Les bras m’en tombent ! Je vois défiler mes quelques années à Forum des As et je n’en reviens toujours pas, depuis que la nouvelle de la disparition de José Nawej m’a atteint comme un uppercut dans toute sa violence. J’en vois encore les trente-six chandelles réglementaires.
Sentiments partagés entre étonnement, abattement, surprise, consternation et un zeste de révolte de voir combien se crée le vide dans ce qui reste encore du dispositif de l’excellence dans cette profession journalistique en déshérence sur ces bords-ci du fleuve Congo.
Dans sa divine souveraineté, la vie a tourné le dos à l’un de nos piliers de la plume. Finalement , ce sont les meilleurs parmi ceux qui nous restent (restaient ?) qui s’en vont. Ceux qui piègent encore la médiocrité au tournant de leurs brillantes prestations foutent le camp.
José Nawej était, en effet, cette plume consciente qui interpellait la conscience nationale avec de la hauteur. Un sens indicible de l’excellence qui était devenu le repaire et la référence des férus du beau. L’utile et l’agréable , c’est ce qu’offrait, par ses écrits, cet homme de culture raffiné.
En quelques lignes dans ses éditoriaux, il égayait les journées, mais donnait surtout de l’exercice aux bonnes consciences par des appels de haut niveau à la dialectique sur le devenir de la RD Congo. Mais aujourd’hui, et désormais, la petite colonne high level de Forum des As devient béante. La boutique a fermé.
Le rossignole de cette petite lucarne, qui éveillait et réveillait les esprits bien-pensants, s’en est allé. Le lenderneau de la presse congolaise ne sera plus jamais comme avant.
Où trouver une plume d’un tel calibre pour ne fût-ce que proposer une alternative consolatrice ? Quel gâchis que ce départ à l’impromptu, alors que le moment devenait, à nouveau, plus que propice à un déchaînement artistique de la plume de Nawej ! Parce qu’en fait, José Nawej avait fini de transcender l’écrire journalistique. Il faisait désormais dans l’art d’écrire puisqu’artiste, il était devenu. Un artiste des faits dominés, spécialisé dans la chorégraphie des mots et le dialogue des idées informatives.
Même sa sortie de scène, sans signe avant-coureur, porte la signature d’un artiste qui, toujours, s’en va sans adieux, ni au-revoir. José Nawej s’en est donc allé dans les règles de l’art, sans crier gars.
Comme un architecte, il laisse sa planche de travail en bataille : ces éditoriaux-chroniques qui racontent autrement l’histoire du Congo. De vrais pépites qui ont suscité tant d’envies de les voir consignés dans une publication pour la postérité. Pas seulement pour les écoles de journalisme, mais aussi et surtout pour ceux qui rêvent d’un autre côté de l’histoire du Congo, le bon véritable…, et qui cogitent souvent autour et à la lumière de ces éditoriaux casus.
Je me souviens encore de nos chaleureux échanges au cours desquels je le pressais de consigner ces pépites éditoriales dans un bouquin pour la postérité. Je lui proposais même des ébauches de canevas : classer par série suivant les différents moments d’actualité ou raconter l’histoire du Congo avec ces pépites comme bases de lecture, ou encore assaisonner de ces pépites un scénario global, etc.
À tous les coups, il me réservait cette réponse typique aux artistes : ni oui, ni non ; toujours ce « voyons voir, cher ami ! ».
Aujourd’hui, il n’y a plus rien à voir, l’ami s’est retiré de nos échanges. L’histoire s’est arrêtée tout net ! Sans crier gars.
L’histoire a perdu l’un de ses meilleurs conteurs. Le Congo saura-t-il encore se conter dans l’excellence et pour l’excellence ?
L’artiste s’en est allé, salut l’artiste ! Et merci pour tout !
Jonas Eugène Kota