Les instances de régulation (CSAC) et d’autorégulation (UNPC) des médias et de la pratique de journaliste en RDC se crêpent à nouveau les chignons et se disputent des compétences sur une matière qui ne devrait même pas faire l’objet de débat. Dès lrs que leurs matières de travail respectifs sont claires et connues, on en revient à constater que dans le fond, les gens se livrent à une guéguerre sur des organes souffrant d’un déficit de légitimité parce que mis en place dans des cafouillages politico-juridiques qui ne sont plus à démontrer ; guéguerre qui, loin d’éclairer la lanterne, ne relève que de ces ébats pour se faire voir chacun auprès de ses mandants en attendant le grand final électoral.
Que le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Union nationale de la presse du Congo se livrent aujourd’hui, une fois de plus, à une querelle de compétences ne peut trouver aucune justification, sinon une volonté politique de maintenir une main mise sur les médias et la pratique du journalisme. Une situation qui, du reste, n’est pas la première du genre.
Aux origines du conflit entre la régulation et l’autorégulation
Sous la transition 1+4, on avait vécu le premier clash du genre entre la Haute autorité des médias (HAM) de l’époque et l’UNPC qui venait de naître sur les cendres de l’UPC, ex-UPZA de Mobutu. La même tendance était observée durant le long mandat (12 ans) de la première direction du CSAC, quoiqu’à des degrés tectoniques beaucoup plus modérés en raison de la compréhension qui régnait avec l’autorégulateur grâce à un dialogue régulier.
Aujourd’hui, la nouvelle équipe du CSAC, débarquée dans les conditions que l’on connaît, déboule dans l’espace médiatique comme une boule de bowling dans un jeu de quilles. Sans ambages, elle revendique, non seulement à cor et à cri, mais aussi à hue et à dia, son ascendant sur l’UNPC. Et ce ne sont pas des mots qui manquent pour le démontrer lorsque son président parle, dans une missive à celui de l’UNPC, de « rappel à l’ordre » notamment.
Une posture qui suscite l’embarras pour la justifier entre ignorance, arrogance et hégémonisme d’une autre époque. Car en temps normal, on se serait attendu à ce que la nouvelle équipe du CSAC prenne manque avec les autres structures du secteur des médias ne fût-ce que pour établir des passerelles de collaboration. Cette prise de langue lui aurait permis de s’informer de ce précédent de querelles de compétences jamais apuré à ce jour.
Sur le principe, il n’y a pas d’équivoque possible entre la régulation et l’autorégulation, et, en conséquence, sur les frontières des compétences de l’une et l’autre. Mais la situation en RDC est apparue avec les contradictions entre la loi organique n° 11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du CSAC et le règlement intérieur de cet organe d’appui à la démocratie. Voyons cela.
Les limites des compétences du CSAC, épicentre du conflit entre le régulateur et l’autorégulateur
Dans l’exposé des motifs, cette loi organique détermine les compétences du CSAC en trois points, à savoir :
- Garantir et assurer la liberté et la protection de la presse ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi
- Veiller au respect de la déontologie en matière d’information
- Veiller à l’accès équitable des partis politiques, des associations et de tout autre personne aux moyens officiels d’information et de communication.
La limite de ces compétences est plus claire lorsqu’on se renvoi, dans la même loi organique, sur le « régime disciplinaire et des sanctions pénales » (Chapitre VII, articles 57 à 67). La lecture de cette partie de la loi dégage que nulle part il n’est attribué au CSAC le pouvoir de poursuites ni de sanctions du CSAC à l’encontre des journalistes. L’article 57, qui est la locomotive juridique de ceux qui suivent, stipule, en effet, que « le Conseil est saisi par toute personne morale ou physique d’une plainte à charge de toute entreprise des médias dont le professionnel viole les règles d’éthique er de déontologie journaliste en matière d’information ». Tout est donc clair : c’est l’organe dans lequel la faute est commise qui est poursuivie par le CSAC et non le délinquant.
Lever les équivoques de la loi
Et ce n’est pas l’article 67 qui servirait de perche au CSAC pour qu’il s’octroi des compétences non prévues nulle part dans la loi organique sous examen. Cet article renvoi au règlement intérieur quant aux « autres dispositions relatives à la procédure disciplinaire devant le Conseil », ce qui ne confère nullement de compétences supplémentaires au CSAC. Dans tous les cas, les compétences étant d’attribution, c’est dans les lois qu’il faut les chercher et non dans le règlement intérieur.
D’autre part, il faut noter que le CSAC tire ses confusions dans certaines dispositions de l’article 9, précisément les tirets 5 et 6. Le premier évoque une « veille » sur la conformité des productions des radios, des télévisions, du cinéma, de la presse écrite et des médias en lignes à l’éthique, aux lois et règlements de la République. Encore une fois, cette dispose n’évoque nulle part le travail du journalisme mais uniquement des médias.
Quant au second tiret, il porte une grande confusion lorsqu’il confère au CSAC les prérogative organisationnelles et réglementaires de l’Etat en ce qu’il lui confère la compétence de « veiller au respect de la loi fixant les modalités de l’exercice de la liberté de presse en RDC, prérogatives qui relève du Ministère de la communication et médias et, plus largement, aux cours et tribunaux. Bref, ce tiret est illégal et devrait être purement et simplement élagué de la loi organique.
Article 87 du R.I du CSAC, base de la confusion et du désordre
Mais dans son hégémonisme (par ignorance ou arrogance) sur l’autorégulation, le CSAC s’adosse surtout sur le règlement intérieur, particulièrement son article 87. Celui-ci stipule, en effet, que « lorsqu’une plainte ou une requête adressée au CSAC est dirigée contre un professionnel des médias pour violation des règles d’éthique et de déontologie, le Conseil notifie les griefs formulés à la personne incriminée en l’invitant à présenter ses moyens de défense dans un délai de 7 jours. En cas de saisine d’office, le Conseil peut consulter l’instance professionnelle compétente d’autorégulation pour avis et/ou examen au premier degré. L’instance de régulation statue ou se prononce dans un délai butoir de 7 jours. Passé ce délai, le CSAC se ressaisit d’office du dossier et applique les dispositions légales en la matière ».
Cette disposition constitue, ni plus ni moins, un hold-up juridique en ce que le CSAC s’auto attribue des compétences que la loi organique ne lui confère nulle part. Pire encore, l’organe de régulation instaure des degrés de juridiction en se perchant au sommet comme ultime instance d’application des « dispositions légales » qui n’existent nulle part, sauf à aller les chercher dans celles dévolues aux cours et tribunaux, ce qui serait plus grave encore.
Il apparaît donc clairement que la confusion apparente sur les compétences du régulateur et de l’autorégulateur se situe dans le règlement intérieur du CSAC dont l’article 87 est en total inadéquation et avec la loi organique du 10 janvier 2011, et avec tout autre texte légal éventuel relatif au secteur des médias, à commencer par la Constitution. Faire l’autruche devant cette évidence relèverait, si pas de l’ignorance, du moins de la mauvaise foi que sous-tend cette volonté politique bien identifiée d’avoir une main mise sur les médias, surtout en période des élections.
Et ceci n’est pas nouveau en RDC. Le cafouillage dans la désignation des nouveaux animateurs du CSAC et leur comportement actuel en est le témoignage typique à la vie des institutions à cette rive-ci du fleuve Congo….
Jonas Eugène Kota