On en sait un peu plus sur le curieux refus que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a toujours opposé à chaque demande de transparence du fichier électoral, aussi bien durant sa constitution que quand il s’agit d’un audit sans équivoque. On en sait également plus sur le refus de la CENI d’afficher les listes des électeurs bureau d’enrôlement par bureau d’enrôlement, préférant désigner un préposé chargé de gérer les demandes de vérification des noms.
Dans ce fichier se trouve dissimulé déjà un stock d’électeurs qui n’ont d’existence que virtuelle dans le dessein de bourrer les urnes au moment venu. C’est, en tout cas, les conclusions qu’a tirées Francis Kalombo, cadre et membre de la communication d’Ensemble pour la République, au terme d’une démonstration qu’il a faite ce samedi devant un parterre de journalistes.
Francis Kalombo a, dans sa démarche, interrogé les données de la même CENI sur son site Internet pour arriver à ses conclusions.
A huit jours du lancement de la campagne électorale, Francis Kalombo est donc parvenu à percer au jour, preuves à l’appui, ce plan de tricherie électorale notamment en découvrant l’existence des centres et bureaux de vote fictifs localisés principalement au centre du pays, dans la région couvrant l’espace Kasaï.
Plus concrètement, Francis Kalombo révèle avoir découvert des écoles portant le même nom et ayant le même nombre d’enrôlés, mais situées à des lieux différents, preuve que l’une de ces deux écoles ainsi que ses enrôlés sont fictifs.
Comme ce cas flagrant : « il y a par exemple à Dibaya dans la province du Kasaï-Central, un bureau de vote qui porte le numéro 9021187 à l’ITP Matudi situé au quartier N’sele sur l’avenue Lumumba n°44. Ce bureau de vote compte 1807 enrôlés. Vous retrouvez la même école, l’ITP Matudi, mais situé cette fois-ci sur l’avenue Ntambwe Lumumba au quartier Bena, toujours à Dibaya et vous avez le même nombre d’enrôlés, 1807. Comment 1807 personnes peuvent aller voter à un bureau de vote en une journée, et deux bureaux de vote différents avec le même nom mais des adresses différentes avec le même nombre d’enrôlés ? »
Et Francis Kalombo de noter que « cela saute aux yeux, ils ont des bureaux fantômes qu’ils ont créé avec leurs machines pour qu’au moment de la proclamation, vous allez avoir un bureau qui existe dans la cartographie alors que c’est un bureau fictif. Et c’est comme ça dans beaucoup de provinces ».
Puis ce constat amer : « Le président de la CENI refuse d’afficher les listes parce qu’il y a des fictifs, ils vont attribuer des voix à des personnes qu’eux même connaissent, mais qui sont logés dans des bureaux de vote qui n’existent pas, mais qu’ils ont inventé. Si on aime ce pays, on ne peut pas vivre des élections chaotiques ».
Autre énormité, c’est le cas des centres ayant plusieurs bureaux avec un nombre donné d’enrôlés, alors qu’une autre école (centre) n’ayant qu’un seul bureau compte le même nombre d’enrôlés électeurs. Comment, se demande ce haut cadre katumbiste, un seul bureau (et non un centre) peut-il compter au moins 1.800 électeurs ? Et comment toutes ces personnes pourraient-elles voter dans un seul bureau et en une seule journée ?
Ces questions si graves sont valables, plus graves encore, sur des petites cabanes à laquelle le fichier électoral attribue jusqu’à 16.000 électeurs. Impensable.
Des données que l’on a dissimulés dans un fouilli de chiffres sont le nombre pourrait dissuader quiconque aurait l’intention d’y fourrer le nez, mais qui n’ont pas échappé à la patience et la sagacité de Kalombo qui a ainsi fini par attraper Denis Kadima la main tripatouilleuse dans le fichier électoral. Et ce n’est pas tout.
Sur une observation plus élargie, Kalombo se demande ce qui s’est passé pour que la province du Kasaï Central, qui comptait 1.807.116 électeurs à la clôture de l’enrôlement, compte aujourd’hui 2.171.884 électeurs sur le fichier supposé consolidé. Un bond qui, commente-t-il, dégage un stock de 400.000 électeurs fictifs. Et le Kasaï Central n’est pas le seul vivier de ces fantomatiques électeurs que Francis Kalombo dit avoir observé un peu partout à travers le fichier électoral.
Pour tous ces cas et bien d’autres, dont il a fait la démonstration à partir des données figurant sur le site de la CENI, le porte-parole de Moïse Katumbi se dit convaincu de l’existence d’un plan de bourrage des urnes pour lequel il attend des explications de Denis Kadima. Le contexte actuel n’est donc qu’à la consolidation de la suspicion et de l’hypothèque sur la sincérité de Kadima qui s’est constitué une forteresse à cheval sur le respect du calendrier électoral tout en entretenant une opacité suspecte dans son exécution.
On rappelle, en effet, qu’après avoir refusé l’expertise de l’OIF pour l’audit du fichier électoral sous prétexte de la souveraineté nationale sur des données dites confidentielles (c’est la même OIF qui a audité les fichiers des trois précédents cycles électoraux), la CENI avait confié ce travail à une équipe d’experts recrutés par ses propres soins dans l’opacité. Depuis lors, elle s’oppose à toute demande d’un contre audit sous prétexte de respect du calendrier électoral.
De même, la CENI a décidé de ne pas afficher la liste des électeurs dans différents centres où ils étaient enrôlés sous prétexte d’éviter leur destruction par les intempéries ou les actes de vandalisme. Ces listes ont toujours été affichées lors des précédents cycles électoraux.