Retour sur le « bakolegate » : L’IGF et la justice dans un silence bavard…

Plus de dix jours après le spectaculaire hold-up de Martin Bakole, le silence des instances attitrées pour rétablir l’Etat dans ses droits renvoit à une instruction venue d’en haut et à laquelle personne, dans la chaîne de la dépense, ne pouvait s’opposer…

Martin Bakole, champion du monde de boxe, a tapé dans la caisse de l’Etat et s’est tapé 100.000 £ dans une spectaculaire opération d’escroquerie. Comme dans un film, selon la formule des congolais médusés.

Presqu’en direct, les congolais ont assisté au déroulé de ce hold-up parti d’un odieux chantage sur un combat qui, finalement, n’a jamais existé. Jusqu’à menacer de changer de nationalité, l’artiste du noble art a rameuté la terre entière jusqu’à faire boucher les plus hauts trônes de la République. Ventre à terre, les autorités de la République se sont coupées en mille morceaux pour garder le poulain dans la bergerie, jusqu’à ce que se déchaîne la machine financière sous les regards des Congolais ahuris.

Retour sur le spectaculaire film du hold-up de Bakole

D’abord cet appel de fonds du Ministre des sports et loisirs qui atterrit dans les réseaux sociaux comme pour répondre aux coups de boutoirs de Bakole qui bouffe du micro sur les plateaux de télévision. Dans les heures qui suivent, c’est une vidéo qui montre Bakole, en compagnie d’un animateur télé de la place qui l’aide, fourrant des billets verts tout neufs dans un sac banane sous le regard presque vide d’une préposée aux finances de la République. Puis une séquence auprès du Ministre Serge Nkonde qui, plus tard, déclarera l’avoir reçu après son paiement pour le « féliciter ».

Puis cette autre vidéo montrant le champion sur une moto en train de fendre les embouteillages vers une destination inconnue. Et, enfin, cette vidéo du même « champion », l’air serein, en train de se moquer littéralement des Congolais en feignant d’être indigné pour avoir été servi en espèces alors qu’il est titulaire d’un compte bancaire. Quant aux « jérémiades » des Congolais, il s’en passe et plaint plutôt le chef de l’Etat pour son entourage qui, selon lui, ne l’aime pas pour l’avoir remis l’argent en procédure de « maboko-banque » (paiement hors circuit bancaire).

Voilà pour la douloureuse synthèse. Et depuis lors, silence radio. « Circulez, y a rien à voir », croit-on entendre de cet assourdissant silence face à ce scandale qui a fait la une de médias étrangers. Aussi bien pour l’insolite d’un tel hold-up financier que pour l’identité de son auteur qui, après tout, n’est pas n’importe qui de par le monde.

Sous d’autres cieux, on aurait assisté à un déchaînement des services spécialisés de l’Etat pour, non seulement laver cet opprobre qui souille la République, mais aussi mettre fin à l’aventure téméraire de son auteur. Sur les rives du fleuve Congo, cependant, Martin Bakole s’est dilué dans la nature, laissant derrière lui son comparse plus arrogant que jamais, toisant toute la République avec force injures et menaçant même quiconque oserait lui demander des explications. Dans le même temps, un féticheur déclare attendre 20% du pactole chouravé et, comme Bakole, menace de représailles ses partenaires de la « frappe ».

Pendant ce temps, on a vite fait le tour des institutions pour constater que même le drapeau national n’a pas réagi au vent pour signaler la mise en branle de la puissance publique. Tous les regards sont, en effet, braqués sur l’Inspection Générale des Finances et la justice pour voir ce qu’elles feraient de ce hold-up en temps réel.

Le zèle de l’IGF et de la Cour de cassation enfermé dans un silence bavard

Congo Guardian a approché le service de communication de l’IGF qui a affirmé ne pas être au courant d’une enquête qui aurait été ouverte sur ce dossier. Même réaction à la Cour de cassation où l’affaire a été suivie comme un match d’un championnat européen dans un bistrot. Certaines sources font état d’un dossier qui aurait été ouvert au CENAREF pour blanchiment d’argent mais on se demande en quoi cela concernerait ce dossier qui est une escroquerie qualifiée.

Pourtant, aussi bien l’IGF que la justice congolaise ont déjà eu, par un passé plus ou moins récent, à montrer les crocs dans des affaires d’argent comme celui-ci. Pour l’IGF, on se souvient de la promptitude avec laquelle elle avait ouvert, en mars 2022, une enquête sur les plus de 420.000 Usd du Trésor public pour financer l’organisation de la coupe d’Afrique. La sueur des jeunes athlètes n’avaient pas séché à l’époque que Jules Alingete trébuchait à bras-raccourcis sur Tony Kazadi, Ministre de l’EPST qui était au cœur des soupçons de ces détournements.

Le même Tony Kazadi qui, toujours en 2022, fut aux prises avec le même Alingete qui sonna l’alerte sur une tentative de détournement de la prime des surveillants et des correcteurs de l’examen d’Etat. L’affaire fut dénouée dans le bureau du… Secrétaire général de l’UDPS, fait privé.

Mais depuis, plusieurs correcteurs et surveillants attendent encore d’être payés. Idem pour l’affaire des fonds de la coupe d’Afrique de foot scolaire dont on n’eut point de suite.

Sur la même plage, on se souvient comment, tout récemment, le Ministre des finances avait rechigné à débloquer les primes des footballeurs CHAN, exigeant de faire passer l’argent par le circuit bancaire. Le dossier a connu le dénouement que l’on connaît, mais les Léopards, démobilisés, n’ont jamais franchi la phase des pools.

Quant à la justice congolaise, elle a eu à nous gratifier, dans un de ses rares moments de lucidité, de l’affaire Willy Bakonga, cet ex-Ministre de l’EPST qui fut traqué jusqu’au Congo-Brazzaville d’où il fut ramené pour être jugé et condamné pour avoir détenu par devers lui un montant de plus ou moins 20.000 Usd, alors que la loi interdit de se déplacer avec plus de 10.000 Usd.

Si, cependant, toutes ces affaires ont bénéficié de ces réactions, celle de Bakole semble n’avoir été qu’un rêve, si pas un de ces scandales qui jonchent les réseaux sociaux dans suite. Autant les instances attitrées pour faire rentrer l’Etat dans ses droits restent amorphes, autant toutes les personnes impliquées dans l’affaire jouissent d’une impunité déroutante. Toute la chaîne de la dépense demeure, en effet, imperturbable.

Tous aux ordres d’une instruction donnée en très haut lieu…

Du Ministre des sports qui a déclenché un dossier financier sans aucun soubassement à l’agent comptable qui a versé 100.000 Usd en espèces en passant par les ministres du budget et des finances, la direction de la trésorerie d’Etat, les services de la Gouverneure de la banque centrale ainsi que ceux de la DGM et de l’ANR, etc. ; l’on assiste dans une sorte de silence bavard qui indique, en, définitive, qu’un tel dossier n’aurait pas slalomé en l’état et en procédure d’urgence, sans que personne ne lève son petit doigt. Et cette indifférence déconcertante de tous ces échelons de décision et, partant, du pouvoir contraste de manière délirante avec l’arrogance du comparse de Martin Bakole – celui qui l’aida à fourrer le pactole dans son sac banane – au point que l’on finit par convaincre que tous auront été aux ordres d’une instruction émanant d’une instance à laquelle personne, dans cette chaîne, n’a les épaules à assez larges pour s’opposer.

C’est, en tout cas, la seule conclusion plausible que nous laisse, comme alternative, cette rocambolesque affaire. Suivons le regard…

Jonas Eugène Kota

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