« Depuis la signature des dernières ordonnances intervenues dans la magistrature fi juillet 2022je subis, par des personnes interposées, de fortes pressions de la part de Me Peter Kazadi pour que je puisse valider les saisies-attributions pratiquées sans titre exécutoire par les sociétés Octavia Limited et NB Mining Africa SA qui appartiendraient à Monsieur Pascal Beveragi dirigées soit contre la société Astalia Investment Limited qui appartiendrait à Monsieur Moïse Katumbi, soit contre les tiers qui auraient payé à cette dernière des sommes qu’ils détenaient pour le compte des deux société précitées ». L’homme qui s’exprime ainsi est Laurent Batubenga Ilunga. Il est – ou était jusqu’à il y a peu – juge au Tribunal de commerce de Lubumbashi, dans le Haut-Katanga.
Laurent Batubenga s’adresse, en fait, au chef de l’Etat à travers sa lettre de démission datée du 9 décembre 2022. Il dit en avoir eu assez des pressions répétées du député provincial Udps, Peter Kazadi, qui, selon ses propos, use du trafic d’influence contre Moïse Katumbi, potentiel adversaire de Félix tshisekedi à la présidentielle de 2023.
Peter Kazadi feat Vidiye Tshimanga
La lettre est un véritable collier de perles sur des pratiques d’intimidation et de trafic d’influence dans laquelle un autre proche collaborateur du Président de la République, Vidiye Tshimanga, est tombé.
L’ex Juge Batubenga, qui met une croix sur 26 ans de carrière, n’y va pas par le dos de la cuillère pour déballer Peter Kazadi qui, « prétendant ne pas agir pour son compte personnel mais dans l’intérêt du pouvoir », voudrais qu’il s’implique en tant que chef de juridiction « pour aider à priver, selon ses termes, un adversaire politique des ressources financières qui lui donneraient les moyens de combattre le régime lors des prochaines échéances électorales ». Peter Kazadi, poursuit Batubenga, « affirme avoir reçu la mission de piloter la mise en place des magistrats » et qu’il (le juge) risque de perdre son poste lors de la prochaine mise en place s’il ne s’exécute pas.
Ces menaces n’ont, cependant, pas ébranlé sa détermination de respecter son serment sur un dossier dont la nature est en contradiction avec les sollicitations de Kazadi. Et Laurent Batubenga égrène d’autres messages qu’il a reçues le vendredi 2 décembre, des messages qui disent tout de cette hargne : « Avertissement sans frais. Si tu tiens à ta vie et à ta carrière, tu as intérêt à ne plus t’ériger en obstacle dans la récupération de M. Beveragi de la sté MCK et de son argent auprès des tiers ». Ou bien « Si tu continues à t’entêter en nous parlant de la loi, nous allons te faire voir que ce n’est pas la loi qui fait de toi Président du Tricom (…) ». Ou encore « Pascal Beveragi doit absolument reprendre cette société et celui qui s’érige en obstacle par un juridisme irréaliste subira le sort réservé à ceux qui collaborent avec l’ennemi. Tiens-toi le pour dit et à bon entendeur, salut ! ».
Ces messages écrits ont été suivis par des appels anonymes. Et le 8 décembre 2022, Laurent Batumuna dit avoir reçu « une invitation de Monsieur le Conseiller spécial zen matière de sécurité a.i pour me présenter à une séance de travail à son office ce mardi 13 décembre 2022 ».
Regards tournés vers la justice
A coup sûr, c’est en homme libre, déchargé de ses obligations professionnelles, qui pourrait répondre à cette invitation. Batumona a, en effet, démissionné le lendemain de l’envoi de ladite invitation. Il aura, au moins, marqué l’histoire en dénonçant des pratiques qui sont monnaie courante dans les hautes sphères des institutions, à l’instar du cas Vidiye Tshimanga.
La question est de savoir comment va se comporter la justice face à cette dénonciation qui met à nu les mêmes pratiques qui ont conduit l’ancien Conseiller en questions stratégiques de Tshisekedi. Parce qu’en effet, c’est en son nom que Peter Kazadi disait agir.
Ci-dessous, l’intégralité de la lettre du Juge Batubenga.
JDW