EXCLUSIF/« Contrat chinois » : L’IGF a publié un rapport sur un contrôle inachevé

Alors que les flics du fisc continuent toujours de fouiner, notamment ce mardi 7 mars à l’ACGT, l’Igf a prétendu avoir conclu un contrôle en produisant des « conclusions » et des « recommandations » d’un rapport que personne n’a vu. De même, l’IGF est incapable de retracer les 800 millions Usd de gains en infrastructures qu’elle attribue à la RDC alors que, par exemple, les stades prétendument non construits existent bel et bien.

Alors que les commentaires vont toujours bon train sur les « conclusions » et les « recommandations » de l’Inspection générale des finances (IGF) sur un contrôle qu’elle aurait mené auprès de la Sino-congolaise des mines (Sicomines) autour de la mise en œuvre du contrat de partenariat entre un consortium d’entreprises d’Etat chinoises et la RDC par l’intermédiaire de la Gécamines, de nouvelles informations viennent s’ajouter pour attester de la précipitation qui a caractérisé le « rapport » publié et qui porte sur un contrôle qui est toujours en cours. Des sources de Congo Guardian estiment, plus encore, qu’en fait de contrôle qui serait en cours, il n’en existerait tout simplement pas, « s’il faut se formaliser aux procédures en la matière ». Motif : L’IGF n’a pas préalablement sous mis ses « conclusions » aux structures contrôlées pour avis préalable, et il n’y a jamais eu de séance contradictoire comme l’exige la procédure en la matière.

Les flics de l’IGF continuent de fouiner alors que le « rapport » est publié

En effet, il revient à Congo Guardian qu’alors que l’IGF a publié, le 15 février 2023, ses « conclusions » et ses « recommandations » sur un rapport qui n’a pas été porté à la connaissance du public, les flics du fisc continuent de fouiner. Ce mardi 7 mars 2023 par exemple, le Directeur général de l’Agence congolaise des grands travaux (ACGT) est le visiteur de l’IGF où il doit donner des explications sur l’utilisation des fonds pour les travaux de certains axes routiers du grand Katanga qui avaient été financés sous le « contrat chinois ». Avant cela, Nico Nzau Nzau avait déjà effectué, après la date du 15 février, le même exercice sur bien d’autres projets financés par les fonds du « contrat chinois », cela dans la même période couverte par le contrôle qui aurait abouti aux conclusions qui, aujourd’hui, sont commentées en tous sens.

Autant de faits, et tant d’autres, qui indiquent qu’en réalité, l’IGF est allée vite en besogne, pour des raisons qui restent à élucider, pour faire avaler à l’opinion des « conclusions » et des « recommandations » d’un rapport que l’IGF (pour des raisons à élucider également) n’a pas estimé utile de mettre à la disposition de la même opinion. L’IGF a également brûlé ses propres procédures puisque, autres révélations, ni la Sicomines, ni l’ADGT et moins encore l’Agence chargée du suivi de la mise en œuvre du « contrat chinois » n’avaient préalablement reçu ces conclusions et recommandations pour avis. De même, aucune séance contradictoire n’avait réuni l’IGF avec les parties contrôlées comme l’exige également la procédure.

Cette procédure légale est incontournable, car c’est à son issue que peuvent découler toute conclusion et, partant, toute recommandation.

On rappelle que le 15 février 2023, date annoncée par l’IGF pour une séance allant dans ce sens, les parties Sicomines, Agence de suivi du programme sino-congolais, ACGT et autres ont été surpris de découvrir, en présence des médias, tous les documents sur place au cours d’une séance qui avait plutôt les allures d’une conférence de presse. La séance s’est limitée essentiellement en la lecture dudit rapport et des commentaires de l’IGF ainsi que du nouveau Coordonnateur de l’agence, sans aucune autre forme de concertation.

C’est depuis lors, commente un haut cadre proche du dossier, que « l’on assiste à un battage médiatique qui occulte d’importants détails sur ce dossier dont le ficelage fait courir à la RDC le risque de perdre plus, beaucoup plus que ce qu’elle estime avoir perdu dans ce qui est présenté comme une arnaque des chinois avec la complicité de certains congolais bien ciblés ». L’interlocuteur de Congo Guardian confie avoir la chair de poule face à cette « agitation », à cette « frénésie qui anime les gens jusqu’au point où personne ne prend la peine ne fût-ce que d’ausculter ce qu’on leur a mis sous les yeux ».

Infrastructures : l’IGF incapable de retracer 800 millions Usd, les stades financés existent bel et bien

Sur les Usd 800 millions de gains en infrastructures pour la RDC, l’IGF n’a retracé que 637 millions

On attire également l’attention sur les contradictions contenues dans les chiffres avancés et qui, une fois de plus, « risquent de détourner les congolais de l’essentiel alors qu’ils ont perdu un moment précieux avec leur distraction lors de la conclusion de la convention avec les chinois ». C’est le cas, à titre illustration, de la ventilation des coûts des infrastructures.

Alors que les conclusions de l’IGF évoquent une surfacturation, les données avancées ne dégagent pas des preuves sur les gains en infrastructures de 0,8 milliard Usd (Usd 800 millions). La ventilation des financements des différents travaux répertoriés dans les « conclusions » de l’IGF donnent un « gain » de Usd 637.000.000, soit un gap de Usd 163 millions que l’IGF ne justifie nulle part par rapport aux 800 millions Usd qu’elle attribue à la RDC comme gains en infrastructures.

Et au sujet même de ces infrastructures, on relève que contrairement à ce qu’avance l’IGF, les stades de Bukavu à Nyatende (10.000 places) et Goma (10.000 places dans le quartier Lac Vert à Mugunga) ont bel et bien été construits et existent. Il en est de même du stade de Kalemie (15.000 places) inauguré en mars 2020 et celui de Kindia (10.000 places), en Ituri, qui a été remis au Gouverneur militaire le 4 avril 2022.

Un rapport ex nihilo et visant des cibles inappropriées

Pour rappel, l’IGF avait publié ses « conclusions » et « recommandations » sur le rapport de contrôle de la convention sino-congolaise en date du 15 février 2023 au cours d’une cérémonie où les parties prenantes Sicomines, ACGT et l’Agence de pilotage, de coordination et de suivi des conventions de collaboration signées entre la RDC et les partenaires privés (APCSC) avaient découvert tous les documents au même moment que les médias présents et les invités. Et la lettre de transmission du même rapport au chef de l’Etat est datée du même jour.

Ce « rapport » a suscité plusieurs observations, entre autres le fait que l’IGF a ciblé les interlocuteurs et les destinataires inappropriés. A l’instar de la Sicomines à la place du groupement d’entreprises d’Etat chinois qui sont parties à la convention sino-congolaise. L’IGF, qui n’a aucun pouvoir d’injonction à l’APCSC qui relève de l’autorité du Premier ministre, a enjoint celle-ci de renégocier le « contrat chinois » alors que cette agence n’en a pas compétence, ses prérogatives se limitant à l’intermédiation. Idem pour la Sicomines qui n’est pas non plus partie à la convention et ne peut donc rien renégocier sur cette convention.

Dès la publication du « rapport » de l’IGF, l’Ambassade de Chine à Kinshasa a réagi pour parler d’un rapport « dont le contenu est plein des préjugés » et « ne correspond pas à la réalité ». Un rapport qui, en définitive, « ne peut pas être considéré comme crédible et n’a pas de valeur constructive ».

Dossier à suivre

Jonas Eugène Kota

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