“On ne peut pas effacer l’histoire” : Judith Suminwa et la redécouverte de l’héritage Mobutu

Entre mémoire, émotion et unité nationale, une visite au cœur du passé congolais

Dans l’atmosphère feutrée du Musée National de la République Démocratique du Congo, un parfum d’histoire et de nostalgie flottait ce jeudi. La Première Ministre Judith Suminwa Tuluka y a effectué une visite à haute charge symbolique : une immersion dans l’exposition “Mobutu, une vie, un destin”, consacrée au parcours du Maréchal Mobutu Sese Seko, figure centrale et controversée de l’histoire congolaise.

Ce moment, à la fois solennel et empreint d’émotion, a résonné comme un acte de reconnaissance envers un passé qui continue de marquer la mémoire collective du pays.

Un voyage dans le temps, guidé par la famille Mobutu

Accueillie par Mobutu Nzanga, fils de l’ancien Président, et entourée de plusieurs membres de la famille, la Cheffe du Gouvernement a arpenté les couloirs de l’exposition comme on feuillette un album national. Les clichés d’époque retraçant la montée en puissance du fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), les objets personnels soigneusement conservés — notamment son célèbre fauteuil en forme de trône et son siège sculpté en léopard — ont fait resurgir les images d’une époque où l’idée d’unité nationale se voulait indissociable du pouvoir.

Dans un silence quasi religieux, la Première Ministre a observé ces reliques du passé, témoin tangible d’un chapitre de l’histoire congolaise que l’on peut aimer ou contester, mais que l’on ne saurait ignorer.

“Un rappel historique qui a jalonné ma vie”

Devant la presse, Judith Suminwa a livré un témoignage personnel, empreint de sincérité et de profondeur. “C’est un rappel historique pour moi”, a-t-elle déclaré. “Je connais le Président de par l’histoire depuis que je suis née jusqu’à l’âge adulte. Toute mon enfance, je l’ai eue sous le Président Mobutu.”

Au-delà du souvenir intime, la Cheffe du Gouvernement a voulu inscrire cette visite dans une perspective nationale : “On parle de souveraineté, on parle d’intégrité territoriale… La vie du Président Mobutu a toujours été cette question d’unité nationale, d’intégrité, de souveraineté. Et c’est cela qu’il faut transmettre à nos enfants. On ne peut pas effacer l’histoire, parce qu’elle nous permet de comprendre d’où nous venons pour savoir où nous allons.”

Ces mots sonnent comme un hommage réfléchi, mais aussi comme une invitation à dépasser les fractures du passé.

La mémoire comme héritage commun

Ce n’est pas la première fois que la Première Ministre manifeste sa sensibilité à ce travail de mémoire. En juin dernier, elle avait rencontré Bobi Ladawa, veuve du Maréchal, à Rabat, au Maroc. Ce geste, salué par plusieurs observateurs, traduisait déjà une volonté d’ouverture et de réconciliation avec l’histoire nationale dans toute sa complexité.

À travers cette démarche, Judith Suminwa confirme une vision gouvernementale plus large : celle d’un État conscient que la mémoire historique n’est pas un fardeau, mais un socle. Le Programme d’Actions du Gouvernement, dans son pilier 4, met d’ailleurs un accent particulier sur la mise en valeur du patrimoine historique et culturel de la RDC, comme levier de cohésion et de fierté collective.

“Parler aux jeunes” : l’intention de Mobutu Nzanga

Pour Mobutu Nzanga, initiateur de l’exposition, la démarche est avant tout pédagogique. “La meilleure façon de parler aux jeunes du Maréchal, c’est à travers les images. Aucun texte, aucun discours ne peut mieux le décrire que les multiples facettes de sa personnalité”, explique-t-il.

L’exposition, inaugurée le 16 octobre, devait initialement se clôturer le 30 du même mois. Mais l’engouement populaire, nourri par la curiosité des écoles, des familles et de nombreux visiteurs anonymes, a conduit à une prolongation jusqu’en décembre. “Vu l’affluence, il nous a été demandé de continuer. C’est une joie de voir que les Congolais veulent redécouvrir cette part de leur histoire”, confie Mobutu Nzanga, ému.

L’histoire comme miroir d’avenir

Au-delà du souvenir, l’exposition “Mobutu, une vie, un destin” interroge la relation des Congolais à leur passé : comment transmettre l’héritage d’une époque marquée à la fois par la grandeur et la controverse ? Comment faire de la mémoire un outil d’unité plutôt que de division ?

En s’y rendant personnellement, Judith Suminwa Tuluka a donné à cette exposition une résonance nationale. Sa visite a rappelé que, quelles que soient les pages de l’histoire, l’identité d’un peuple se construit dans la reconnaissance de tout son parcours.

Et en ce jour d’automne kinois, face au trône vide et au regard figé du Maréchal sur les photographies, la Première Ministre a semblé adresser à toute une génération un message simple et fort : “L’histoire ne s’efface pas. Elle s’assume, elle s’apprend, et elle inspire l’avenir.”

Jonas Eugène Kota

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