Démocratie en péril : En RDC, l’État est dressé pour traquer un candidat à la présidentielle, Moïse Katumbi

Autant schématiser tout de suite les choses pour en simplifier la compréhension pendant que les faits ont encore le mérite de la fraîcheur et de leur clarté. En République démocratique du Congo, l’État, par ses structures et organes spécialisés, semble avoir été levée pour porter le combat d’une faction politique (au pouvoir) contre une autre (l’opposition) dans la bataille électorale qui se met en place.

Aussi bien les services de renseignement (civils et militaires) que les services dits d’ordre public (la Police Nationale) et la justice sont mis en branle pour la besogne dans un schéma où, contrairement au passé, on voit la faction au pouvoir plus portée à l’offensive contre l’opposition dans une démarche de répression sans quartier ni concession, et apparemment sans limite. Depuis le 20 dernier, et un peu plus tôt, en effet, les premières véritables escarmouches entre ce pouvoir, par la puissance publique mobilisée, et l’opposition ont révélé une violence dont le degré immédiatement extrême n’a pas laissé les partenaires extérieurs indifférents. Pour preuve, hier vendredi, quinze ambassadeurs accrédités en RDC ont cosigné leur effarouchement dans une déclaration conjointe.

Et l’on sait que depuis maintenant trois décennies, la qualité de la démocratie sur cette rive du fleuve Congo s’évalue à l’aune de ce genre de déclarations.

Tirs cadrés sur Moïse Katumbi : Patrick Muyaya feat Lambert Mende

Après un ciblage groupé de l’opposition dans son ensemble, à travers la marche réprimée du 20 mai puis le sit-in interdit sur le boulevard du 30 juin, on assiste à une précision de tir qui réduit l’angle sur une cible individuelle : Moïse Katumbi Chapwe. Le chairman d’Ensemble pour la République se révèle, au fil de la répression, comme la cible centrale dont les derniers assauts ont fini de lever toute équivoque.

Le passage du porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, sur les plateaux des télévisions françaises résonne, presque sans équivoque non plus, comme une signature, sinon une revendication de toutes ces opérations de musèlement contre une concurrence qui fait peur. Ceux qui lisent objectivement l’histoire politique de la RDC ces quelque six dernières années ne peuvent, en effet, pas se tromper de compréhension sur les faits qui parlent d’eux-mêmes par une répétition troublante et sans précédent.

Ce passage sur France 24 est symptomatique de cette répétition de l’histoire avec ses pieds-de-nez qui, aujourd’hui, rendent l’ensemble du tableau plutôt cocasse que dramatique. Hier sur le même plateau, Lambert Mende, dans le même rôle de narrateur du gouvernement, accusait la même opposition de ne pas vouloir des élections et de chercher un glissement.

C’était face aux mêmes revendications de l’opposition qui est aujourd’hui au pouvoir, la machine à voter en moins : bureau de la CENI acquis au pouvoir, fichier électoral corrompu, enrôlement des électeurs dans des maisons privées, centres d’enrôlement et de vote fantômes, etc.

Et cette opposition là, aujourd’hui au pouvoir, menait la revendication avec les mêmes moyens universels qu’offre la démocratie : marches, meetings, sit-in, etc.

Ce n’est pas tout. Hier, Lambert Mende arrosait les crachoirs des télévisions occidentales des accusations spécifiques contre Moïse Katumbi, cette fois-là sur des allégations d’usurpation de nationalité (même s’il n’avait pas une loi Tshiani comme aujourd’hui) et des démêlés judiciaires sur une ténébreuse affaire, pourtant privée, d’acquisitions immobilières. Bref, des pressions qui contraignirent Katumbi à l’exil, consacrant ainsi son élimination de la course à la présidentielle.

Aujourd’hui , c’est un autre Mende, dans le même rôle officiel de narrateur du gouvernement, qui porte la même offensive communicationelle contre le même Moïse Katumbi qui, cette fois-ci, est ouvertement accusé de collusion avec l’ennemi qu’est le Rwanda. Patrick Muyaya, qui ne fait pas de quartier à Katumbi et ne fait pas dans la dentelle non plus, lui reproche de n’avoir jamais condamné le Rwanda comme agresseur.

Mais tout de suite, des internautes lui rappellent une vidéo de Moïse Katumbi, quelques semaines seulement plus tôt, sur le même plateau de France 24, en train de condamner l’agression dont la RDC est victime, citant nommément le Rwanda comme agresseur et soutien du M23. Sur ce coup au moins, Lambert Mende avait eu plus de bol.

Bref, dans cette opération de diabolisation d’État, la différence qui subsiste encore entre les deux narrateurs est que Mende conserve « encore » son sobriquet de « Tshaku national »…

En attendant, la machine d’anéantissement poursuit sa besogne inexorable. En effet, se montrant manifestement sans limite, la puissance publique, ou plutôt la « main noire » qui l’instrumentalise, frappe Moïse Katumbi dans son pré carré le plus intime. Son « spécial », Salomon SK Della, est saisi par les renseignements militaires dans une opération voulue spectaculaire certainement pour marquer le mental du chairman. Kalonda est ensuite soumis à un interrogatoire dans les locaux des renseignements militaires en l’absence de ses avocats qui ont été préalablement éconduits, en violation des dispositions de la constitution (articles 18 et 19).

Une horde de « wewas » pour tenir en respect Moïse Moni Della, SK Della feat Mwangachuchu

Sur un autre tableau, pendant que son frère aîné, Moïse Moni Della, est tenu en respect à sa résidence par une meute de « wewas » qui lui reprochent sa protestation contre le traitement réservé à Salomon SK Della et dont il rend responsable le régime en place, le développement de la rumeur, du moins à ce stade, annonce une dimension plus dramatique de l’affaire. On parle, sans plus de précision jusque là, de preuves dites accablantes de collusion avec l’ennemi dont des communications avec le M23, de nationalité étrangère, des caches d’armes, une multiplicité de passeports, etc., comme dans l’affaire Mwangachuchu contre le ministère public.

Dossier à suivre

JEK

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