Il fallait sans doute un tribunal militaire pour juger un crime… peut-être imaginaire. Ce mardi 28 octobre, le procès du désormais “présumé” braquage de la Rawbank/Victoire a pris des allures de tragédie burlesque où chaque nouvel élément verse un peu plus d’huile sur le feu de l’embarras des forces de l’ordre.
Car pendant que certains agents censés faire régner la loi sont eux-mêmes poursuivis pour violences sexuelles et mauvais traitements sur la supposée braqueuse, l’autre pan du dossier — celui du vol proprement dit — commence à ressembler à un scénario de théâtre absurde.
Souvenez-vous : le 16 octobre dernier, Kinshasa avait vibré au rythme d’une intervention musclée digne d’un film hollywoodien. Deux heures d’échanges de tirs, sirènes hurlantes, déploiement de policiers et de militaires, et une “opération de neutralisation” à grand spectacle dans les locaux de la succursale de Raw Bank, place Victoire à Kasa-Vubu. Tout cela pour, croit-on, récupérer 10.500 dollars prétendument dérobés et libérer des otages en danger face à de présumés membres d’une association criminelle.
Vu de ce moment-là, le tableau en valait peut-être la chandelle ou plutôt … le spectacle…
Mais voilà que, devant le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Gombe, la réalité prend un goût amer. L’argent, effectivement remis à la braqueuses par les guichetières sous la menace d’un jouet, n’a jamais été retourné dans les coffres de la banque. Pire encore : selon la principale accusée, Honorine Porsche Mukuna Onake, il aurait été “pillé par les policiers intervenus sur place”.
Une arme factice, donc. Des coaccusés que la principale mise en cause dit ne jamais avoir connus. Et un butin volatilisé quelque part, très vraisemblablement entre les mains de ceux-là mêmes qui devaient le sécuriser. Pendant ce temps, aucun autre braqueur présumé n’a été présenté à la justice, à part deux policiers et deux agents de gardiennage… visiblement plus surpris que coupables.
Voilà le tableau final, après que les armes se furent tu !
Alors, où sont passés les fameux complices évoqués par l’accusation ? Et surtout, pourquoi un tel déploiement de troupes pour ce qui semble désormais être une opération à une seule main, armée d’un jouet ?
Le public, mi-goguenard mi-consterné, a fini par se poser la question que tout Kinshasa murmure désormais : “Tout ça pour ça ?”
Pendant que le tribunal poursuit laborieusement ses auditions, une autre vérité s’impose peu à peu : ce procès, censé rendre justice, expose surtout les fissures d’un système où le spectacle prend parfois le pas sur la rigueur. Et si, au bout du compte, le seul vrai braquage avait été celui de la crédibilité ?
Rendez-vous à la prochaine audience — car ici, même la satire semble dépassée par la réalité.
Jonas Eugène Kota

