Alors que les négociations de paix de Doha entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23 peinent à franchir un cap décisif, le diplomate suédois Johan Borgstam, envoyé spécial de l’Union européenne pour la paix dans les Grands Lacs, a appelé mercredi à un geste fort sur le terrain : la réouverture de l’aéroport de Goma, fermé depuis plusieurs mois.
« C’est d’une importance extrême que l’aéroport de Goma soit réouvert, même à petite échelle », a-t-il déclaré lors d’un point de presse à Kinshasa. Pour lui, un tel geste enverrait “un signal fort” aux habitants de l’Est de la RDC “meurtris par des années de guerre et de déplacements”.
Un signal concret pour les populations
L’envoyé spécial de l’Union européenne pour la paix dans les Grands Lacs estime que quelques vols humanitaires suffiraient déjà à retisser le lien entre les discours diplomatiques et la réalité quotidienne des Congolais de l’Est. « Cela permettrait de montrer qu’il se passe réellement quelque chose, que la communauté internationale et le gouvernement congolais ne se contentent pas de parler de paix depuis les capitales », a-t-il expliqué.
Selon Borgstam, cette réouverture serait aussi un symbole de “reconnexion” : celle d’une région longtemps coupée du reste du pays et dont les populations, confrontées à l’insécurité et à l’isolement, ont besoin de signes tangibles d’apaisement.
Doha, un processus fragile mais encore vivant
L’appel de Johan Borgstam intervient dans un contexte diplomatique marqué par des avancées lentes dans le processus de paix de Doha. Depuis le début de l’année, le Qatar accueille les pourparlers entre le gouvernement de la RDC et le mouvement rebelle M23, sous la médiation conjointe de l’émirat et de Washington.
En juillet dernier, les deux parties ont signé une “Déclaration de principes”, première étape vers un cessez-le-feu durable et le retour des déplacés. Un projet d’accord final a ensuite été soumis en août, sans qu’il ne soit encore formellement entériné.
Selon des sources diplomatiques, les discussions devraient aboutir à un accord pour ce 6 novembre, mais il persiste encore des divergences sur le désengagement militaire du M23 et la présence des troupes rwandaises dans le Nord-Kivu.
Le rôle attendu de l’Union africaine
Interrogé sur la discrétion de l’Union africaine dans ce dossier, Borgstam a tenu à rappeler l’importance de la médiation africaine : « Il ne faut pas sous-estimer le rôle de la médiation régionale. Quelle que soit l’issue du processus de Doha ou de celui de Washington, la sous-région restera au cœur de la mise en œuvre des accords », a-t-il affirmé, appelant l’Union européenne à “soutenir sans réserve les efforts africains”.
Goma, plus qu’un aéroport
Pour nombre d’observateurs, la réouverture de l’aéroport de Goma dépasse la simple dimension logistique. Elle symbolise la reprise du contrôle de l’État, le retour de l’aide humanitaire et la relance d’une économie locale asphyxiée.
En ce sens, elle constituerait l’un des premiers gestes visibles de la mise en œuvre des engagements de Doha — un pont entre la diplomatie et la vie quotidienne des habitants.
Sur le terrain, cependant, la situation reste tendue. Les combats sporadiques autour de Sake et Rutshuru entretiennent la méfiance, et les populations déplacées attendent toujours un retour sécurisé. Dans ce contexte, l’initiative suggérée par Borgstam apparaît comme une manière de “faire atterrir” la paix.
“Un avion qui se pose à Goma, c’est un signal plus fort que mille communiqués”, résume un diplomate africain impliqué dans le processus. La question de la réouverture de l’aéroport de Goma s’impose donc comme un test grandeur nature : celui de la volonté réelle des acteurs à traduire les promesses en actes concrets, et à redonner souffle à une région qui, depuis trop longtemps, attend de pouvoir respirer à nouveau.
Albert Osako

