Crise du carburant : Ngobila introuvable, les Kinois abandonnés à leur drame

Cinq jours viennent de s’écouler depuis que Kinshasa vit une disette du carburant. Des nuits aux stations-service, surenchère des « khadafi », flambée du coût du transport, longues marches à pied, retard des élèves à l’école, etc. ; tel a été le lot des kinois qui, au finish, auront été abandonnés à leur propre drame. Aucune intervention des officiels pour endiguer cette anthropophagie des temps moderne. Et de tous, c’est le premier des Kinois, Gentiny Ngobila, qui aura le plus brillé par son absence partout et dans toutes les langues.

Lundi 5 septembre, c’est la rentrée scolaire à travers toute la République. A Kinshasa, cette première journée se caractérise toujours par quelques difficultés de transport et une poussée d’embouteillages. Normal, les enfants viennent disputer le transport à leurs parents.

Dans un enfer spontané

Mais ce 5 septembre de l’année 2022 voit les kinois se réveiller dans une ambiance bien particulière. Les routes sont atrophiées par des bouchons et des embouteillages monstres. Aux arrêts, les passagers, les yeux hagards, attendent d’hypothétiques moyens de transport. De transport, il s’en trouve, mais à prix d’or.

Le coût des courses ont doublé au moins alors que personne ne s’y attendait pour au moins de munir d’un peu plus d’argent. Face à la situation, les kinois, élèves comme parents, se jettent sur les trottoirs en logues colonnes humaines, chacun se rendant, qui à l’école, qui à son lieu de quête de la pitance du jour.

Le spectacle va s’installer à travers la ville pour le reste de la journée. Ce sont des kinois fatigués qui vont rejoindre leurs logis, certains à des heures avancées pour avoir eu la témérité d’attendre un hypothétique moyen de transport.

C’est au matin du mardi 6 septembre que l’on comprend que la situation est due à une pénurie de carburant alors que la veille, on pensait au chantage habituel des pétroliers chaque fois qu’ils veulent augmenter le prix du carburant. En fin de matinée, en effet, le cabinet du Ministre des hydrocarbures se fend d’un communiqué laconique annonçant une réduction drastique du stock d’essence et de jet. Une situation qui a conduit à la décision de contingenter la vente du carburant à la pompe pour gérer la période de soudure.

Le prochain navire d’essence est annoncé péremptoirement autour du 14 septembre, mais personne, chez Didier Budimbu, ne dit quand ce précieux liquide sera disponible à la pompe. En attendant, la situation va aller s’empirant.

Malgré ces explications, en effet, les stations-service sont plus que jamais prises d’assaut. Un spectacle d’émeutes s’y vit entre vendeurs à la sauvette (khadafi), motards et automobilistes autour des pompistes qui trouvent ici une aubaine pour se remplir les poches.

Une ristourne est vite mise en place entre ces pompistes et ces khadafi qui sont les plus servis moyennant des pourboires. Résultat : le litre de carburant au parallèle va se vendre jusqu’à 8.000 Fc, tandis que les courses, surtout à moto, vont grimper jusqu’à plus de 5.000 Fc, soit dix fois le coût habituel.

Ngobila absent partout et dans toutes les langues

Pendant tout ce temps, les officiels ne pipent mot. Gentiny Ngobila, Gouverneur de la ville de Kinshasa est introuvable, autant que son adjoint, Gérard Mulumba, qui a même suspendu la traque des épaves et des constructions sur les emprises publiques. Aucun bourgmestre pour organiser la gestion de cette véritable crise, alors que la police nationale est introuvable, même sur les routes où elle est plus que débordée. On n’en dit pas mieux du ministère de l’Economie qui se trouve bien dans son élément, mais brille par sa quasi inexistence depuis la déchéance de son titulaire.

Bref, les kinois sont livrés à eux-mêmes face à ce qui n’est pas moins une anthropophagie des temps modernes. Comme des loups, certains compatriotes cassent le sucre sur le dos des autres « sans plaignant ». Les pompistes se font de l’argent en organisant un désordre dans la vente du carburant ; les khadaffi font plus que la surenchère et les transporteurs, friands de ce genre de situations, sont aux anges. Bref, loin de constituer une corvée, les nuits que tout ce monde passe aux stations-service n’auront pas été vaines.

Didier Budimbu toujours laconique et sans conviction

C’est au soir du mercredi 7 septembre, quand la situation a dépassé toute limite, que Didier Budimbu va s’escrimer dans les médias pour rappeler, sans convaincre, ce qu’un communiqué de son cabinet avait déjà dit la veille. S’il répète qu’il y a réduction de stock, il garantit qu’il n’y aura pas rupture, mais il ne dit pas quand la situation reviendra à la normale. Surtout que parallèlement, les importateurs du carburant préviennent qu’un réajustement des prix à la pompe est devenu incontournable aujourd’hui : les coûts à l’international ont pris de l’ascenseur et le Gouvernement, qui subventionne une partie du prix à la pompe, leur doit une ardoise de pas moins de Usd 400 millions.

Ce vendredi, la semaine touche à sa fin et Gentiny Ngobila n’aura pointé aucun bout de sa présence nulle part dans la ville. Autant que tous les autres services étatiques dont quelques responsables auront tourné et tournoyé dans les salons capitonnés de la ville pendant que les Kinois continuent de broyer du noir, livrés seuls à leur drame.

Jonas Eugène Kota

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