Transparence du processus électoral : Denis Kadima flingue ses consultations avec l’opposition

« Mes clients sont libres de choisir la couleur de leur voiture à condition qu’ils la veuillent noire ». Ainsi clamait, exclusiviste, l’industriel américain Henry Ford au pinacle de sa gloire dans l’industrie automobile florissante (1922). Denis Kadima n’est pas allé chercher loin lorsqu’il s’est présenté à ses propres consultations avec les opposants sans une once d’ouverture face aux revendications de ces derniers qu’il connaissait déjà, mais auxquelles il savait, dès le départ, n’avoir aucune intention d’accéder. La plénière de la CENI de vendredi dernier n’a fait que formaliser le balayage programmé.

« Biffer les mentions inutiles ». On ne saurait qualifier autrement le sort réservé par l’Assemblée plénière de la CENI aux exigences de l’opposition pour un processus électoral transparent, inclusif et apaisé. Vendredi dernier, en effet, l’organe délibérant de la centrale électorale a rejeté purement et simplement l’une des exigences qui constituait le noyau dur des revendications de l’opposition, à savoir la nécessité de renforcer la confiance à ce processus par l’organisation d’un nouvel audit externe du fichier électoral par une institution internationale réellement indépendante.

L’Ecide de Martin Fayulu, Envol de Delly Sesanga, LGD de Matata Ponyo et Ensemble de Moïse Katumbi ainsi que Nouvel Elan d’Adolphe Muzito avaient tous, lors des consultations avec la Président de la CENI, initiées par ce dernier, dit toutes leurs réserves sur l’audit menée par des experts recrutés par les soins propres de la CENI et qui, selon ces opposants, n’étaient revêtus d’aucun recul d’indépendance étant donné qu’ils devaient tous répondre de leur mandant. Plusieurs sources avaient, par ailleurs, évoqué des affinités antécédentes et encore en cours entre certains de ces experts recrutés et le Président de la CENI ainsi que d’autres membres du bureau de la centrale électorale. Des relations de parenté et d’amitié avaient, en effet, été alléguées et la CENI n’y avait réservé aucune suite probante.

En fin de compte, l’on constate que lorsqu’il annonçait l’organisation des consultations avec l’opposition, Denis Kadima tenait pour acquis irrévocables – et il l’avait dit – les « avancées » qu’il avait marquées dans le processus électoral par rapport au calendrier ad hoc.

Des consultations verrouillées en amont

Le 25 juin 2023 à l’annonce des consultations avec les opposants, en effet, Kadima avait prévenu, d’abord, sur l’intransigeance de la CENI avec « le délai constitutionnel et l’appel à la nation ». Evoquant, par ailleurs, la « bonne foi et le sens élevé de l’éthique » qui animent les membres de la CENI, il avait réaffirmé que « la CENI agit en tout indépendance pour assurer le déroulement d’élections transparentes et dignes de confiance de l’opinion publique ».

En clair, Denis Kadima n’entendait nullement accéder à toute démarche ou réclamation de nature à le sortir de son engagement, alors qu’il était bien informé des revendications de l’opposition et d’une bonne frange de la société civile. Dans tous les cas, Kadima n’a jamais évoqué, dans ses discours, le concept de « confiance » qui est transversal dans tout souci d’élections transparentes, apaisées et inclusifs.

Il était donc exclu d’attendre de lui toute attitude avoisinant une quelconque intention « d’explorer ensemble (ndlr : avec l’opposition) des solutions réalistes pour un processus plus inclusif ». Tout simplement parce que la CENI de Kadima n’a pas de place à des « solutions réalistes », quelle qu’en soit l’importance, ne cadrant as avec sa lancée.

Et en recourant à l’Assemblée plénière de la CENI, qu’elle n’avait pas saisie de sa démarche vers les opposants, Denis Kadima a simplement voulu donner des atours d’institutionnalité à la suite à réserver à ces opposants et qui ne nécessitait pas un tel détour procédural. Puisque la plénière a été impassible et sans appel, excluant toute possibilité présente ou avenir, d’une quelconque ouverture.

« Biffer les mentions inutiles », la plénière de la CENI plus radicale que jamais

D’entrée de jeu, la plénière de la CENI relativise l’importance de l’audit externe du fichier électoral en affirmant qu’il ne s’agit pas d’une exigence légale ni constitutionnelle, mais d’un simple exercice d’élégance, du reste tout à fait superfétatoire.

« L’audit externe du fichier électoral ne constitue pas en soi une exigence légale, et moins encore réglementaire dans le contexte de la RDC », considère, en effet, cette assemblée plénière qui ajoute que « cet audit est plutôt une activité calendaire qui fait partie des bonnes pratiques reprises dans le plan stratégique de la centrale électorale en vue de répondre au souci de transparence dans la constitution du fichier électoral et de toutes les autres opérations ».

Avant de lâcher, sec : « C’est de plein gré que la CENI s’y est soumise ». Une façon d’affirmer qu’elle n’accepte aucune pression de qui que ce soit quant à ce.

Et de faire remarquer, ensuite, que « hormis la récusation de la composition de la mission d’audit externe, aucun argument sérieux n’est venu contredire les conclusions de cette mission». Elle « trouve ainsi illogique d’entreprendre un autre audit externe du fichier électoral sans une justification solide ».

Plus encore, « diligenter une nouvelle mission d’audit externe du fichier électoral risquerait d’éloigner la CENI de ses priorités courantes et prochaines qui se focalisent sur les étapes devant conduire à l’organisation effective, et dans le délai, des scrutins du 20 décembre 2023 ».

Denis Kadima n’était animé d’aucun esprit d’ouverture

Tout est ainsi clair qu’en allant vers l’opposition, Denis Kadima n’avait en lui aucune intention ni attitude d’ouverture qui pouvait lui permettre d’accéder à l’une quelconque des revendications de l’opposition qu’il n’ignorait pas, d’ailleurs. Il s’agit alors de consultations purement cosmétiques destinées à la consommation d’une certaine opinion dans le but de tenter d’attester d’une certaine ouverture qui n’en est pas du tout. Depuis le début, la CENI est en plein mode « passage en force », et rien ni personne ne saura arrêter sa machine déjà lancée.

Vu sous cet angle, ceux qui attendaient une éventuelle rencontre avec la FCC de Joseph Kabila doivent circuler, car il n’y aura rien à voir. Denis Kadima a flingué ses propres consultations.

JEK

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