Boshab du FCC à l’Union Sacrée, le parcours du faucon en chef de la kabilie

Evariste Boshab Mabudj-ma-Bilenge vient de rejoindre l’Union Sacrée, la team de Félix Tshisekedi. L’ancien Directeur de cabinet de Joseph Kabila sous la transition, Secrétaire général du PPRD, Président de l’Assemblée nationale et Vice-premier ministre en charge de l’intérieur, tout ceci sous la présidence de Kabila Kabange, Boshab a annoncé ses nouvelles couleurs politiques vendredi 28 janvier 2023 lors du congrès du parti politique qu’il vient de monter, Alliance pour les Actions Citoyennes (AAC).

Surprenante pour les uns, cette nouvelle ne l’a pas été pour les observateurs attentifs de la scène politique congolaise. C’est, en effet, depuis le tsunami politique qui a vu naître l’US que Boshab manifestait des signes d’indifférence envers la famille politique qui l’a révélé au grand public, en dehors des auditoires de Unikin, et lui a tout donné en termes d’ascension politique et sociale. Lorsque le chef de l’État effectue sa toute première tournée dans l’espace Kasaï l’année dernière, Evariste Boshab est parmi les leaders et notables FCC, dont d’anciens Diracb de Kabila, qui vont l’accueillir et le rencontrer dans leurs provinces respectives. Leur choix était donc fait depuis l’époque.

Pour ceux qui connaissent très bien Evariste Boshab, sa séparation d’avec Joseph Kabila marque la fin d’une longue époque de « je t’aime moi non plus » qui a toujours animé le natif de Mweka envers celui qui présentait comme son leader. Au décompte final, l’on note qu’avec Boshab à ses côtés, à la tête du PPRD, au perchoir de l’Assemblée nationale ou encore au ministère de l’intérieur, Joseph Kabila s’était soit aliéné des partenariats politiques ou l’estime de la population, soit éloigné de plus bel des partenariats diplomatiques, soit encore éloigné des collaborateurs parmi les plus fidèles sur qui il pouvait compter.

Remember créance du Congo Brazzaville à la Snel

En 2004, par exemple, pendant que Joseph Kabila opère des percées politiques en rapprochant ses opposants et les rébellions en prévision du dialogue intercongolais grâce à un bataillon de négociateurs conduit de mains de maître par Léonard She Okitundu entre autres, Boshab trône en véritable colon à la tête du cabinet du chef de l’État. C’est pourtant en ce moment que le parlement l’épingle dans une affaire de pot-de-vin dans le recouvrement d’une vieille créance (plus de 20 ans) d’au moins 32 millions Usd de la SNEL auprès de la Société Nationale d’électricité (SNE) du Congo Brazzaville. Le rapport d’enquête parlementaire indique que Boshab avait empoché 10% de commission (3,2 millions Usd) pour avoir été co-facilitateur du recouvrement.

Contraint à la démission, Boshab s’y plie bruyamment et à contre-cœur, se plaignant de n’avoir pas eu l’occasion de présenter ses moyens de défense.

Quelques mois plus tard, Boshab va rempiler -et de quelle manière- dans la kabilie et au sein des institutions publiques. Pendant ce temps, Joseph Kabila voit son étoile pâlir dans cette sordide sordide qui le livre à la vindicte de l’opinion tant nationale qu’internationale. Oublié, ce jeune Kabila qui venait de débloquer le dialogue politique de Lusaka, bloqué plus de cinq ans plus tôt sous son père et qui va aboutir à la relance de la démocratie avec les élections de 2006. Parti en fumée, ce Président qui venait de relancer, à la faveur de son investiture en janvier 2021, la coopération bi et multilatérale rompue depuis 1990. Désormais le Kabila qui domine dans l’imaginaire est celui qui tape dans la caisse de l’État.

Boshab au PPRD, la descente aux enfers

Lorsqu’au termes des élections de 2006, l’Alliance de la  majorité présidentielle (AMP) l’emporte et que Vital Kamerhe prend le perchoir de l’Assemblée nationale, c’est Évariste Boshab, sorti de nulle part et contre toute attente, qui reprend les commandes du PPRD. Le parti présidentiel, qui tient la plus grosse part dans la coalition majoritaire au parlement, entame alors une descente aux enfers. Cette formation politique qui, en très peu de temps, a réussi a s’offrir un remarquable ancrage sociologique, se coupe de la base pour devenir un parti élitiste des salons. Boshab préfère s’entourer de gros bras qui vont alors développer la démocratie de la confrontation physique, non seulement avec les adversaires politiques, mais aussi avec des cartels internes qui voient le jour et qu’il ne blaire point. Maître des auditoires universitaires et dans les prétoires, Boshab veut avoir droit de vie et de mort sur tout ce qui respire politiquement au PPRD.

Las des méfaits qu’il observe et dont il est manifestement la cible de la disgrâce où il est tombé à la suite du clash sur la traque conjointe FARDC -RDF des FDLR, Vital Kamerhe sort de son silence pour dire son fait à Boshab.

Quelques jours avant d’annoncer officiellement sa démission de la présidence de l’Assemblée nationale, en effet, Kamerhe réussit à se faire inviter au siège du parti. Assis à côté de Boshab, il le tanse vertement et, sans ménagement, l’accuse de conduire un agenda caché contre le parti, son autorité morale et sa famille politique. Devant les hauts cadres du parti médusés, Vital Kamerhe accuse le SG Boshab d’avoir démantelé les cercles de réflexion autour de Kabila au profit de structures échappant au contrôle de quiconque. Kamerhe cite des personnes ressources comme Sekimonyo, Jean Mbuyu et d’autres qui ne parviennent plus accéder au chef de l’État, sinon au prix de mille acrobaties avec la garde rapprochée et le protocole d’État.

Bien entendu, ne se laissant pas faire, Boshab va gonfler son égo à bloc et engager une virulente joute verbale avec Kamerhe qu’il finira, malgré tout, par remplacer à l’Assemblée nationale.

Climat délétère avec les alliés politiques à l’Assemblée nationale

Mais l’arrivée d’Evariste Boshab à la tête de ma chambre basse ne va rien changer de son comportement. Comme au PPRD, il va marquer son territoire à sa manière afin que seule son autorité règne dans la bâtisse chinoise. La majorité présidentielle, à commencer par les élus PPRD, perd pied et se sent de plus en plus perdue. Boshab s’entoure, dans son cabinet, de jeunes loups aux crocs asserrés et qui ne répondent que de lui. À l’instar de Jean-Pierre Lihau, son Directeur de cabinet qui, aujourd’hui, clame haut et fort, qu’il n’a jamais appartenu au PPRD et à la MP,AMP puis le FCC que par obligation professionnelle.

Les deux ans, dix mois et neuf jours qu’il passe à la tête de la chambre basse vont ainsi être marqués par des tensions à répétition, aussi bien avec l’opposition que la coalition majoritaire jusqu’à ébranler gravement l’alliance avec le Palu. Le parti gizengiste l’accuse, en effet, d’être l’instigateur des motions à répétition contre les membres du gouvernement jusqu’à toucher le Premier ministre Adolphe Muzito.

C’est de très peu que les militants du PALU et du PPRD manquent de se rentrer dedans le jour où Muzito doit répondre à une motion qui le vise. Bousculé à son entrée dans la salle des congrès jusqu’à perdre une chaussure, Boshab, qui avait troqué son propre siège contre celui de Kamerhe lors de la remise et reprise en pleine plénière, va tempêter jusqu’à perdre le souffle, menaçant de larguer ses propres militants dans cette bataille qui s’installe. Boshab continue, en effet, d’être le SG du PPRD où il dispose d’un bataillon de gros bras spécialisés dans les coups les plus tordus.

Bourreau des droits de l’homme

Si Boshab ne parvient pas à mettre le feu au Palais du peuple, c’est au ministère de l’intérieur qu’il va briller de mille feu, déjà à partir de son entrée en scène. Le 7 décembre 2014, il y débarque pour la remise et reprise, en effet, au pas de trot, à la tête d’une section de ces fameux gros bras du PPRD. Et pendant une année, onze mois et sept jours, soit jusqu’au 14 novembre 2016, il va marquer son passage à l’intérieur par la répression des manifestations publiques et la restriction des droits et libertés.

Normal alors qu’avec un tel pedigree, il ait été « gratifié », jusqu’à ce jour, par des sanctions des USA depuis 2016 et de l’Union européenne depuis 2017. L’Union européenne vers où il exfiltra, pour le soustraire de la justice, un de ses fils qui commit un accident meurtrier sur le boulevard du 30 juin après une nuit bien arrosée en boîte.

Le maître-penseur du troisième mandat

Avariste Boshab Mabudj-ma-Bilenge, c’est aussi, last but not least, ce maître-penseur du troisième mandat pour Joseph Kabila. C’est lui, en effet, qui monte toute une théorie juridique pour battre en brèche le principe de blocage des dispositions de la la constitution, notamment article 220. L’homme se met à la besogne déjà en 2013, lors du second mandat déjà entamé de Joseph Kabila. C’est d’ailleurs en 2013 qu’il publie son ouvrage sans équivoque sur ses intentions, intitulé « Entre révision de la constitution et inanition de la nation »

Son calcul est de déblayer le terrain juridique et légal afin d’espérer mâter le front politique. Son lourd palmarès sur les droits de l’homme à la tête du ministère de l’intérieur aura ainsi procédé de ce stratagème.

Quel apport pour Tshisekedi ?

Et s’il m’était conté Évariste Boshab ? Ceux qui le souhaitent peuvent aisément revisiter son parcours pour essayer, aujourd’hui, de discerner ses motivations politiques. Qui d’entre lui et Kabila aura bénéficié de son « expertise » ? Ceux qui le connaissent bien peuvent dire sans crainte que Boshab estime encore aujourd’hui que Kabila a été ingrat avec lui. Car toile qu’il avait tissée autour de lui n’avait pour but que de devenir son dauphin, quel qu’en soit le prix. Normal alors qu’il ait mal vécu le choix finalement porté sur Shadari en 2019.

Alors, question à un franc congolais : de quel apport pourra être Boshab pour Tshisekedi ? En tout cas, il a promis de lui procurer « une majorité écrasante »…

Jonas Eugène Kota

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