Résolutions 1234 et 1258, clés de l’échec programmé de l’ONU en RDC (Document)

Congo Guardian publie ci-dessous, et pour mémoire, une analyse parue en novembre 2000 dans la revue CONGO-AFRIQUE, XXXXe Année – N° 349. Intitulé « Le mandat de la Monuc et l’application de l’Accord de Lusaka, 9 avril 1999 — 15 juillet 2000 », cette analyse est de Hubert KABUNGULU-NGOY Kangoy, ancien Consultant au Centre d’Information de l’ONU à Kinshasa et chercheur privé.

Cet article analysait déjà en son temps les dysfonctionnements de la démarche de l’ONU en RDC en prévenant sur l’échec de cette mission. Ces dysfonctionnements étaient contenus dans les résolutions 1234 et 1258 qui ordonnent le cessez-le-feu et la signature d’un accord qui interviendra à Lusaka en juillet 1999, pour la première, et le déploiement de 90 premières unités de l’ONU en prémices de la création et le déploiement d’une mission onusienne. Ces deux résolutions constituent la base de l’échec de la mission de paix en ce que, d’une part, elles n’ont jamais identifié ni nommé les Etats agresseurs de la RDC et, d’autre part, elles ont imposé l’idée que la situation en RDC depuis l’époque était une interne, c’est-à-dire une crise congolo-congolaise.

Votée à l’unanimité, la Résolution 1234 du 9 avril 1999 a tant soit peu traduit le changement d’attitude de l’ONU que la RDC attendait longuement de l’organisation mondiale. Quant à la nature du conflit, selon cette Résolution : « (…) les forces opposées au

Gouvernement ont pris dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo des mesures violant la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du pays ».

L’ONU n’a jamais nommé les Etats agresseurs de la RDC

Quant à la nature du conflit, selon cette Résolution : « (…) les forces opposées au Gouvernement ont pris dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo des mesures violant la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du pays ».

Ces forces non clairement identifiées sont-elles congolaises ou étrangères ? Le Conseil reste muet sur ce point précis.

De même, sans les citer non plus, cette Résolution 1234 « déplore » seulement «que les combats se poursuivent et que des forces d’Etats étrangers demeurent en RDC dans des conditions incompatibles avec les principes de la Charte des Nations Unies», et leur demande «de mettre fin à la présence de ces forces non invitées et de prendre immédiatement des mesures à cet effet». Ici encore, pas plus qu’elle n’identifie « les forces d’Etats étrangers », la Résolution ne dit pas ce qu’elle entend par « forces non invitées ». C’est seulement quatre mois après que la deuxième Résolution, celle du 6 août 1999 apporte un peu d’éclaircie en demandant « à toutes les parties au conflit, en particulier aux mouvements de rebelles, de cesser les hostilités, d’appliquer intégralement et sans délai les dispositions de l’Accord de cessez-le-feu… ».

Mais comment peut-on savoir si les « mouvements de rebelles » font partie ou peuvent être assimilés à ce que la résolution du 9 avril a qualifié de « forces opposées au Gouvernement » ? La résolution 1258 (1999 – Ndlr : celle qui a fait déployé 90 premiers éléments, prémices au déploiement de la MONUSCO) est vague à ce sujet et prête à confusion. Et, «reconnaissant, dans ses préambules, que le conflit en RDC a une dimension à la fois interne et externe », sans aucune explication, l’Accord de Lusaka en rajoute. Mais, pour des raisons psychologiques, le vocable guerre civile et/ou rébellion n’a été utilisé ni dans l’Accord de cessez-le-feu ni dans les Résolutions du Conseil de sécurité. D’où la complexité de la qualification du conflit.

L’ONU assimile la crise à un conflit congolo-congolais

Bref, l’ONU assimile implicitement la situation en RDC à un conflit congolo-congolais bénéficiant du soutien extérieur, c’est-à-dire, comme dans le cas du Congo de 1960, «une guerre civile ou l’effondrement interne qui se compliquent d’ingérences extérieures ». En réalité, pour le gouvernement de Kinshasa, on est loin d’une crise institutionnelle ou d’un conflit constitutionnel de l’époque qui soit caractérisé par des phénomènes de morcellement du pouvoir, des tendances et des oppositions des fractions politiques. Pourtant, d’après les Nations Unies, on a affaire à une guerre civile, mieux, une lutte interne pour le pouvoir politique. Or, les dispositions de l’article 2, paragraphe 7 de la Charte sont sans équivoque :

« Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat ni n’oblige les membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ».

L’imprécision juridique de ces deux premières Résolutions 1234 et 1258 sera à l’origine de plusieurs controverses entre l’ONU et le gouvernement congolais et engendrera des difficultés d’interprétation. Les rôles indéfinis dévolus aux acteurs en présence entretiennent souvent l’imbroglio dans l’analyse de la situation. Pour preuve, on est souvent confronté à l’erreur conceptuelle confuse et paradoxale où les autorités congolaises condamnent régulièrement devant la presse et l’opinion publique internationales « les rebelles », faisant écho de la thèse des agresseurs que la crise était interne. Une rébellion est tout à fait différente d’une agression.

Outre les rapports de force qui régentent les règles du jeu au sein du Conseil de sécurité, le concept de « conflit interne avec la participation des forces étrangères » donné à la crise congolaise par le Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme en RDC, M. Roberto Garreton, a, fondamentalement influencé l’organe central de l’ONU jusqu’à la formulation de la résolution de base précitée. Néanmoins, fait remarquer M. Garreton, « il reste évident que le Gouvernement de la RDC, de même que l’ensemble du peuple congolais, perçoit le conflit comme une agression ».

Comme on s’en apercevra bientôt, la minimisation de la qualification du conflit ou de l’agent causal déterminera l’esprit et la lettre de tous les actes subséquents en vue du règlement pacifique du différend.

Motivation de l’intervention

Dans sa Résolution 1234 du 9 avril 1999, le Conseil dispose que « le conflit actuel en République Démocratique du Congo constitue une menace pour la paix, la sécurité et la stabilité dans la région » des Grands Lacs.

Ainsi dit, la MONUC tire sa base légale des articles 39 et 40 de la Charte de l’ONU. En vertu de l’article 39, le Conseil de sécurité « constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression ». L’article 40 stipule que le Conseil, «avant de faire les recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l’article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu’il juge nécessaires ou souhaitables ». Dorénavant, la présence de l’ONU au Congo n’est pas justifiée par une quelconque action extérieure d’un Etat tiers contre ce pays. Elle s’explique et se fonde en fonction d’un critère international. Il s’agit de la perturbation de la paix dans la sous-région centrale de l’Afrique en tant qu’elle menace la paix du monde et la stabilité même des Nations Unies. La conception du Conseil de sécurité ne s’écarte pas de la Charte en ce sens que la présence non désirée du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi, « les Etats non invités » , a, en réaction, provoqué l’intervention des Etats de la SADC dans le conflit avec les conséquences que cela comporte contre la menace à la paix internationale. Cela veut dire que les exigences du rétablissement de la paix et de la sécurité internationales rendent impérative la présence des Nations Unies au Congo.

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