et les Bourgmestres : Avis de désaveu pour Ngobila

Pour la première fois depuis son avènement, le phénomène kuluna fait abandonner les quartiers par la population, pendant que la ville ploie sous des montagnes de plus en plus hautes d’immondices. Fatshi l’a vu ; il a compris et a refusé de couler à Kinshasa à cause de Ngobila qui, sans bilan, préfère lui faire les yeux doux avec son ACP.

L’événement est passé presqu’inaperçu puisqu’ayant semblé anodin, mais ne portait pas moins une charge communicationnelle significative. L’événement, c’est l’entretien que le Président de la République a eu le 11 janvier dernier avec les nouveaux Bourgmestres de la ville de Kinshasa et leurs adjoints.

Déjà qu’un chef de l’Etat en vienne à dialoguer avec les responsables des entités de base devait attirer l’attention, même si cela se passait dans la capitale. Et ce ne sont pas des symboles qui ont manqué pour mettre la puce à l’oreille. Par exemple le fait que ces Bourgmestres, nommés par le chef de l’Etat et mis à la disposition du Gouverneur de la ville par le VPM en charge de l’intérieur, ont été conduits auprès du Président de la République, non pas par leur patron direct qu’est le Gouverneur, mais plutôt par le VPM à l’intérieur.

Gentiny Ngobila était de la partie certes, mais les sujets abordés dans cet entretien soulignaient de plus bel ces symboles : la salubrité et l’insécurité dans la ville. Et même si c’est lui qui a fait le compte rendu de cette rencontre devant la presse, Ngobila n’était certainement pas dupe de la signification de cette démarche, lui qui s’escrime depuis ces derniers mois, à mobiliser pour la réélection de Félix Tshisekedi qui, lui, en est arrivé à faire le travail du Gouverneur.

Salubrité et insécurité sont, en effet, les deux piliers du bilan attendu de Ngobila à la fin de cette année. Mais le Chef de l’Etat s’est vu manifestement dans l’obligation de s’impliquer au regard des résultats catastrophiques sur ces deux fronts, à une année des élections. Félix Tshisekedi ne pouvait, d’ailleurs, pas faire autrement, lui qui avait été embarqué, dès le départ, dans l’opération « Kin Bopeto » avec du matériel aratoire lors d’une cérémonie de lancement à Bandalungwa, plus précisément au niveau de Baka Yawu. C’est là même que, quelques années plus tard, les Kinois découvrirent, par un matin, un « monolithe » initié par l’Hôtel de ville mais dont la présence ici irrita les kinois qui y mirent le feu.

Gentiny Ngobila a-t-il capté ce message du chef de l’Etat qui, aujourd’hui, se trouve obligé, dans la capitale, d’user de l’adage de « qui peut le plus peut le moins » ? En tout cas, les Kinois, eux, ont bien saisi le message subliminal de cette « pembenisation » de l’ancien Gouverneur de Maï-Ndombe dont le bilan sur la salubrité et l’insécurité est plus que catastrophique.

Ngobila a signé l’abandon des quartiers pour cause d’insécurité

Sur le volet sécuritaire, le déplacement des populations de Makala fuyant les kulunas pour se réfugier ailleurs, est symptomatique de ce déficit criant de prise en charge de cette question. En plus de 15 ans d’existence du phénomène kuluna à Kinshasa, c’est, en effet, la première fois que des quartiers entiers se voient obligés de fuir pour se protéger contre ces brigands qui évoluent comme des poissons dans l’eau.

Pourtant, dans cette même ville, c’est le mouvement contraire qui était régulièrement observé. Des opérations devenues aujourd’hui célèbres avaient souvent amenés des familles à déplacer leurs enfants connus comme appartenant à des gangs de kuluna. Certains changeaient de commune, d’autres changeaient même de provinces pour aller soit au Kongo Central, soit vers le grand Bandundu. D’autres encore traversaient le fleuve pour se réfugier à Brazzaville ou à Pointe Noire.

Pendant cette fuite des kulunas, Kinshasa retrouvait un certain calme pendant de bonnes périodes. Aujourd’hui, cette quiétude est désormais à chercher dans d’autres quartiers jugés plus sécurisant que les autres. Bien entendu avant qu’ils ne deviennent dangereux eux-mêmes.

Insalubrité : le plus grand succès de Ngobila

Quant au volet salubrité, cette rencontre du chef de l’Etat avec les bourgmestres a trouvé la ville dans un état d’insalubrité devenue prosaïque. Certes, après coup, on a appris que la ville est sortie de la liste des 25 villes les plus sales du monde, mais les auteurs de cette nouvelle – tombée in tempore suspecto – ne l’ont pas sourcée. On se souvient simplement que la même information, attribuée cette fois-là au magazine américain Forbes, avait circulé en juillet 2022. A croire donc que Kinshasa est sortie de la même liste deux fois au cours de la même année et, plus encore, du même semestre de la même année.

Personne, cependant, ne prend le temps de dire aux Kinois comment et pourquoi, quatre années après son lancement avec pompe à Bandalungwa par le chef de l’Etat avec du matériel aratoire, l’opération Kin Bopeto demeure dans le slogan et la ville continue de ployer sous des montagnes d’immondices. Les centres pilotes de centralisation des immondices n’existent plus et la ville ne dispose toujours pas d’un centre de traitement industriel que le Gouverneur avait annoncé avec pompe dans son projet de société.

Ces projets de salubrité sans lendemain

En juillet 2019, par exemple, l’Hôtel de ville avait conclu un accord avec Ebomaf (Entreprise Bonkoungou Muhamadou et famille), société de droit burkinabè basée à Ouagadougou et appartenant à l’homme d’affaires Bonkoungou Muhamadou. Celui-ci avait, en effet, arraché un contrat pour le traitement des déchets dans la ville de Kinshasa et leur transformation en énergie électrique. Le contrat prévoit aussi l’aménagement de la capitale congolaise.

Aujourd’hui, près de quatre années après, personne n’a plus rien entendu parler de ce contrat, alors que Kinshasa croupit dans la crasse.

Ce n’est pas tout. Un mois avant Ebomaf, soit en juin 2019, Freddy Bonzeke Iliki, Directeur de cabinet du gouverneur Gentiny Ngobila, et Dramane Ziao, Président de la société « Inewcorp Inc. ((Integrated Natural Environment and Waste Corporation) avaient signé un contrat pour l’assainissement de la ville de Kinshasa. Cette société offrait à la capitale congolaise son expertise pour la transformation des déchets en électricité, en biomasse et en engrais. Pour ce faire, deux usines devaient être construites à Mpasa et Mitendi.

Comme le contrat avec Ebomaf, celui-ci aura connu le même sort et Kinshasa continue de ployer sous les immondices. A la place, de jeunes pousse-pousseurs se sont organisés pour évacuer les ordures ménagères moyennant paiement. Mais, problème : personne ne sait très bien où ils vont vider leurs pousse-pousses, si pas dans des ravins où ils aggravent les risques d’érosions, du moins dans des rivières qui sont ainsi polluées.

Mais ce n’est pas tout. En janvier 2022, l’Hôtel de ville avait annoncé la signature imminente d’un contrat avec le groupe turc Albarayk spécialisé dans le traitement de déchets. L’annonce a été faite après un échange, à Conakry (Guinée) entre le Gouverneur Ngobila et une délégation de cette firme turque. Aujourd’hui, une année exactement s’est écoulée et la signature continue à être imminente…

JEK

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