Retour sur le conflit de Yumbi que rejoint celui de Kwamouth (document)

Revenu d’une tournée dans l’ex-Bandundu, Le Cardinal Fridolin Ambongo dit avoir décelé dans la crise sécuritaire de Kwamouth et environs les réminiscences d’un autre conflit – celui de Yumbi, toujours dans la province de Maï-Ndombe – dont les conséquences étaient, comme le présent, dû à sa mauvaise identification et sa mauvaise gestion par l’Etat. Craignant une déflagration plus grave du conflit présenté comme une rivalité intercommunautaire entre Teke et Yaka, l’Archevèque métropolitain de Kinshasa a, au cours d’une conférence de presse vendredi, parlé d’un réel conflit entre le pouvoir traditionnel et l’État moderne, exactement comme à Yumbi.

Congo Guardian propose, ci-dessous, les conclusions du rapport de Human Rights Watch sur le conflit Tende-Nunu de Yumbi qui avait fait au moins 500 morts et dont les caractéristiques sont d’une ressemblance troublante avec la crise sécuritaire de Kwamouth et environs.

Lire sur le même sujet notre précédent article à ce lien : https://congoguardian.com/2022/10/22/tueries-au-bandundu-le-cardinal-ambongo-rapproche-kwamouth-de-yumbi-et-craint-le-pire/

Les 16 et 17 décembre 2018, des centaines d’assaillants de l’ethnie batende ont tué au moins 535 personnes et en ont blessé 111 autres, même si le bilan réel est très probablement bien plus élevé. Les assaillants ont aussi endommagé, détruit et pillé plus de 1.500 maisons ainsi que des centres de santé, des écoles et des lieux de vote, d’après des témoins, les Nations Unies et le gouvernement congolais.

« Le gouvernement congolais doit prendre davantage de mesures pour traduire en justice les responsables des massacres de Yumbi commis l’an dernier », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Poursuivre en justice les personnes qui ont planifié ces attaques rendra justice aux victimes et à leurs familles et contribuera à éviter de nouvelles atrocités dans cette région instable. » Les autorités judiciaires militaires congolaises ont ouvert des procédures préliminaires, mais celles-ci ne sont pas accessibles au public et le statut des enquêtes est inconnu.

Human Rights Watch a enquêté sur les massacres dans le territoire de Yumbi dans le nord-ouest du pays et dans la sous-préfecture de Makotimpoko, au Congo-Brazzaville, en février (Ndlr : 2019) et a interrogé plus de 100 personnes, y compris des survivants, des témoins, des policiers, du personnel militaire et des représentants du gouvernement. Le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme en RD Congo a aussi documenté les attaques en mars, la Commission nationale des droits de l’homme de la RD Congo et la commission du ministère des Droits humains en mai et le Groupe d’experts sur la RD Congo nommé par le secrétaire général de l’ONU en juin.

Au commencement était l’enterrement d’un chef coutumier

La cause apparente des violences était l’enterrement secret d’un chef coutumier banunu sur des terres privées revendiquées par les Batende la nuit du 14 au 15 décembre 2018, selon les indications des leaders batende et d’un rapport de l’ONU. La région a longtemps été le théâtre de rivalités entre les deux groupes concernant les droits fonciers coutumiers.

Des centaines de villageois batende, y compris des soldats démobilisés et à la retraite, ont attaqué la ville de Yumbi le 16 décembre et les villages de Nkolo II et Bongende, plus au sud, le 17 décembre. De nombreux attaquants étaient torse nu, portaient des feuilles de bananiers autour de la taille, avaient le visage noirci de cendres et portaient d’autres accessoires vestimentaires considérés comme ayant des propriétés magiques. Certains étaient armés de fusils de chasse ou d’armes automatiques, alors que d’autres portaient des machettes, des couteaux, des lances de pêche, des haches, des arcs avec des flèches et des bâtons.

Le Groupe d’experts de l’ONU a rapporté que les assaillants ont ciblé leurs victimes sur la base de leur origine ethnique ou de leurs liens perçus avec les Banunu, tout en épargnant les autres. Les assaillants ont parfois mutilé et défiguré leurs victimes, y compris des femmes et des enfants, et ont emporté des parties de corps avec eux. Les assaillants ont utilisé de l’essence pour incendier les maisons et d’autres structures, et ont pillé et transporté les biens des victimes.

Un enseignant de 40 ans qui a perdu 22 membres de sa famille étendue a raconté à Human Rights Watch que de nombreuses personnes « ont fui vers le fleuve… Beaucoup étaient blessées par des coups de machette. D’autres étaient déjà mortes, leurs bras coupés. Des femmes enceintes avaient le ventre ouvert et les parties génitales découpées. C’était terrible. Beaucoup de jeunes enfants ont été blessés et tués à la machette. »

Environ 16.000 personnes de la zone de Yumbi ont fui vers la République du Congo (Congo-Brazzaville), à environ quinze kilomètres de l’autre côté du fleuve Congo. Un an plus tard, près de la moitié sont rentrées en RD Congo. Près de 20.000 autres ont été déplacées à l’intérieur du pays.

Des leaders locaux impliqués dans les massacres

Fosse commune à Yumbi où furent enterrées plus de 100 personnes (Photo AFP)

Le Groupe d’experts de l’ONU, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme ainsi que le gouvernement dans deux rapports ont conclu que les leaders batende locaux ont planifié et organisé les attaques. De plus, deux rapports confidentiels que Human Rights Watch a consultés, l’un du gouvernement et l’autre de l’armée, ont également indiqué que des leaders locaux ont aidé à la planification et à l’exécution des attaques. Un chef batende local a été arrêté plus tard. D’autres preuves de la planification incluaient des barrières le long de la route principale de Yumbi que les assaillants avaient dressé au moins cinq jours avant les attaques pour empêcher les personnes et les marchandises d’entrer dans les quartiers banunu.

Les autorités judiciaires militaires de RD Congo ont commencé à enquêter sur les meurtres de Yumbi peu après les massacres et ont arrêté des dizaines d’assaillants suspectés au cours des mois qui ont suivi. Les principaux suspects ont été transférés à Kinshasa, la capitale de la RD Congo. Environ 50 assaillants présumés sont toujours en détention provisoire, mais aucun procès n’a eu lieu. « C’est une énorme déception », a confié un habitant banunu de Bongende qui a perdu 30 membres de sa famille. « Un an après ces massacres, nous n’avons encore vu aucun procès et bon nombre de nos assaillants circulent librement dans le territoire de Yumbi. »

Les autorités judiciaires devraient conduire leurs enquêtes de manière transparente, impartiale et rapide, et le procureur militaire devrait rendre public son rapport préliminaire, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement devrait demander un soutien technique, y compris une assistance médico-légale, aux experts mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour appuyer de telles enquêtes. Le procureur militaire devrait transférer les cas appropriés aux tribunaux civils en accord avec le Comité des droits de l’homme de l’ONU, l’organe d’experts indépendants qui surveille la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a indiqué que les civils devaient être jugés par des tribunaux militaires uniquement dans des circonstances exceptionnelles et uniquement dans des conditions qui garantissent véritablement une procédure régulière.

Après les attaques, les Casques bleus de l’ONU ont maintenu une petite présence dans le territoire, mais se sont retirés en mars. Le gouvernement congolais devrait renforcer la présence militaire à Yumbi avec une police correctement formée pour mettre en place une stratégie à long terme visant à renforcer la sécurité dans la zone. Le gouvernement avec l’aide internationale devrait fournir les soins de santé et l’aide psychosociale nécessaires aux survivants. Il devrait reconstruire des écoles et des centres de santé et demander une aide étrangère auprès d’organismes humanitaires pour rebâtir et réparer les maisons, dans le but de faciliter le retour sûr et volontaire des personnes déplacées.

« Un an après, les familles de plus de 500 victimes attendent désespérément que justice soit rendue », a conclu Lewis Mudge. « Le gouvernement devrait respecter ses obligations envers les morts et les blessés ainsi que leurs familles et devrait lancer des enquêtes et des poursuites à l’encontre de ceux qui ont planifié et mené les massacres de Yumbi. »

Controverse autour du lieu d’enterrement du chef banunu

Yumbi est l’un des huit territoires de la province de Mai-Ndombe dans l’ouest de la RD Congo. La communauté ethnique batende représente la majorité des habitants de 33 des 38 villes et villages de Yumbi, essentiellement situés à l’intérieur des terres, où leurs moyens de subsistance dépendent largement de l’agriculture vivrière. L’ethnie banunu vit essentiellement le long du fleuve Congo et se livre principalement à la pêche. Les Banunu constituent l’ethnie majoritaire de la capitale territoriale de Yumbi, située le long du fleuve, ainsi que des villages de Nkolo II et Bongende voisins.

La tombe des chefs traditionnels Banunu à Yumbi, en République démocratique du Congo, le 16 février 2019.Click to expand Image

Alors que la province de Mai-Ndombe était largement en paix au cours des dernières décennies, des revendications de longue date entre Batende et Banunu concernant le changement des démarcations administratives et de la direction coutumière et politique ont parfois suscité de violents affrontements. Les tensions dans le territoire de Yumbi découlent en partie d’une décision de 1943 de l’administration coloniale belge qui a donné aux Banunu une partie des terres auparavant contrôlées par les chefs coutumiers Batende. Le conflit foncier est souvent un problème majeur lors des élections dans les zones rurales et les électeurs votent largement pour les membres de leur propre groupe ethnique qui, pensent-ils, protégeront leurs intérêts et leur accès aux terres.

Dans la région de Yumbi, les élections ont créé des situations explosives alimentant les violences. Des affrontements ont éclaté pendant les élections de 2006 et de 2011.

Plusieurs Banunu ont déclaré à Human Rights Watch que les tensions entre les deux communautés avaient augmenté à l’approche des élections prévues pour le 30 décembre 2018. Le 2 décembre, le chef de la communauté banunu de Yumbi, Fedor Mantoma, est décédé à Kinshasa. Une controverse a éclaté entre les membres des communautés banunu et batende concernant le lieu d’enterrement de Fedor Mantoma : les Banunu affirmaient qu’il devrait être enterré sur une propriété privée en ville – sur un terrain que certains Batende revendiquaient comme leur terre – alors que les Batende insistaient pour qu’il soit enterré dans le cimetière de la ville. Cela semble avoir exacerbé les tensions, d’après les Nations Unies, la Commission nationale des droits de l’homme et les leaders de la société civile à Yumbi. Certains Batende ont menacé de mener des attaques si l’enterrement avait lieu sur le terrain privé.

Les leaders banunu dans la ville de Yumbi et à Bongende ont appelé la population, y compris les Batende, à respecter les rituels alors qu’ils pleuraient la mort de leur chef. Fedor Mantoma a été secrètement enterré sur un terrain familial dans la ville de Yumbi pendant la nuit du 14 au 15 décembre 2018. Des hommes politiques batende à Kinshasa ont expliqué à Human Rights Watch que l’enterrement a été l’élément déclencheur incitant les Batende locaux à lancer des attaques meurtrières contre les Banunu le lendemain.

Attaques dans le territoire de Yumbi, 16 et 17 décembre

Les assaillants batende ont attaqué Yumbi et les villages de Bongende et Nkolo II les 16 et 17 décembre. Le pire bilan de meurtres et de destructions a eu lieu à Bongende. Certains Banunu ont essayé de défendre leurs villages, mais aucun n’était préparé ou équipé pour repousser des centaines d’assaillants munis d’armes à feu et d’armes rudimentaires. Le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme a rapporté que les attaquants ont tué au moins 528 personnes pendant les trois attaques et 7 autres personnes pendant une attaque dans un camp de travailleurs d’une compagnie forestière appelé Camp Nbanzi. Deux membres de la marine à Nkolo II et un autre à Bongende ont aussi été tués.

Le bilan réel est très probablement bien plus élevé, étant donné que certaines personnes ont été brûlées intégralement dans leurs maisons et d’autres ont été jetées dans le fleuve Congo ou se sont noyées alors qu’elles tentaient de s’enfuir. Après les massacres, les assaillants et les habitants des villages voisins ont pillé les maisons des Banunu.

Ville de Yumbi

Vers 14 heures, le 16 décembre, plusieurs centaines de villageois batende, dont des garçons âgés de 16 et 17 ans, avec des soldats démobilisés et des déserteurs de l’armée, ont attaqué Yumbi avec des fusils d’assaut Kalachnikov, des fusils de chasse, des couteaux et des machettes. Ils sont entrés dans la ville, dont les habitants sont majoritairement banunu, depuis le sud, ont tué et blessé des Banunu et quelques membres d’autres groupes ethniques, puis ont pillé et incendié leurs maisons. Au moins 170 personnes, essentiellement banunu, ont été tuées en une à deux heures, selon le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme. Deux responsables de la sécurité congolais ont expliqué à Human Rights Watch que les forces de sécurité locales à Yumbi – quelques dizaines de policiers principalement non armés et plusieurs marins – étaient largement en sous-nombre.

Un habitant de Yumbi a indiqué qu’il a trouvé quatre membres de sa famille morts dans leur maison dans le quartier de Bolu : « Je marchais dans Yumbi quand j’ai appris que les Batende avaient attaqué la ville. J’ai décidé de rentrer chez moi pour protéger les membres de ma famille. Quand je suis entré dans la maison où ils avaient tous trouvé refuge, il était déjà trop tard. J’ai trouvé mon père déjà mort. Sa tête avait été fendue ; c’était horrible à voir. Ma belle-mère morte était à côté de lui, ainsi que ma femme et mon fils de 5 ans, tous morts. Ils étaient entaillés et frappés à la tête. J’ai aussi trouvé ma sœur aînée avec un bras cassé et d’autres encore vivants. Je les ai conduits à l’hôpital, où ils ont été soignés ».

Le lendemain, le 17 décembre, certains Banunu se sont vengés sur des Batende, brûlant des dizaines de leurs maisons ainsi que le bureau de la commission électorale. Les assaillants banunu ont aussi tué l’administrateur territorial, Paul Nsami, de l’ethnie Baboma. Certains Banunu avaient suspecté Paul Nsami d’avoir facilité les meurtres en incitant la population à rester à la maison avant que les attaques ne commencent.

Nkolo II

La nuit du 16 décembre et tôt le matin du 17 décembre, des assaillants batende ont attaqué Nkolo II, un village de 8.000 personnes à environ 15 kilomètres au sud de Yumbi. Comme Yumbi, Nkolo II a une majorité d’habitants banunu, avec une minorité de Batende. La plupart de la population avait fui avant l’attaque, notamment après que le chef coutumier banunu a exhorté les habitants à évacuer le village le 16 décembre. Les assaillants ont tué 10 personnes, dont 5 étaient âgées et incapables de fuir, ainsi que deux marins, d’après un témoin et les rapports. La commission du ministère des Droits humains a rapporté que les assaillants ont aussi brûlé au moins 235 maisons. Quatre écoles, un centre de santé et six églises ont été endommagés ou détruits, d’après le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme.

Bongende

Le village de Bongende, avec une population d’environ 2.500 habitants, est situé à 27 kilomètres au sud de Yumbi. Des assaillants venant des villages batende voisins ont attaqué la ville le 17 décembre et ont tué au moins 348 personnes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, et ont blessé de nombreuses autres, selon le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme. Un marin a aussi été tué. Le gouvernement congolais a enregistré 805 maisons détruites.

Les attaquants se composaient essentiellement de trois groupes. Un groupe incluait des hommes ayant apparemment une formation militaire – des survivants les ont identifiés comme des soldats démobilisés ou déserteurs – dont certains portaient des vêtements de camouflage et avaient des armes de type militaire. Un deuxième groupe se composait de villageois batende, parmi lesquels beaucoup portaient des feuilles de bananiers et avaient le visage couvert de cendres ; ils étaient munis de machettes et de couteaux, et ont utilisé de l’essence pour brûler les maisons. Un troisième groupe est arrivé après les meurtres et a pillé les maisons. Les assaillants parlaient kitende, la langue des Batende, ou lingala, la langue nationale parlée dans cette région.

Certains assaillants ont attaqué Bongende depuis le fleuve sur des bateaux en bois, alors que d’autres ont encerclé le village dans une tentative manifeste de bloquer toute issue pour s’échapper et de tuer le plus de personnes possible. Beaucoup de personnes ont été tuées dans leurs maisons après que les assaillants ont mis le feu aux bâtiments avec de l’essence et ont parfois enfermé les habitants à l’intérieur.

Une mère de deux enfants, âgée de 31 ans et enceinte de sept mois à l’époque a raconté : « Vers 7 ou 8 heures du matin, quand je suis allée au marché, j’ai entendu un échange de tirs. On m’a dit : « Les Batende nous attaquent ! » Ensuite, je les ai vus de mes propres yeux. Ils avaient des feuilles de bananiers autour de la taille, des bandeaux rouges sur la tête et des marques noires sur le visage ».

Beaucoup de personnes ne pouvaient pas fuir en bateau parce que les assaillants avaient détaché leurs amarres la nuit précédente. Les bateaux qui restaient étaient pleins d’eau à cause des fortes pluies cette nuit-là, ce qui a compliqué une fuite rapide. Une mère de trois enfants, âgée de 27 ans, qui a fui sur une petite île a expliqué : « Beaucoup de personnes nageaient. Tout le fleuve était plein de personnes. Les assaillants frappaient les gens en masse près du fleuve. Des parents ont perdu leurs enfants. »

Les assaillants ont pillé Bongende après l’attaque. « Les Batende sont venus à pied, à vélo et à moto », a raconté un survivant mununu se cachant à Bongende. « Ils ont appelé d’autres personnes pour venir voler et voir comment ils détruisaient Bongende. Ils ont volé des toitures, des vêtements, des fauteuils, des bagages, des radios, des motos et des vélos. »

Près de 2.100 personnes, d’après les estimations, ont fui Bongende et ont rejoint le Congo-Brazzaville voisin de l’autre côté du fleuve Congo, la plupart se réfugiant à Makotimpoko.

Bongende reste largement détruit et désolé, avec un petit détachement de forces de sécurité congolaises.

Rôle des leaders et chefs batende

L’échelle et la vitesse des attaques contre les communautés banunu reposaient sur la participation organisée de centaines d’assaillants. Cela a nécessité l’implication active de leaders batende, y compris de chefs locaux. La ministre des Droits humains de l’époque, Marie-Ange Mushobekwa, a expliqué à Human Rights Watch en avril que « les chefs coutumiers ont joué un très grand rôle [dans les attaques] ».

La commission du ministère des Droits humains a signalé avoir reçu des informations de plusieurs sources qui ont corroboré l’implication de chefs coutumiers ainsi que de représentants du gouvernement qui ont personnellement pris part à la planification et l’organisation des attaques.

Le Groupe d’experts de l’ONU a conclu, en se basant sur cinq sources, que des leaders batende ont organisé des réunions dans plusieurs villages batende pour planifier les attaques contre les Banunu. Des témoins ont raconté au Groupe d’experts de l’ONU et à Human Rights Watch que Malala Ngobila de Yumbi et un directeur d’école primaire, connu sous le nom de « Yashin », étaient les principaux soutiens des attaques. Un rapport préliminaire du gouvernement a déclaré que Malala Ngobila « a ameuté toute la population [batende] pour la guerre contre [les Banunu] (il est passé de village en village pour des cérémonies mystico-magiques [afin de préparer les attaques]). »

Une note d’information interne de l’armée congolaise du 26 décembre a désigné Malala Ngobila comme l’un des « commanditaires » des massacres. Trois survivants banunu ont identifié Yashin parmi les attaquants à Bongende. Un témoin a aussi identifié un chef local, Djokaris Ngwe Molutu, de Mansele, à 30 kilomètres de Yumbi, comme ayant participé à l’attaque de Bongende.

Des centaines d’hommes batende ont été mobilisés à Mansele pour attaquer le village de Bongende le 17 décembre, à seulement sept kilomètres de distance. Un leader de communauté banunu a fourni à Human Rights Watch une liste de 43 Batende de Mansele que les survivants banunu ont reconnus parmi les attaquants. Parmi les plus éminents figurait Djokaris Ngwe Molutu, le chef de Mansele, et un enseignant de Mansele nommé Mbaka Kora. Les deux hommes ont été identifiés par 10 survivants banunu de Bongende avec qui Human Rights Watch s’est entretenu.

Un colonel de l’armée a expliqué à Human Rights Watch que Djokaris Ngwe Molutu était le « commandant [de l’attaque] contre Bongende ». Le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme a reçu des informations indiquant que des réunions préparatoires s’étaient tenues à Mansele le 15 décembre.

Les autorités ont arrêté Jean-Paul Leka Mbaka, le chef de secteur de Mongama, situé à 40 kilomètres de Yumbi, après les massacres. Un haut fonctionnaire judiciaire a déclaré que Jean-Paul Leka Mbaka avait été détenu parce qu’il avait « parlé aux chefs batende locaux qui ont mobilisé les jeunes Batende pour l’attaque. Il y avait des réunions dans son village [Mongama]. Tous les jeunes se sont réunis à Mongama pour aller attaquer [la ville de] Yumbi et d’autres villages. » Il est détenu dans la prison de Ndolo à Kinshasa.

Human Rights Watch n’a pas été en mesure de rencontrer les trois leaders – Malala Ngobila, Djokaris Ngwe Molutu et Yashin – qui se cachaient des autorités. Un avocat représentant Jean-Paul Leka Mbaka et d’autres Batende à Ndolo a expliqué à Human Rights Watch que la plupart de ses clients arrêtés avaient été accusés à tort.

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