L’affaire est passée inaperçue mais ne manque pas d’implication sur les règles de bonne gouvernance au sein des institutions publiques et, particulièrement, de la Fonction publique qui organise les emplois et les carrières. L’affaire c’est cette passe d’armes, fin juillet-début août derniers, entre le Secrétaire Général de l’UDPS et la commission de discipline du parti présidentiel autour des recommandations des militants de ce parti au Secrétariat général à la Présidence de la République.
En date du 29 juillet 2022, en effet, Joseph Lokuli Lokokaki, Président de la commission de discipline de l’Udps se fend d’une correspondance adressée au Secrétaire général près le Président de la République dans laquelle il demande à ce dernier de lui transmettre toutes les informations relatives aux agents engagés sur recommandations du Président a.i du parti, alors Jean-Marc Kabund. La demande a pour objet de récupérer ces emplois obtenus par Kabund qui ne fait plus partie de cette formation politique afin de les (les emplois) réattribuer aux militants restés fidèles à l’Udps.
Sans tarder, Augustin Kabuya, Secrétaire général du parti, va réagir violemment pour dire que la commission de discipline n’a pas qualité pour entreprendre ce genre de démarche. L’auteur de la correspondance est qualifié d’ignorant avant que Kabuya, sans démentir les recommandations de Kabund, ne confirme que Jean-Marc Kabund avait agi ès qualité.
Les procédures légales d’embauche que l’Udps a brûlées
Cette prise de bec typique à l’Udps a suffi pour mettre à nu de graves violations des lois et des procédures de recrutement et d’engagement dans l’administration publique qui ne peut s’accommoder de considérations politiques basées sur des recommandations, juste pour honorer des engagements d’offrir de l’emploi à des militants. L’Udps et ses animateurs, ainsi que tous ceux, au niveau de l’administration publique et des intervenants politiques, qui ont travaillé dans cette chaîne de recrutements par recommandations ont superbement ignoré que les recrutements dans l’administration publique se font suivant une procédure clairement fixée par des textes légaux, notamment la Loi n° 021/89 du 14 novembre 1989 portant refonte du statut général de la fonction publique ; la Loi des finances ; le Décret n°2004-395 du 26 août 2004 fixant les conditions et les modalités d’organisation des concours de recrutement , ainsi que le document de répartition des postes budgétaires qui fixe les quotas annuels pour tout recrutement.
En effet, l’article 7 de la Loi n° 021/89 du 14 novembre 1989 stipule que « tout recrutement sous le régime du présent statut doit avoir pour objet de pourvoir à la vacance d’un emploi budgétairement prévu ». La même loi, en son article 9, précise que « le recrutement s’effectue sur concours. Toutefois, le recrutement se fait sur titre en faveur des candidats détenteurs d’un diplôme délivré ou reconnu équivalent par l’Enseignement national et préparant spécialement à la carrière concernée, pour autant que le nombre de candidats ne dépasse pas celui des emplois mis en compétition ».
Et l’alinéa 2 de ce même article ajoute que « pour les deux cas, la décision du département de la Fonction publique est obligatoire ». Ceci d’autant plus que les demandes d’emploi, et non les recommandations, sont adressées au Ministre ayant en charge la fonction publique et non à un quelconque Secrétaire général.
Ce n’est pas tout. L’alinéa 4 du même article 9 sous examen prévoit que « Tout recrutement doit faire l’objet d’une publicité préalable à la presse. Cette publicité est assurée par un avis officiel d’appel aux candidats accordant à ceux-ci un délai utile pour l’introduction de leur candidature. Le même avis doit en même temps déterminer les matières sur lesquelles porteront les épreuves et, le cas échéant, le niveau de formation exigé ainsi que les diplômes requis pour les emplois à conférer ».
Fonctionnaire et non personnel politique
Au terme du concours, les candidats qui y auront satisfaits sont engagés par un arrêté ou un décret d’intégration dans la fonction publique. Comme on peut le voir, cette procédure ne prévoit nulle part la possibilité d’un recrutement massif par recommandation, surtout que les candidatures à l’emploi au sein de la fonction publique sont individuelles. Le dossier de tout candidat à l’engagement comporte, en effet, un dossier comportant une demande adressée au Ministre chargé de la fonction publique ; un extrait d’acte de naissance ; un extrait de casier judiciaire datant de moins de trois mois ; un certificat de nationalité ; un diplôme ou un titre requis, le cas échéant ; un certificat médical d’aptitude physique ; un procès-verbal de la commission d’organisation du concours de recrutement ; une liste des candidats déclarés admis ; un procès-verbal de délibération des examens de sortie des écoles spécialisées et une décision ou note d’engagement dans la structure utilisatrice, le cas échéant.
Bref, ici aussi il n’est prévu nulle part une quelconque recommandation politique. L’on peut également se souvenir que durant tout l’intérim de Kabund à la tête de l’Udps, la Fonction publique n’a jamais publié d’avis de recrutement et n’a jamais organisé le moindre concours pour ce faire. Ceci pour la simple raison que la Fonction publique, qui était et est encore en phase de maîtrise des effectifs, n’a jamais sollicité une ligne budgétaire pour des embauches qui, elles, sont fonction, comme dit la loi, des besoins exprimés par l’un ou l’autre service, afin de combler des vacances (article 7 supra).
Le vrai statut administratif du Secrétariat général à la Présidence
Au regard de tout ce qui précède, on peut comprendre que l’Udps s’est déferlée sur le Secrétariat général à la Présidence de la République en croyant que celui-ci relève du cabinet politique de l’institution président de la République, ce qui est loin d’être le cas. En effet, autant que le Secrétariat général près la Primature, celui de la Présidence est une administration de la fonction publique employant un personnel de carrière (des fonctionnaires). Ces deux administrations ne sont pas à confondre avec le Secrétariat général du Gouvernement qui est une instance technique et politique assistée par des experts qui ne sont pas des fonctionnaires.
Jonas Eugène Kota