Après avoir suivi l’entretien de presse du Chef de l’État avec et France 24, Yvon Muya, professeur et chercheur à Ottawa (Canada), a eu cette réaction sur son compte X : « Au-delà des polémiques inhérentes à la campagne électorale et à l’esprit partisan, l’interview du président semblait mal préparée. S’il est celui qui doit le mieux défendre son bilan et son action, son cabinet doit être aussi blâmé ». Et d’expliquer que « chez les Anglo-saxons, il y a ce qu’on appelle les speaking points, les messages-clés, que l’on met à la disposition des responsables politiques, lors des sorties publiques, pour éviter que ces derniers ne se perdent dans les chiffres ou ne se livrent à des affirmations douteuses ».
Ancien journaliste ayant eu pignon sur rue à Kinshasa, Yvon Muya a certainement été frappé par les risques que le Chef de l’Etat s’est offert en se croyant obligé de réserver réponse à toutes les questions des journalistes sans faire attention à la subtilité de certaines d’entre elle. Ici, Félix Tshisekedi s’est hasardé à ouvrir un front de comparaison de son bilan de chef de l’Etat avec celui d’un ancien gouverneur de Province.
Une comparaison hasardeuse qui l’a entraîné sur un terrain très glissant lorsqu’il a évoqué l’aéroport international de Kolwezi dont la piste a été allongée et modernisée par le même Gouverneur, Moïse Katumbi. Depuis, une vidéo fait le buzz sur les réseaux sociaux, montrant, d’une part, cette piste du temps des travaux que Katumbi visitait régulièrement, et, d’autre part, une descente d’avion du Président Tshisekedi au même aéroport.
Hasardeuse aussi ce commentaire sur un défunt, Chérubin Okende, qu’il a risqué de dire qu’il n’a jamais porté la parole de son parti, Ensemble pour la République, ce que les réseaux sociaux ont démenti, preuves d’une de ses déclarations à l’appui. Toujours glissant lorsqu’il s’est risqué dans un autre commentaire sur un dossier, le même de Chérubin Okende, qui est pourtant sous enquête mais duquel il a voulu dégager son implication ainsi que celle des services. De ce fait, Félix Tshisekedi est venu raviver les soupçons parce que le Chef de l’État a voulu se disculper des accusations qui ne lui ont pas été formulé formellement.
À quelques encablures de la campagne électorale, Félix Tshisekedi a ainsi amorcé une entrée en campagne plutôt laborieuse en se mettant en délicatesse avec l’opinion tout en offrant à son adversaire, Katumbi, une voie royale d’audibilité après avoir embarrassé même ses supporters au fait des faits et chiffres de son quinquennat. Et ce n’est pas cet autre risque avec le taux d’électrification du pays qui y changera.
Tshisekedi a dit avoir porté ce taux de 9% et près se 30% alors qui nage encore laborieusement autour de 15%, chiffres de l’ARE (Agence nationale de l’électricité) à l’appui.
C’est, en fait, depuis son discours sur l’état de la Nation que le Chef de l’État se trouve en délicatesse avec les chiffres et les statistiques. Comme lorsqu’il a attribué aux enseignants un salaire qui se trouve être pratiquement le double de ce qu’il touche réellement. Alors, également, que ce même salaire réelle d’aujourd’hui, qu’il ne vaut guère que la moitié de celui de 2019 par rapport au dollar américain.
Bref, le genre de choses qui vous flingue un candidat et sa campagne. Le candidat qui donne à l’adversaire le fouet pour se faire lyncher.
Félix Tshisekedi effectue, enfin, son entrée en campagne ce dimanche au stade des martyrs. Ici même où, quelques mois plutôt, l’Union sacrée avait effectué sa grande sortie devant des travées vides.
Retour, enfin, à la brève analyse choc de Yvon Muya qui, décidément, a touché au cœur même de l’entrée en campagne : « Il est de notoriété publique qu’un politicien, fût-il président de la République, n’est pas un expert. Il tient de grands discours inspirés de l’expertise de son équipe. En matière d’interview télévisée, les thèmes abordées sont connues d’avance, ce qui donne la possibilité de dessiner les grands axes des réponses aux questions des journalistes, d’éviter les écueils et de prendre le contrôle du message ».
Et cette conclusion qui claque comme un fouet : « Ce travail n’a pas été fait ».
JDW