Par Jonas Eugène Kota
La récente position du gouvernement rwandais sur la réouverture de l’aéroport de Goma à des fins humanitaires a provoqué un tollé diplomatique et moral. Kigali, par la voix de son ministre délégué aux Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a déclaré que « la décision doit être prise dans le cadre des négociations de Doha », évoquant les pourparlers entre le M23/AFC et le gouvernement congolais.

Une sortie assumée qui, loin d’être anodine, révèle une immixtion manifeste du Rwanda dans les affaires intérieures de la RDC et une mainmise assumée sur le mouvement rebelle M23.
Une entrave à la réponse humanitaire
Cette position est d’autant plus grave qu’elle entrave directement la réponse à la crise humanitaire en cours dans l’Est de la RDC, reconnue aujourd’hui comme l’une des plus graves de l’histoire de l’humanité. Des millions de déplacés internes dépendent de l’accès humanitaire que faciliterait la réouverture de l’aéroport de Goma.
En conditionnant cette décision à un processus de négociation où Kigali se pose en arbitre, le Rwanda démontre qu’il instrumentalise la souffrance humaine à des fins politiques et stratégiques.
L’aveu d’un contrôle sur le M23
Après des décennies de dénégation, les propos du ministre rwandais constituent désormais un aveu sans fard de l’ascendant du Rwanda sur le M23. En liant la reprise des activités d’un aéroport congolais à un dialogue entre une rébellion armée et le gouvernement légitime de Kinshasa, Kigali reconnaît implicitement qu’il tire les ficelles du mouvement rebelle.
Cette attitude confirme une ingérence prolongée et systématique dans les affaires congolaises, contraire à la Charte des Nations unies et aux engagements pris dans le cadre des processus de paix régionaux.
Une deuxième entrave au double processus de paix de Washington et de Doha
Ce nouvel épisode intervient après une autre décision controversée du Rwanda : la classification unilatérale de certaines personnalités rwandaises, dont des leaders des FDLR, comme « terroristes ». Une mesure perçue comme une manœuvre politique visant à décourager leur retour au Rwanda, bloquant ainsi toute résolution durable de la crise ethnique et politique rwandaise reconnue comme étant la fameuse « cause profonde » des conflits récurrents à l’Est de la RDC.
En d’autres termes, Kigali sabote les efforts internationaux de paix en entretenant les causes qu’il prétend vouloir résoudre.
Une histoire d’obstruction répétée
L’attitude actuelle du Rwanda s’inscrit dans une longue tradition d’entraves aux initiatives de paix. Déjà en 2005, Kigali avait rejeté la main tendue des FDLR qui, sous l’égide de la Communauté de Sant’Egidio et avec la facilitation du gouvernement congolais, avaient signé à Rome une déclaration de renonciation à la lutte armée et exprimé leur volonté de rentrer pacifiquement au pays.
Depuis, le Rwanda a systématiquement saboté les opérations DDRRR, et bien d’autres initiatives, de rapatriement des ex-combattants FDLR et de leurs dépendants. Plusieurs rapports ont documenté comment des rapatriés ont été recyclés puis renvoyés en RDC, cette fois chargés de semer la terreur contre les communautés tutsies, afin de maintenir artificiellement la question de leur insécurité comme prétexte permanent d’ingérence militaire rwandaise.
Sur ces points précis, le journal en ligne Congo Guardian fournit des analyses et archives détaillées qui éclairent la constance de la stratégie rwandaise d’obstruction, fondée sur la manipulation des causes et conséquences du conflit.
Une entrave de trop
La prise de position de Kigali sur la réouverture de l’aéroport de Goma dépasse la simple polémique diplomatique : elle représente une entrave de plus, et de trop, à la paix et à la stabilité régionales. Elle illustre un mépris inquiétant pour la souveraineté congolaise et pour les souffrances des populations meurtries de l’Est.
Au moment où la communauté internationale appelle à une coopération régionale sincère, cette posture du Rwanda envoie un signal négatif et renforce l’impression d’un pays plus soucieux de préserver son influence militaire et politique que de contribuer à la paix.

