Crises sécuritaires à l’Est de la RDC : Quand Gérard Kamanda dévoilait les complicités internationales

Les Congolais ne cessent de s’interroger sur les atermoiements de la communauté internationale à nommer la vraie réalité qui sous-tend la crise sécuritaire à l’Est de la RDC et, en général, dans la région des Grands Lacs. Le nouveau clash entre Kinshasa et Kigali vient raviver ces interrogations et rappeler combien la RDC souffre de cette attitude qui, pour nombre de congolais et d’autres observateurs, confinent, si pas à une complicité, du moins à une commisération face aux pyromanes de la région.

Aujourd’hui encore, en effet, l’on assiste à une sorte d’omerta de cette même communauté internationale face aux évidences de l’implication du Rwanda dans la résurgence de la rébellion du M23. Mais c’est depuis plus de 24 ans maintenant, à partir de la guerre qui déboucha sur le génocide au Rwanda, qu’il s’observe cette attitude.

En son temps déjà, Kinshasa avait clairement décrit les actes qui ont contribué à l’installation, jusqu’à ce jour, de l’insécurité qui fait couler le sang à l’Est de la RDC. Congo Guardian propose, ci-dessous, la description des événements faites devant une commission parlementaire dite « Commission Vangu) le 29 février 1996 par Gérard Kamanda Wa Kamanda, alors Ministre des Affaires Etrangères.

« Il y a ensuite, la réunion d’Addis-Abeba en Ethiopie où j’ai perçu de façon précise  deux choses :

  1. L’exode des réfugiés rwandais au Zaïre (Ndlr : aujourd’hui RDC) est à  considérer comme la tête d’un Iceberg, car cette situation n’était pas accidentelle, mais plutôt  quelque chose de bien programmé dont seul le Zaïre semblait ignorer les tenants et les aboutissants ;

Un puissant lobby anglo-saxon travaille sur ce dossier depuis des années avec des solides ramifications : au Bureau du Secrétaire Général de l’ONU ; dans les structures mêmes de l’ONU ; en Allemagne ; au Congrès américain ; en Grande Bretagne ; au siège de l’O.U.A.

A ce sujet, le Secrétaire Général de l’O.U.A avait même déjà initié un dossier fort avancé sur les causes profondes de l’instabilité des populations dans la région des Grands Lacs. La solution de cette situation consiste à appliquer sur terrain une étude développée par le Professeur Kenyan du nom de MAZRUI, et qui consiste à revoir les tracés des frontières des Etats sur base des affinités ethniques pour aboutir à l’émergence de l’Empire Hima à l’Est du Continent Africain.  Le Secrétaire Général de l’O.N.U  le sait et soutient même le plan puisqu’il détient un exemplaire du rapport du Prof. MAZRUI.

Revenu d’Addis-Abeba, j’ai fait rapport au Gouvernement. C’est à cette époque que tout le monde parlait du rapport de la Commission VANGU au HCR-PT.

  • Je suis ensuite parti pour Genève, cette fois-ci avec les résolutions du HCR-PT sur les réfugiés. A Genève, j’ai mené une intense activité diplomatique pour faire comprendre à Madame OGATA que la solution viable au Rwanda, pour éviter l’enlisement de la situation, est le retour des réfugiés chez eux.

Le Secrétaire Général de l’ONU, par exemple, était contre cette thèse du Zaïre et avait même  quitté la salle de réunion. Il m’a fallu un aparté avec lui dans son bureau pour qu’enfin, il me comprenne. Je découvrirai que son Directeur de Cabinet-adjoint est un Rwandais, particulièrement un Tutsi.

A ce propos, saviez-vous, par exemple, que l’actuel Ambassadeur du Rwanda à l’O.N.U, était à peine hier fonctionnaire du Zaïre au PNUD? C’est avec le quota du Zaïre et notre passeport que jusque-là il travaille à l’O.N.U. Allez à la Cour Suprême de Justice ici, vous en trouverez aussi d’autres qui y travaillent comme Zaïrois.

Ma thèse ayant fait du chemin dans les esprits, certains pays, notamment la France, ont délié la langue sur cette affaire. Lorsque je me suis vu avec le Secrétaire Général de l’O.N.U, Monsieur BOUTROS BOUTROS GHALI, je lui fis comprendre que pour le Zaïre, le schéma fiable  reste le rapatriement des réfugiés chez eux. Il me dira qu’il était parfaitement d’accord avec notre avis. Toutefois, des pays comme  le Zaïre et  la Tanzanie ayant beaucoup d’espaces, doivent penser à recevoir ce trop-plein des Rwandais si pas maintenant mais dans l’avenir.

J’ai conféré ensuite avec le Secrétaire d’Etat Américain aux affaires africaines, Monsieur Moose, pendant au moins 3 heures. Sa première préoccupation a été de savoir ce que le Secrétaire Général de l’O.N.U m’avait dit. Je lui ai répondu que nous avions causé sur les problèmes des Grands Lacs. Il me dira alors ceci : pour le moment on maintient la position du Zaïre, mais à long terme, le Zaïre et les Zaïrois doivent arriver à absorber ces populations parce que le problème peut revenir demain.

Arrivé en Allemagne, il me sera tenu le même discours. J’ai alors compris que le puissant lobby pro-tutsi bien installé en Allemagne, était au courant de toute la machine diplomatique que je menais et voulait savoir le pourquoi de la position  du Zaïre.

C’est le même groupe (lobby) qui organisera la rencontre Mobutu-Museveni en Allemagne. Entrera ensuite en scène le Centre CARTER qui, lui, voulait plutôt réunir les 5 Chefs d’Etat  de la région afin d’examiner les préalables du retour des réfugiés chez eux, mais puisque ce Centre voulait amener le débat au niveau régional, l’O.N.U. et l’O.U.A. vont se retirer. D’où l’échec de ces assises.

Depuis lors, la région des Grands Lacs vit des crises récurrentes, toutes sous-tendues par le prétexte des rébellions ougandaises, burundaises et rwandaises installées en terre congolaise et qui chercheraient à attaquer leurs pays respectifs. Depuis tout ce temps, cependant, il n’a presque jamais été document des attaques de cette nature aussi bien en Ouganda qu’au Rwanda et au Burundi. Toutes les confrontations se déroulent en RDC qui en paie un lourd tribut en termes de pertes en vies humaines, d’investissements dans l’armée, d’exploitation illicite de ses ressources, etc.

Pire encore, la RDC a eu à subir un embargo d’achat d’armes pendant que chez ses voisins, des preuves se multipliaient pour démontre les soutiens apportés à des milices congolaises montées par ces mêmes voisins pour venir faire la guerre en territoire congolais. Aujourd’hui encore, la RDC est le seul pays de la région qui a subi pendant 15 ans la suspension du partenariat financier avec le FMI et la Banque mondiale sous prétexte de mauvaise Gouvernance et de déficit de démocratie.

Des prétextes qui sont des réalités vivantes à Kampala et à Kigali où règne une autocratie sanguinaire de notoriété publique.

J. Dibenga Wotsho

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