Dissidence au sein du M23 : Double coup fourré de Kigali pour se maintenir en RDC

A l’instar de l’UPC/FPLC, du CNDP puis du M23, la nouvelle rébellion Pareco/FF est, sans conteste, le mode opératoire du Rwanda qui, coincé par les pressions internationales sur le cas du M23, recycle ce dernier pour poursuivre sa présence en territoire congolais. Kigali veut aussi conserver une pression internationale sur Kinshasa au sujet de la gestion des groupes armés et des rivalités intercommunautaires qui justifient l’obligation de déclaration préalable pour l’achat d’armes, mesure prise dans les années 2008 dans le cadre de la lutte contre les armes légères et de petit calibre.

Sendugu Museveni, membre influent du bureau politique du M23, vient d’annoncer sa dissidence de ce mouvement rebelle et la création, depuis le 23 novembre dernier, d’un nouveau groupe armé appelé « Patriotes résistants congolais/Force de frappe » (Pareco/FF) pour combattre les groupes terroristes, dont le M23 et les ADF-MTN, et défendre le territoire congolais.

Se basant sur l’article 63 de la Constitution qui appelle chaque citoyen à défendre l’intégrité de son territoire face à toute agression, ce nouveau groupe, qui a vu le jour à Masisi, dans le Nord-Kivu, « accuse le M23 de violer, de tuer et de s’approprier le sol congolais sous l’œil impuissant de la communauté internationale », rapporte notre consoeur RFI. Sans son communiqué d’annonce, le Pareco/FF invite également les autres forces d’autodéfense des communautés congolaises à l’unité pour « mettre hors d’état de nuire l’ennemi de la paix en RDC afin de soutenir le gouvernement congolais dans sa lutte pour l’éradication de tous les groupes terroristes soutenus par le Rwanda et l’Ouganda ».

L’annonce de cette nouvelle rébellion intervient le jour même où viennent de reprendre, à Nairobi, les négociations entre le Gouvernement congolais et les mouvements armés, sauf le M23. Ce dernier avait déjà déclaré ne pas se sentir concerné par ce dialogue annoncé la semaine dernière au terme du mini-sommet de Luanda, avant de faire état de sa disposition à y prendre part suivant certaines conditions. Kinshasa avait rejeté toute négociation avec le M23 tant que ce groupe classé terroriste n’aura pas déposé les armes et ne se sera pas retiré de ses positions actuelles sur terrain. Le Gouvernement congolais a également exclu toute possibilité de réintégration des anciens rebelles au sein de l’armée, la police et les autres services de sécurité du pays.

Premier coup fourré du Rwanda avec la nouvelle rébellion : Se maintenir en RDC

Sendugu Museveni, présumé chef d’une nouvelle rébellion dans le Masisi

L’apparition d’un nouveau groupe armé qui, de surcroît, affiche une certaine proximité avec le Gouvernement, a éveillé la curiosité de certains observateurs qui y voient un vieux manège du Rwanda de trouver un moyen de se maintenir en RDC après un éventuel retrait du M23. Ce n’est, en effet, pas la première fois que des « réaménagements » interviennent au sein des groupes rebelles soutenus par le Rwanda et l’Ouganda à la veille des négociations ou au terme de celles-ci. La première insurrection, qui avait abouti à la création du CNDP avec Laurent Nkunda et Sultani Makenga, était partie de la fin du dialogue intercongolais lorsque la branche armée du RDC venait de prendre sa place au sein du Gouvernement 1+4. Un groupe d’officiers de cet ancien groupe basé à Goma avait, en effet, refusé d’intégrer l’armée régulière en 2004 et lancé une offensive sur Bukavu dans le Sud-Kivu. Regroupés au sein de l’l’Union des Patriotes Congolais et des Forces Patriotiques pour la Libération du Congo (UPC/FPLC), ces insurgés vont aussi sévir en Ituri entre 2002 et 2003.

Deux années plus tard, va naître le CNDP où se recyclent la plupart des acteurs de l’UPC/FPLC dont certains éléments, notamment Bosco Ntaganda, avaient été membres du FPR lors de son offensive contre le Rwanda à partir de l’Ouganda dans les années ‘90.

En mai 2012, alors qu’ils ont été intégrés dans l’armée régulière entre-temps, les mêmes ténors des rébellions cycliques vont se mutiner pour s’opposer à leur mutation décidée par la hiérarchie de l’armée. C’est alors que va naître le M23, en référence à la date du 23 mars 2009 à laquelle avait été signé l’accord qui avait permis leur intégration militaire.

Entre 2002 et 2013, année de la reddition du M23, ces différents mouvements rebelles sont soutenus par le Rwanda, tel qu’en témoignent plusieurs documents de l’époque. Un cycle de rébellions prenant prétexte sur la volonté de protéger une ethnie – les titsi – présentée comme étant en danger d’extermination. Mais la réalité connue est que ces différents mouvements s’établissent dans des zones minières congolaises pour en exploiter les ressources dont le Rwanda et l’Ouganda, particulièrement, apparaissent, depuis cette période-là, dans les statistiques internationales des producteurs de ces minerais dont ils ne disposent qu’en quantité résiduelle sinon pas du tout.

Sendugu Museveni, un hutu pour maintenir le discours des rivalités intercommunautaires contre les tutsi

L’apparition d’une nouvelle rébellion dissidente du M23 procède du même stratagème de maintenir une présence en RDC afin de poursuivre cette opération de pillage de ses richesses. En effet, Kigali est aujourd’hui conscient des pressions internationales et militaires qui vont l’amener à lâcher du lest et abandonner la nouvelle aventure avec le M23. Pour s’assurer une présence continue en territoire congolais, Kigali met dans la bouche de la nouvelle dissidence du M23 un discours communautaire et de proximité avec le Gouvernement. Une façon d’attirer, d’une part, l’attention sur la question des rivalités interethniques, surtout sur l’ethnie tutsi dite minoritaire, dont la communauté internationale est particulièrement frileuse. Et le Masisi est une zone de prédilection pour ce faire. Et le manège est bien huilé, étant donné que Sendugu Museveni est un hutu originaire du Masisi.

D’autre part, il s’agit, à terme, de porter l’accusation sur Kinshasa d’entretenir les groupes armés et ainsi permettre au Conseil de sécurité de maintenir sa mesure de déclaration préalable sur l’achat d’armes qui pèse sur la RDC. Cette mesurer avait, en effet, été instaurée dans les années 2008 dans le cadre du programme lancé à Nairobi pour la lutte contre les armes légères et de petit calibre dans les régions des Grands Lacs et la corne de l’Afrique.

Jonas Eugène Kota

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *