Agression de la RDC par le Rwanda : Kinshasa fait face à l’hypocrisie internationale

Tribune de NICO MINGA

(économiste et géostratège)

Depuis plus de deux décennies, l’Est de la République Démocratique du Congo est le théâtre d’une tragédie humanitaire qui se déroule sous les yeux d’une communauté internationale complaisante. Les exactions du groupe terroriste M23, soutenu par le Rwanda, se multiplient, causant des dizaines de millions de morts et des millions de déplacés. Pourtant, le silence des grandes puissances, des institutions internationales et des médias occidentaux est assourdissant. Pourquoi ce mutisme ? Jusqu’à quand la RDC devra-t-elle subir seule cette guerre d’agression ?

Les crimes commis en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu sont bien documentés : exécutions sommaires, massacres de civils, violences sexuelles utilisées comme arme de guerre, déplacements forcés de populations. Les Nations Unies elles-mêmes ont, à plusieurs reprises, confirmé l’implication du Rwanda dans ces atrocités, notamment à travers les rapports du Groupe d’Experts sur la RDC.

Malgré cela, aucune sanction majeure n’a été prise contre Kigali, qui continue de bénéficier d’un soutien financier et diplomatique de plusieurs puissances occidentales. Ce deux poids, deux mesures est d’autant plus flagrant lorsqu’on le compare à d’autres crises internationales.

Alors que l’Ukraine reçoit un soutien militaire et économique massif face à l’agression russe, la RDC, elle, est abandonnée à son sort. Le même Occident qui prône les droits de l’homme et la souveraineté des États ferme les yeux sur l’invasion déguisée que subit le Congo.

Refus d’imposer des sanctions

Cette indifférence n’est pas sans rappeler une autre injustice de l’histoire récente : l’apartheid en Afrique du Sud. Pendant des décennies, la même communauté internationale a détourné le regard face aux crimes de l’ancien régime ségrégationniste sud-africain. Ces grandes puissances occidentales, sous prétexte de préserver leurs intérêts économiques et stratégiques, avaient refusé d’imposer des sanctions, laissant un système de discrimination raciale brutal prospérer. Ce n’est qu’après des années de lutte acharnée, de résistance et de pression populaire mondiale que des mesures concrètes furent prises pour mettre fin à l’apartheid.

Aujourd’hui, l’Est du Congo subit une oppression similaire, où un peuple entier est sacrifié sur l’autel des intérêts géopolitiques et économiques. L’exploitation des minerais stratégiques congolais alimente cette complicité internationale, tout comme les ressources sud-africaines ont jadis maintenu le régime ségrégationniste en place.

D’autre part, la Russie, consciente de cette injustice, propose une assistance militaire à la RDC. Mais Kinshasa hésite encore, craignant des représailles occidentales.

Pendant ce temps, les demandes de sanctions contre le Rwanda restent ignorées, le président français Emmanuel Macron privilégiant ses relations stratégiques avec Kigali.

Cette ingérence flagrante alimente la colère d’une partie de l’opinion publique congolaise. De plus en plus de voix s’élèvent pour exiger la fermeture des ambassades occidentales et l’expulsion de leurs diplomates, afin de préserver la souveraineté du pays face à ces influences extérieures qui paralysent toute action décisive.

Kinshasa face à l’indifférence internationale

Face à cette hypocrisie internationale, la RDC ne peut plus se contenter de dénonciations et d’appels à la paix. Il est temps d’adopter une diplomatie offensive et stratégique. Kinshasa doit mobiliser des alliés stratégiques, en renforçant ses relations avec des puissances comme la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud ou encore le Brésil, afin de peser dans les rapports de force diplomatiques et exiger des condamnations fermes contre Kigali.

L’Union Africaine et l’ONU ne peuvent plus continuer à cautionner l’impunité du régime rwandais, et la RDC doit porter cette exigence sur toutes les tribunes internationales.

Garnir le front médiatique

Le combat doit également se mener sur le terrain médiatique. Il est impératif de briser l’omerta imposée par les médias occidentaux et de multiplier les campagnes d’information exposant la complicité du Rwanda dans le pillage des ressources congolaises et les massacres des populations civiles.

L’État congolais doit encourager les journalistes indépendants, les chercheurs et les défenseurs des droits de l’homme à documenter ces atrocités et à inonder les réseaux sociaux d’images et de témoignages. Plus le monde verra et entendra la vérité, plus il deviendra difficile pour les puissances occidentales de continuer à fermer les yeux.

Frapper dans le porte-monnaie

Au-delà de la diplomatie et de la communication, la RDC doit aussi frapper là où cela fait mal: l’économie. Kigali profite largement du commerce transfrontalier et du trafic illégal des minerais congolais pour asseoir sa puissance économique.

Fermer immédiatement les frontières, couper les échanges commerciaux et empêcher l’exportation de minerais via le Rwanda priveraient ce pays d’une manne financière considérable.

Il est aussi temps de mettre la pression sur les multinationales qui exploitent illégalement les ressources congolaises en complicité avec Kigali. Toute entreprise qui contribue au financement indirect de la guerre à l’Est doit être dénoncée et poursuivie.

Adopter une approche judiciaire offensive

Parallèlement, la RDC doit adopter une approche judiciaire offensive. Il est impératif de saisir la Cour Pénale Internationale pour exiger que Paul Kagame et les commandants du M23 répondent de leurs crimes devant la justice.

En complément, des actions judiciaires doivent être menées contre les entreprises complices du pillage des ressources congolaises. Cette guerre ne se limite pas aux champs de bataille : elle se joue aussi dans les tribunaux internationaux.

Enfin, la défense nationale doit être une priorité absolue. L’État congolais doit cesser de compter sur des forces étrangères inefficaces comme la MONUSCO et investir massivement dans la modernisation des FARDC. Cela passe par l’acquisition d’armements modernes, la formation de forces spéciales capables de mener des opérations offensives et la mise en place d’une stratégie de défense proactive.

La RDC doit également nouer des alliances militaires stratégiques avec des pays disposés à l’aider à rétablir sa souveraineté sur son territoire.

Trève de discours et de recherche de la compassion internationale

L’histoire nous l’a prouvé : aucun peuple ne s’est libéré par des discours ou en comptant sur la compassion des puissances étrangères. L’apartheid en Afrique du Sud n’a été renversé que grâce à la résistance acharnée du peuple sud-africain et à la mobilisation de forces solidaires à travers le monde. Il en sera de même pour la RDC.

L’heure n’est plus aux déclarations diplomatiques creuses ni aux résolutions sans lendemain. La RDC doit désormais imposer un rapport de force et exiger la fin de cette tragédie. Etant donné que la communauté internationale refuse d’agir, il appartient alors au peuple congolais et à ses dirigeants de prendre leur destin en main et de mettre un terme à l’agression et à la l’humiliation qu’ils subissent depuis trop longtemps.

Nico Minga (économiste et géostratège)

Correspondant particulier

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