« Celui qui se livre à la fraude n’habitera pas dans ma maison », clame les catholiques, paraphrasant les Saintes Ecritures (PS 101, 7) pour dénoncer, sans détour, la CENI d’avoir organisé les élections « par défi » et craindre, au terme d’un processus électoral jugé opaque de bout en bout, le retour au monopartisme avec un Parlement qui n’aurait que 6% d’opposants.
A quelques encablures de la prestation de serment de Félix Tshisekedi pour un second mandat présidentielle, l’église catholique sort de sa réserve lui imposée par la loi par rapport au processus électoral pour en dire tout son fait. Dans une déclaration sans fards, et au titre fort évocateur « Celui qui se livre à la fraude n’habitera pas dans ma maison (PS 101, 7) », le clergé catholique tient la CENI pour principal responsable de la gadoue électorale que les congolais ont vécue et qui, selon eux, l’aurait été « par défi ».
« (…) Le chaos enregistré lors de cette 4ème édition des élections relève en partie de l’obstination de la CENI qui, au regard des contraintes dont elle était pourtant consciente, a organisé les élections par défi, en violation du cadre juridique national et de l’administration électorale », affirment les Evêques catholiques. Qui déclarent avoir découvert, après la déclaration préliminaire de la MOE CENCO-ECC, « un nombre impressionnant de votes parallèles avec les machines à voter trouvées chez des particuliers ».
Tout en posant tout haut la question que les congolais se posent tout bas, de savoir « s’il n’y avait pas planification quelque part au niveau du pouvoir organisateur », la CENCO attire l’attention sur « la facilité avec laquelle les dispositifs électroniques de vote (DEV) et les rouleaux des bulletins de vote se sont trouvés un peu partout dans les mains des particuliers ». Elle interpelle ensuite la CENI qui « devrait s’interroger sur son rôle dans cet imbroglio, car c’est elle qui a le contrôle exclusif de toutes ces machines et elle ne s’est jamais plainte d’un vol quelconque de son matériel ».
Une façon, pour le clergé catholique de souligner, comme bien d’observateurs avant, que ce qui s’est passé n’est pas le fait d’initiatives isolées, mais bien une opération dont la CENI officielle n’est pas étrangère. Et les catholiques en veulent pour preuve l’opacité dans laquelle la CENI s’était délibérément enfermée tout au long du processus électoral.
Ils se demandent, par exemple, pourquoi « la CENI n’a pas accédé à la demande de mettre en place une commission mixte et indépendante pour des enquêtes ». « Pour quelles raisons ? », insiste la CENCO qui constate, par ailleurs, qu’elle « s’est arrangée en se positionnant comme juge et partie pour invalider 82 candidats » tout en annonçant une deuxième liste d’invalidés « qui n’est toujours pas publiée ».
Rappel historique et chapelet d’indices d’un crime organisé
Puis la CENCO étale ce chapelet d’indices à l’étai de son intime conviction d’un crime organisé en bande ; une conviction qu’elle n’étale pas directement et ouvertement mais qui se perçoit dans cette circonlocution : « Cette opacité de la CENI nous semble une suite logique des cas observés antérieurement, notamment les cas des kits d’enrôlement retrouvés entre les mains des particuliers pour lesquels la CENI a refusé le Cadre de concertation sollicité pour clarifier les choses, des centres d’inscription fictifs pour lesquels on n’a eu aucune explication, le refus d’un audit indépendant du fichier électoral, etc… »
Puis : « Dans le même registre, rappelons que la cartographie des Bureaux de Vote (BV) a été publiée avec d’énormes irrégularités. En effet, après analyses, la MOE CENCO-ECC a pu détecter des anomalies dont l’existence de 3.706 BV dupliqués 2 voire 3 fois, avec comme conséquence l’augmentation du nombre d’électeurs de l’ordre de plus de 2.400.000 ». Et de préciser, plus incisif : « Le fait que la CENI a publié cela sous un format non téléchargeable et que sa Décision N° I 17/CENI/AP/2023 portant publication définitive de la cartographie des BV ne détermine pas le nombre précis de BV qu’elle a déployés fait penser à une opacité planifiée ».
Le Parlement sur la voie d’un nouveau monopartisme ?
Et cette estocade : « Ces nombreuses irrégularités constatées, les incidents notés et la fraude déclarée ont sérieusement affecté les élections et entamé la confiance des électeurs ». Et cette conclusion, sans appel : « Dès lors, il se pose de questions sur la perception que le Peuple congolais aura du prochain Parlement, d’autant plus qu’à considérer les résultats provisoires des législatives nationales, nous constatons, au stade actuel, qu’il n’y a que plus ou moins 6% de Députés issus de l’opposition. Dieu seul sait comment on y est arrivé ».
A la lumière de toute ces « curiosités », la CENCO s’inquiète de ce que risque d’être la configuration de la nouvelle Assemblée nationale et parle des perspectives d’un retour au monopartisme. « Cette situation comporte un grand risque de rentrer au monopartisme, ce qui serait un grand recul de notre démocratie naissante », peut-on, en effet, lire encore dans cette déclaration qui promet d’être mémorable et donne déjà les couleurs de ce que va être le comportement de l’église catholique pour ce nouveau mandat électorale.
Face à ces constats et à tant d’autres, la CENI recommande, entre autres, aux cours et tribunaux de « se saisir d’office de toutes les dénonciations pour invalider les fraudeurs connus qui ont été proclamés provisoirement comme élus (…) » et « (…) d’ouvrir des poursuites à l’égard des membres, cadres et agents de la CENI qui ont été complices dans la fraude électorale ». Pour elle, en effet, « il ne serait pas normal que les personnes qui ont hypothéqué l’avenir de toute une Nation se trouvent encore dans la direction de cette haute institution d’appui à la démocratie ».
J. Dibenga Wotsho