Grands Lacs : Rébellion burundaise RED-Tabara sous couvert du M23, la double stratégie pyromane de Paul Kagame contre la RDC et le Burundi

Dossier de Jonas Eugène Kota

Ceux qui craignent un embrasement régionale dans les Grands Lacs ne se font pas une vue de l’esprit. Le décor avait longtemps fini d’être planté et les batteries sont aujourd’hui en marche.Sous le regard indifférent de la même communauté internationale – comme en 1994 avant l’irréparable au Rwanda – obnubilée par les minerais à 3T des riches terres congolaises pour financer notamment le programme du « Global Gateway », la déflagration pourrait largement dépasser le cadre des Grands lacs pour embraser le continent dans sa partie orientale jusqu’à sa corne. Car l’enjeu géostratégique aujourd’hui se révèle comme une lutte de positionnement ethnique qui (re) met directement aux prises tutsis et hutus avec une extension ethno-raciale sur la vaste lignée hamite/nilotique embrassant même la corne de l’Afrique.

L’incident des délégations congolaises bloquées récemment sans raison à leurs hôtels par les autorités (nilotiques) éthiopiennes, isolant la Première ministre à la Cité de l’Union africaine, à Addis-Abeba, est symptomatique de ces craintes, surtout lorsque l’on rappelle que le Djibouti – suivez mon regard -, qui est l’un des pays africains membres non permanent du Conseil de sécurité, avait pesé pour que le Rwanda ne soit pas nommément cité comme pays agresseur de la RDC dans la déclaration ayant suivi les deux audiences spéciales du Conseil sur la RDC.

Faisons remarquer tout de suite que ces observations n’ont rien à voir avec une quelconque stigmatisation.

Quand Kagame coach une équipée du RED-Tabara avec les forces spéciales rwandaises

Peur l’heure, la crainte c’est la confrontation directe qui se dessine entre le Rwanda et le Burundi après plusieurs années où les deux pays se toisent sur le sol congolais sans se croiser. La confrontation décisive se dessine au regard de la double stratégie de Paul Kagame qui, sous le couvert du M23 lui servant de cheval de Troie, soutient une équipée de la rébellion burundaise RED-Tabara (Résistance pour un État de droit au Burundi). Avec l’appui des forces spéciales rwandaises, cette équipée doivent aller prendre le Burundi à revers à partir des hauts plateaux congolais, côté Uvira.

Des sources bien introduites, qui assurent que cette stratégie est bien connue à l’ONU, laissent entendre que la puissance de feu qui marche vers Uvira pulvériserait les Imbonerakure positionné justement à Uvira. Il s’agit d’un groupe armé burundais d’obédience hutue proche du pouvoir de Bujumbura qui l’a monté pour contrer les incursions de la rébellion RED-Tabara d’obédience tutsie.

Officiellement, le RED-Tabara dit lutter contre la dictature au Burundi, mais en réalité il s’agit d’un combat qui met clairement aux prises les ethnies tutsie et hutu. Un tableau ethnique qui justifie donc la main de Paul Kagame qui ne supporte pas l’existence d’un pouvoir hutu chez son voisin burundais et tient à y étendre la domination tutsie.

Un tableau ethnique similaire entre le Rwanda et le Burundi

Comme au Rwanda avant le génocide et jusqu’à présent, le Burundi a une population très majoritairement hutue (85%) et une minorité tutsie (14%). Cette configuration est à la base, depuis l’indépendance de ce pays en 1962, de massacres interethniques cycliques. Les années 1965, 1972 ou 1981 ont particulièrement été sanglantes lors des affrontements qui les ont émaillés et les deux communautés se sont mutuellement accusées de génocide.

Entre 1993 et 2006, le pays avait à nouveau plongé dans une guerre civile ayant fait 300.000 morts, selon les bilans officiels.

Croisade ethnique sous couvert d’un combat pour la démocratie

Après quelques années de stabilité précaire, la confrontation va reprendre à la suite des relents dictatoriaux du Président Pierre Nkurunziza, d’ethnie hutue, qui s’est offert un troisième mandat au terme des élections de juillet 2015 avant de mourir cinq ans plus tard, soit en juin 2020.

Ce troisième mandat va alors faire l’objet de contestations dès l’annonce de la candidature de Nkurunziza en avril 2015 jusqu’à une tentative de coup d’Etat qui échoue mais donne naissance à un mouvement rebelle d’obédience tutsie, le RED-Tabara, sous la conduite du Général Godefroid Niyombare.

Chef d’état-major de l’armée burundaise en 2009 puis Ambassadeur du Burundi au Kenya en 2013, Niyombare a également dirigé le Service national de renseignement (SNR) avant de tenter son coup d’Etat en mai 2015 à la faveur des manifestations contre le troisième mandat de Nkurunziza.

C’est alors qu’il crée le groupe armé RED-Tabara dans le but de lutter contre ce qu’il qualifie de dérive dictatoriale, mais sa démarche voit déteindre très vite les relents ethniques qui la fondent, surtout après avoir été pris sous la coupe de Paul Kagame qui lui offre une retraite stratégique au Rwanda d’où il part pour aller opérer en RDC sur les plateaux d’Uvira.

2024, année décisive du RED-Tabara sous le couvert du M23

L’année 2024 va marquer un tournant décisif dans l’équipée de RED-Tabara contre le Burundi. Paul Kagame réussi, en effet, à faire camoufler l’offensive sous la rébellion du M23 en y affectant des unités des forces spéciales rwandaises. On fait savoir que le nombre subitement élevé de ces forces spéciales lors de la prise de Goma se justifie aussi par la présence de ces unités destinées aux fronts d’Uvira, dans le Sud-Kivu.

L’objectif est d’aller faire le surpoids à Uvira face aux Imbonerakure et aux unités de l’armée burundaise. Celles-ci combattent aux côtés des FARDC, mais ont fini par battre en retraite de Kavumu et de Bukavu face à l’avancée du M23-RDF pour aller se concentrer à Uvira, aux portes du Burundi.

Le réveil du RED-Tabara en décembre 2024 n’est donc pas fortuit. Cette rébellion tutsie touche particulièrement les civils dans une démarche double visant le dépeuplement et le soulèvement de la population contre le régime en place afin de créer les conditions de chao propice à une intervention spectaculaire en tueries. Objectif : faire émouvoir la communauté internationale avec l’importance des tueries qui vont s’en suivre afin de discréditer le régime hutu en place et l’affaiblir au plan international par l’instrumentalisation d’un discours sur l’épuration ethnique.

Bref, la même stratégie et la même rhétorique qu’en RDC.

Avant ces offensives de décembre qui se poursuivent jusqu’à ce jour, le RED-Tabara s’était déjà distingué par des incursions au Rwanda au début de l’année 2024 pour tâter le terrain. Notamment en février 2024 avec une incursion au village de Buringa, à la frontière avec la RDC, tuant 9 personnes. Et plus tôt, en décembre 2023, c’était le tour de Vugizo, toujours à la frontière avec la RDC, où 20 personnes avaient été tuées pour semer la terreur et provoquer des soulèvements de la population.

Escarmouches directes entre Kigali et Bujumbura

Cette confrontation par procuration entre Kigali et Bujumbura va évoluer jusqu’à un début de confrontation directe, du moins par médias interposés et des manœuvres de terrain, à partir du mois de janvier 2025. C’est le Président burundais qui prend les devants pour aller mettre officiellement en garde son homologue rwandais à la frontière des deux pays.

Le 12 février 2025, en effet, Evariste Ndayishimiye tient un meeting à Bugabira, à la frontière commune des deux pays, pour mettre Kigali en garde contre une attaque de son pays par les rebelles qu’il soutient. Prévenant ouvertement que son pays allait intervenir aussi au Rwanda en réciprocité, il accuse, selon une dépêche de l’AFP, Kigali d’être « en train de préparer quelque chose contre le Burundi. ».

Et de prévenir sans détour : « Celui qui va nous attaquer, nous allons l’attaquer », faisant allusion au Rwanda qu’il qualifie de « mauvais voisin ».

Se posant en véritable chef de guerre, il galvanise sa population comme pour lever les troupes : « Commencez à vous préparer et n’ayez pas peur ».

Evariste Ndayishimiye ne doute point des intentions de son voisin belliqueux et se prépare en conséquence lorsqu’il évoque les affrontements remontant au 18e siècle entre les royaumes rivaux du Burundi et du Rwanda.

Et c’est parce qu’il prépare sa monture en prévision de cette confrontation que le Président burundais a envoyé un bataillon supplémentaire en RDC la semaine avant ses avertissements aux portes du Rwanda dernière. Le timing de ce mouvement dit tout : il s’agissait de se prémunir contre l’arrivée au Sud-Kivu du M23-RDC dans lequel évolue le RED-Tabara.

Dénégations, la rhétorique traditionnelle de Kigali

Bien avant ce nouveau pogrom, le Burundi avait fermé sa frontière avec le Rwanda depuis janvier 2024. Bujumbura avait aussi expulsé plusieurs ressortissants rwandais et suspendu ses relations diplomatiques avec Kigali.

Bien entendu, Kigali rejette encore aujourd’hui les accusations du Burundi, arguant n’avoir rien à voir avec cette situation qu’il dit interne au Burundi. « Il est clair que le Burundi est aux prises avec d’importants problèmes internes pour que son gouvernement accuse le Rwanda », déclarait le porte-parole du Gouvernement rwandais suite à une précédent accuse en mai 2024. Le porte-parole qui invitait Bujumbura à « résoudre » ses problèmes « sans associer le Rwanda à de tels incidents abjects ».

Bref, exactement la même rhétorique développée contre la RDC par Paul Kagame qui vient, à nouveau, de le faire retentir sous les lambris de la cité de l’Union Africaine à Addis-Abeba.

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