Indépendance de la RDC : Très amer sur les 62 ans, Bonane Ya Nganzi décrypte la marche de la nation

Le 30 juin, journée de l’indépendance, approche à grande vitesse. Dans quelque deux semaines, les Congolais vont célébrer la 62ème année de l’accession de leur pays à la souveraineté nationale et internationale. Le moment est ainsi propice pour les uns et les autres de revisiter la marche de la nation et de scruter les perspectives d’avenir. Au nombre de ces lecteurs de l’histoire de la République démocratique du Congo, Xavier Bonane Ya Nganzi, Député national élu du territoire de Dungu pour le compte du FCC (PPRD).

Pour faire sa lecture de la situation, l’élu de Dungu, qui préside la commission de compulsion des rapports des vacances parlementaires à l’Assemblée nationale, dégage, dans un entretien de presse, une situation générale du pays très peu reluisante, selon ce qu’en disent ses collègues députés dans leurs rapports.

Pendant les vacances parlementaires, explique-t-il en liminaire, le député a le double devoir, d’une part, de rendre compte du travail parlementaire de la session écoulée et, d’autre part, de collecter les différentes préoccupations des populations ainsi que des autorités et notabilités locales pour les remonter auprès des hautes instances.

Des différents rapports de vacances compulsés, il se dégage une triple constance dans la situation générale du pays, poursuit l’Honorable Bonane Ya Nganzi. La première constante est liée au déficit dans l’administration du territoire. « Il y a énormément des problèmes dans nos entités. Depuis que nous avons procédé au démembrement des provinces et à la décentralisation, les administrateurs du territoire, dans tous les territoires de la République, ne sont pas payés. Ils n’ont pas de salaire, ils n’ont pas des frais de fonctionnement. Que dire alors pour les chefs de chefferies, les chefs de collectivités et les chefs de groupement, les chefs de localité. Ils ne sont pas du tout pris en charge par la République. Ça c’est une difficulté majeure ».

Toujours sur le plan administratif, l’élu de Dungu déplore l’état des lieux des infrastructures, des bureaux administratifs, des prisons ainsi que les dysfonctionnements de la justice qui souffre, entre autres, d’un déficit des juridictions.

Deuxième constante, l’économique.

Sur ce volet qui est lié au développement à la base, Xavier Bonane affirme sous une forme interrogative : « Quel est l’état des lieux de nos infrastructures routières, des infrastructures scolaires, sanitaires, ainsi de suite ? ».

Et troisième constante, les problèmes d’ordre social, culturel et même sportif. Il n’a pas oublié le volet sécuritaire qui constitue également un point de préoccupation à travers le pays.

Une débâcle continue mais qui n’est pas sans solution

Et depuis le début de la présente législature, l’Honorable Bonane Ya Nganzi dit avoir constaté que loin de s’améliorer, cette situation générale ne fait que se dégrader. Et pour cause : « Nous n’avons pas noté des réponses significatives aux problèmes qui ont été posés ».

Il prend le cas de la situation sécuritaire et décortique : « Lorsque nous avons fait le précédent rapport (sur la situation sécuritaire), il n’y avait pas état de siège. Entre le premier rapport et le deuxième rapport, il y a la mise en place de l’état de siège. Y-a-t-il eu évolution ou dégradation de la situation ? S’il y a état de siège, ce qu’il y a eu dégradation ».

Le député national élu de Dungu relève que des propositions avaient été faites aux ministères sectoriels, notamment le ministère de l’intérieur, le ministère de la Défense, en ce qui concerne la situation des forces de sécurité, les FARDC, la Police Nationale Congolaise, leur prise en charge dans les provinces, leurs effectifs sur les champs des opérations, etc.

Et de poursuivre : « Quand bien même les problèmes ont été pris en charge, notamment dans le programme de développement des 145 territoires, qui a repris un certain nombre d’aspects répertoriés dans notre rapport, mais ledit programme est encore sur papier et n’est pas encore mis en exécution jusqu’à maintenant. Concernant par exemple les routes, chez moi, dans le Haut-Uele, c’est maintenant la grande saison de pluie, et la circulation devient difficile. C’est le moment aussi que choisissent les groupes armés pour intensifier leurs activités, etc ».

Comment expliquer que, 62 ans après leur prise en charge de leur propre destin, les Congolais continuent à se lamenter ? Sur cette question, Bonane Ya Nganzi reconnaît qu’en «  62 ans d’indépendance, notre bilan est négatif si pas catastrophique ». Et il s’explique : « Lorsque les analystes, économistes, les sociologues, etc. comparent le niveau de vie des congolais en 1960, au niveau de vie des congolais aujourd’hui, par rapport aux indices de développement humain, je constate que nous avons développé la pauvreté. En effet, sur les 26 provinces de la RDC, plus de 20 provinces vivent sous le seuil de la pauvreté et peut-être 5 ou 6 provinces sortent un peu du lot ».

Le recul est le fait de l’homme congolais

Quant à chercher les causes d’un tel recul, il ne va pas par quatre chemins : « Cela pose la problématique de l’homme congolais. Cela pose la problématique de nous, les élites, les intellectuels. En fait, moi, je suis député, je suis membre du gouvernement, je suis Président de la République et vous voyez comment les élites se battent pour occuper ces différents postes. Mais on se pose la question : pourquoi faire si la situation est celle-là ? Et plus on se succède, plus on se ressemble, plus la situation se dégrade ».

Puis cette sentence sans appel : « On a transformé le pays en un vaste restaurant où tout le monde vient chercher à manger et ne se pose pas la question, à la cuisine du restaurant, comment les choses se passent, comment fait-on pour que la nourriture arrive dans le restaurant, comment les techniciens de ce restaurant sont là-bas. Et voilà, 62 après, je pense que nous n’avons pas été à la hauteur des défis et des enjeux de développement de notre pays. »

Pour s’en sortir, l’honorable Bonane estime que les congolais ont besoin d’un sursaut d’orgueil. « Il faut un saut épistémologique face à la situation pour dépasser nos propres limites afin de proposer des solutions. Et puis, il faut un décollage conceptuel, parce que les congolais vivent au Congo comme dans un pays de transition pour aller vers le mieux-être, qui se trouve nécessairement ailleurs, et pas chez eux. Dès que nous aurons fait ce saut existentiel, nous aurons pris conscience que cet endroit ici, que ce pays, la République Démocratique du Congo, que Dieu nous a donné la mission de le développer ? Ce serait déjà un pas de géant.

Dungu, un territoire oublié de la République ?

Parlant, en passant, de la situation de sa circonscription électorale, Bonane Ya Nganzi reconnaît qu’elle n’est pas reluisante non plus. « Le territoire de Dungu fait face essentiellement à des problèmes de sécurité. C’est là-bas qu’on trouve des terroristes qu’on appelle les LRA, des rebelles ougandais qui ont traversé la frontière et qui sont chez nous depuis des dizaines d’années. C’est là où on trouve aussi les Mbororo, qui sont des éleveurs nomades terroristes qui occupent les espaces avec leurs bétails.

Et de poursuivre : « Lorsque vous partez de Dungu pour aller vers Doruma, vous êtes à l’intérieur d’un même territoire, c’est 210 kilomètres. Et moi, je suis allé à Doruma et je n’ai pu y arriver qu’avec un petit porteur de notre diocèse de Dungu-Doruma. Parce que c’est un territoire totalement enclavé et lorsque vous arrivez à la frontière avec le Sud-Soudan, il n’y a qu’une dizaine d’éléments des FARDC et un seul policier qu’on appelle Commandant. Et lorsque je l’ai salué « Commandant », alors il m’a répondu de manière humoristique : « Moi, je n’aime pas qu’on m’appelle Commandant, parce que je n’ai pas des troupes ; appelez-moi plutôt Représentant de la Police Nationale Congolaise.

Donc, la population de ce coin de la République fait face à situation très difficile. Les routes qui sont là-bas n’ont jamais été réhabilitées, les infrastructures scolaires datent de 1955, la même chose pour les hôpitaux et les centres de santé. Et ajouter à cela, l’absence des réponses de l’État.

C’est ce qui nous met dans une situation d’impuissance. Mais on ne se décourage pas, parce que, contrairement à nous les élites qui sommes ici dans la capitale, la population a développé le mécanisme de subsistance. Les gens ne se sont pas déclarés morts ou vaincus par la misère. Ils ont développé un comportement qui fait qu’ils prennent les choses du bon côté, ils donnent des solutions localement parlant. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut que les technostructures de l’État viennent au secours de cette population qui ne peut pas construire des routes sur 200 kilomètres, qui ne peut pas installer les antennes de télécommunication, les centres de santé ou les hôpitaux. »

Le triste sort des opportunistes ayant fui le FCC

Evoquant la situation politique de l’heure, le député national Bonane se dit fier d’être resté fidèle à sa famille politique et son autorité morale, Joseph Kabila Kabange. Il note aussi que les « prédateurs politiques » qui espéraient relever le pays ont aujourd’hui montré leurs limites. « Aujourd’hui, nous sommes en 2022. Le coup d’État institutionnel qui a fait basculer la majorité s’est produit le 10 décembre 2020. Donc, ça fait deux ans. Je voudrais que vous posiez cette question à nos collègues qui ont traversé avec armes et bagages, si la solution qu’ils cherchaient, est-ce qu’ils l’ont trouvée, deux ans après, de l’autre côté de la rivière où les herbes sont vertes ? »

En attendant, il poursuit : Nous, nous ne sommes pas au PPRD par opportunisme, nous y sommes par conviction. Nous croyons foncièrement à la démocratie et que nous pouvons exercer la démocratie dans notre pays selon les règles. Il n’est pas possible que, sans élections, une majorité change en cours de législature. C’est un coup d’État institutionnel. Et l’objectif de coup, c’était de neutraliser le Front Commun pour le Congo, de neutraliser le PPRD essentiellement. Et aujourd’hui, Dieu merci, nous sommes là et déterminés plus que jamais à reconquérir le pouvoir par des moyens démocratiques ».

Pour l’heure, il déplore simplement que dans l’autre camp, il se développe un discours de la pensée unique sans résultat palpable. «  Est-ce que tout le monde doit être dans une Union dite Sacrée ? Alors qui va faire la contradiction ? Il faut qu’il y ait action et contre-action ; des idées qui s’entrechoquent. Or, j’ai l’impression que, dans ce regroupement-là, il y a plutôt des tendances comme quoi, en dehors de nous, il n’y a pas de vie ».

Le bilan des 62 ans est partagé

Enfin, répondant à ceux qui affirment que la kabilie n’a pas de bilan et qu’elle devrait se taire, l’honorable Bonane Ya Nganzi se déchaîne sainement : « On appelle ça rhétorique, ce sont des roulements de machines, ils n’ont rien de démocratique. Le bilan des 62 ans d’indépendance étant négatif, pourquoi voulez-vous singulariser les seuls 18 ans ? Dans ces 62 ans-là, nous tous nous sommes là-dedans ! Chacun à des niveaux divers ».

Plus percutant encore, il poursuit : « Lorsqu’on aura fini cette rhétorique qui consiste à dire : vous avez détruit le pays, etc., qu’est-ce qu’on met sur la balance. Comme si le pays a été créé et est devenu indépendant il y a 18 ans. Et quand on a fini de dire ça, qu’est-ce qu’on fait pour changer ?

Et nous sommes en train d’attendre depuis le 10 décembre 2020 de voir ce qu’on a fait. C’est ça la grande difficulté et c’est ça notre tare politique.

Le FCC a un bilan, mais l’Union sacrée ?

Pendant qu’il dit attendre des réponses, il soutient que le FCC dispose d’un bilan et le démontre : « Il y a 18 ans, la République Démocratique du Congo n’existait pas dans sa dimension territoriale : il y avait la République du RCD-Goma, il y avait la République du MLC, il y a de ce côté ce qu’on appelait le gouvernement. Par quel mécanisme sommes-nous parvenus à faire la réunification du pays ?

– Si on a rien fait, depuis l’accession au pouvoir du Président Joseph Kabila Kabange en 2001, comment un pays qui n’existait pas est-il devenu brusquement un pays où l’on a fait une remise démocratique et civilisée du pouvoir avec l’actuel Chef de l’État ?Comment ça s’est passé si l’on a tout détruit ?

– Comment ce pays qui n’existait pas a-t-il fait pour vaincre la première guerre mondiale de l’Afrique ? Il y avait plus de 12 pays ici qui était en guerre ?

– Comment est-on arrivé avoir une armée classée 8ème dans le continent africain ?

– Si rien n’a été fait, comment on est arrivé à avoir une constitution ? ; comment sommes-nous arrivé à avoir le 3ème cycle électoral et nous nous préparons à un 4ème cycle ?

Et je note que le débat est tout à fait antidémocratique. De quel droit un citoyen peut empêcher un autre citoyen de parler, d’avoir son opinion, d’avoir un mot à dire sur la conduite de la République, cela tout en prétendant respecter la constitution » ?

Quant à son avenir politique, Bonane Ya Nganzi se dit disposé à continuer à servir la nation et sa circonscription électorale. Il s’en remet à son parti, le PPRD, pour ce faire. Ilo fait entièrement confiance en sa famille politique et à son autorité morale qui, malgré son silence, est très actif dans les consultations.

JEK

(Photo droits tiers)

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