RDC/Retrait du M23 : Qui contrôle Bunagana ?

Le M23 et ses soutiens rwandais ont entamé, depuis trois jours, leur retrait de la cité de Bunagana située à la frontière entre la RDC et l’Ouganda. Ce retrait fait suite à une réunion de concertation tenue le 30 mars à Bunagana même entre les responsables de l’état-major de la force régionale de l’EAC, des armées ougandaise (UPDF) et congolaise (FARDC) ainsi que les responsables de la branche militaire du M23. Cette réunion avait pour but d’harmoniser le retrait des rebelles du M23 pour céder la place à la force d’interposition ougandaise qui avait déjà pris position à la frontière depuis trois jours.

Bunagana zone tampon ou territoire rétrocédé au Gouvernement ?

Depuis trois jours également, il s’observait des mouvements à cette frontière ougando-congolaise et des sources ont même fait état de la fermeture momentanée du trafic.

Aucune information émanant de la réunion du 30 mars à Bunagana n’a donné de détail sur le statut et le sort de la sécurité ainsi que de l’administration de cette cité après le retrait du M23. L’on sait seulement que la présence des troupes ougandaise dans le cadre de la force de l’EAC a pour objectif de s’interposer entre les rebelles et l’armée régulière congolaise, mais rien ne permet, à ce jour, de dire que Bunagana est revenu sous contrôle de l’autorité régulière congolaise ou si cette cité est désormais une zone tampon ou zone neutre.

A l’entame de son retrait, certains médias ont fait état de « l’interdiction », par le M23, de toute présence des FARDC à Bunagana, mais les propos des responsables de ce mouvement rebelles ne le confirment pas. Willy Ngoma, son porte-parole, s’est simplement inquiété de ce que les FARDC profitent souvent du retrait de leurs troupes pour les attaquer.

Patrick Muyaya tente de rassurer : Ni balkanisation de la RDC ni interdiction des FARDC de Bunagana

Lundi 3 avril au cours de son briefing de presse, le porte-parole du Gouvernement n’a pas, non plus, indiqué clairement qui contrôle actuellement la cité de Bunagana. Patrick Muyaya a fait savoir que le processus en cours s’inscrit dans la logique des accords des chefs d’Etat et que « le schéma convenu est que le M23, qui a commencé progressivement à se retirer, puisse laisser la place à la force régionale » avant que les FARDC se reprennent position progressivement. La durée de ces opérations n’a pas été précisée.

Le Ministre de la communication et média a aussi assuré que « la force régionale est une force d’appui aux forces armées de la RDC et toutes ces troupes, qui sont actuellement sur le sol Congolais, y sont sur invitation du gouvernement congolais dans l’objectif de travailler pour le retour de la paix ». Et que « cela ne doit donc pas être interpellé comme une quelconque forme de balkanisation d’autant plus que l’objectif recherché est de parvenir à la fin des hostilités ».

Une façon pour lui également de tordre le cou aux « campagnes de manipulations qui circulent sur les réseaux sociaux » et de garantir qu’il « n’est aucunement pas possible d’interdire les forces armées de la RDC de faire leur travail sur le territoire de la RDC». Avant de marteler : « Nous sommes dans l’effectivité de l’application des mesures qui ont été décidées par les différents chefs d’Etat. Il est question que le M23 se retire et que progressivement les FARDC reprennent de l’espace».

Bunagana : un enjeu stratégique pour le M223 et psychologique pour les Congolais

La situation de la cité de Bunagana est un enjeu majeur pour les protagonistes depuis son occupation, mi-juin 2022, par les rebelles du M23 lourdement soutenus par l’(armée rwandaise. Bunagana est, en effet, une zone stratégique pour la rébellion du M23. Ce point névralgique lui permet de recevoir des renforts et du soutien logistique, autant que d’assurer l’évacuation des blessés et d’autres mouvements utiles à la gestion de ses différents fronts.

Côté congolais, Bunagana est surtout un enjeu psychologique en ce que la chute, sans combats, de cette cité avait touché le moral des troupes et entamé sévèrement la confiance de l’opinion congolaise quant à la capacité de ses dirigeants d’en finir avec cette rébellion qui avait pourtant été refaite depuis 2013. Les succès successifs de cette rébellion, avec le soutien du Rwanda, n’ont pas amélioré les choses.

Et malgré la sortie médiatique de Patrick Muyaya, le retrait du M23 continuent de susciter des interrogations des Congolais sur la situation réelle de Bunagana : Si les FARDC ne se déploiement pas automatiquement sur Bunagana, qui en assure le contrôle ? C’est-à-dire : qui assure la sécurité et l’administration de la cité, en ce compris la douane et le reste la vie socioéconomique ? En un mot : l’autorité de l’Etat est-elle redéployée à Bunagana ?

La mission de la force EAC imprécise sur le rôle de sécurisation et d’administration des zones évacuées par le M23

Des questions relevant manifestement du ressort psychologique pour les Congolais dont la présence ougandaise ne rassure pas. C’est, en effet, par la frontière ougandaise que la rébellion du M23 pourtant soutenue par Rwanda, est entrée à Bunagana après d’intense combats et après que Kampala refusa aux FARDC le passage par son territoire pour prendre les rebelles à revers. Et depuis neuf mois, c’est par cette même frontière ougandaise que le M23 recevait du Rwanda ses appuis logistiques et évacuait ses blessés.

En plus de ce rappel, l’imprécision sur le rôle des forces de l’EAC dans la sécurisation et l’administration des zones dégagées par le M23 s’invite. Se voulant rassurant, le commandant de la force terrestre ougandaise, général des corps d’armée Kayanja Muhanga, a, au cours d’une cérémonie organisée mercredi 29 mars en Ouganda en sa qualité de pays membre de la force régionale (EACRF), simplement fait savoir que la force régionale de l’EAC est en mission de maintien de la paix. Son rôle est d’assister au processus de paix dans l’Est de la RDC. Elle n’a pas vocation d’attaquer les belligérants, mais de témoigner et assurer la mise en œuvre des décisions qui ont été prises lors de différentes réunions des chefs d’Etats.

JDW

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *