RDC : Le Prof Mampuya déballe les dérives de la Cour constitutionnelle dans un ouvrage

Depuis l’institution de la Cour constitutionnelle à la faveur de la nouvelle Constitution dont la RDC s’est dotée à travers un référendum Constitutionnel, les consciences ne cessent de s’offusquer du travail de cette haute Cour censée réguler principalement le bon fonctionnement des institutions et incarner la paix et la stabilité sociales. Que ce soit dans le domaine de la gestion des contentieux électoraux, dans ceux des conflits d’assemblées ou encore de la défense des intérêts de la République ainsi que d’autres affaires diverses jusqu’à des faits devant relever des tribunaux de droit communs, le rendement de la Cour constitutionnelle à ce jour a largement emporté la désapprobation de la conscience publique.

Cependant, jusque-là, personne n’a su prendre le courage de sauter le pas pour dénoncer officiellement ces maux afin de proposer une thérapeutique pouvant sauver la République et la nation de l’emprise d’une Cour constitutionnelle résolument tournée vers l’assouvissement des intérêts des régimes au pouvoir plutôt que ceux de la République et de la nation. Un fils du pays vient, enfin, de mettre fin à cette disette intellectuelle en tapant vigoureusement dans la termitière afin que plus rien ne continue à être comme avant. Ce digne fils n’est autre que le célèbre professeur Mampuya qui vient de s’exprimer à travers un livre qui va certainement faire date.

« Sous la houlette de la Cour constitutionnelle, une ‘jurisprudence’ qui ne peut faire jurisprudence ». Tel l’intitulé de l’ouvrage que vient de publier le Professeur Auguste Mampuya Kanunk’a Tshiabo, Professeur ordinaire émérite dans plusieurs universités en RDC et à travers le monde. L’ouvrage a été baptisé ce jeudi 20 juillet 2023 par le professeur Esambo, doyen de la faculté de droit de l’Unikin, au cours d’une cérémonie de vernissage aux sonorités scientifiques particulièrement interpellatrices.

Cette publication du Professeur Mampuya tombe fort à propos en cette période de croisée des chemins du droit et de la manière dont il est dit en RDC par la plus haute instance judiciaire du pays. Mampuya est parti d’une clameur qui s’élève depuis un temps du milieu profond du Congo, même des femmes des champs ou des étudiants en droit auprès de qui la justice ne fait qu’inspirer la déception, sur cette manière dont le droit est dit et qui a jeté le discrédit aussi bien sur les instances habilitées à dire ce droit que sur les praticiens et les enseignants de ce droit.

Haro sur le Juge redevable à son créateur et bourreau du droit

Sans ambages, et dans un style sarcastique qui lui est connu, l’auteur analyse les actes et les événements pour dénoncer les errements du comportement du juge constitutionnel dans l’application de la loi au-delà de la simple norme. Dans cet ouvrage de 160 pages publié aux éditions René Descartes, le Prof Mampuya stigmatise également les dérives juridiques et jurisprudentielles (dont la Cour constitutionnelle s’est inventé un bon nombre pour s’en faire contradictoirement une pratique du droit) lorsqu’il tente de répondre à la question de savoir quelle est, finalement, le rôle de la fonction judiciaire au sein de la société et dans la régulation du fonctionnement des institutions.

Dans la même démarche, l’auteur examine plusieurs arrêts de la Cour constitutionnelle pour en disséquer les dérives du droit et de la jurisprudence devenue une source du droit pour la Cour constitutionnelle qui, dans le même temps, s’est rendue championne dans les violations de la Constitution et des lois dans sa manière de dire le droit. Ces casus partent des contentieux électoraux à des affaires pénales en passant par des actes d’assemblées et tant d’autres traités par la haute cour depuis sa création à ce jour et qui, dans leur très grande majorité, jette la consternation dans les esprits.

Trois chapitres pour déballer les dérives de la Haute Cour

L’auteur structure son analyse dans cet ouvrage en trois chapitres. Dans le premier chapitre, Mampuya plante, en quelques sortes, le cadre de son expression en dissertant sur le droit de critiquer tout en essayant de psychanalyser, pour ainsi dire, le Juge constitutionnel dans sa manière de dire le droit et dans sa posture pour ce faire.

Et déjà à ce niveau, Mampuya dégage des contradictions qui justifient le déficit de conscience qu’accuse le Juge constitutionnel dans ses marges de manoeuvre pour s’assumer et faire droit au droit et à la justice.

Dans le second chapitre, Auguste Mampuya scrute les conditions de la fonction judiciaire du juge et la haute Cour par rapport au devoir de dire une justice juste. En d’autres termes, l’auteur analyse le concept d’indépendance du juge censée le mettre à l’abri de toutes les sources d’influence vis-à-vis de la source de sa fonction (celui qui l’a nommé) et des parties.

C’est ici que l’auteur soulève, entre autres, le péché originel de la révision de l’article 149 de la Constitution qui a fait sortir les parquets de la fonction judiciaire pour les rattacher à l’autorité du ministre, c’est-à-dire de l’exécutif ; ce qui a réduit le pouvoir judiciaire aux seules instances de jugement. Par ricochet, le Juge appelé à dire le droit en toute indépendance est désormais placé sous le joug de cet exécutif.

Sous un tel environnement, l’auteur constate que le juge, censé jouir de son indépendance, a développé plutôt une peur de celle-ci en se plaçant dans une auto-soumission à un devoir de gratitude envers celui qui a fait qu’il devienne juge. Une attitude qui s’oppose, fait remarquer Mampuya, à celle du devoir d’ingratitude dont le juge devrait être animé pour ne pas demeurer sous l’influence du milieu de sa désignation.

la Cour constitutionnelle devenue la première source ’instabilité des institutions et des conflits sociaux, Auguste Mampuya refuse d’aborder l’affaire Bukanga Lonzo par pudeur

Dans le troisième chapitre, enfin, Auguste Mampuya s’appesanti sur le pouvoir régulateur censé animer la Cour constitutionnel, mais constate que ce régulateur s’est rendu champion dans la commission des violations de la Constitution et des lois qu’elle assume. S’étant arc-bouté sur sa démarche de décisions fondées sur sa propre jurisprudence qu’elle a érigée en source du droit, la Haute cour s’est délitée jusqu’à se perdre dans sa volonté d’élargir indéfiniment ses interventions au-delà des limites des procédures et des compétences.

C’est dans ce chapitre que l’auteur analyse plusieurs arrêts de la Cour constitutionnelle pour déceler des contradictions, des revirements, des inventions des jurisprudences et autres postures qui, au bout du compte, ont fini par faire de la Cour constitutionnelle la première source de l’instabilité des institutions et des crises (au lieu de la paix) au sein de la société. Ici passent au scanner des motions dans les assemblées délibérantes, les contentieux électoraux, l’épisode du renversement de la majorité à l’Assemblée nationale, les destitutions des Gouverneurs de province et des bureaux des assemblées provinciales, voire même une requête d’une dame qui, au Lualaba, avait attaqué l’arrêté de nomination du Gouvernement provinciale parce qu’elle n’avait pas été nommée ministre. On n’oublie pas, bien entendu, l’affaire Bukanga Lonzo et son emblématique arrêt 0001.

« Le 0001 est là, ça suffit comme ça »

Et sur cette affaire Bukanga Lonzo plus précisément, Auguste Mampuya s’est efforcé de ne pas l’aborder en profondeur par pudeur, et cela pouvait se lire dans son expression faciale. Une affaire qui, à ses yeux, résume ce délitement devenu caractéristique de la Cour constitutionnelle plus que jamais arrimé aux influences du régime en place. Forçant pratiquement sa conscience, il s’est contenté de conseiller aux Juges : « Le 0001 est là, ça suffit comme ça ». Une façon, pour lui, de dire qu’il n’y a plus rien à dire ni à faire au-delà de la position de la Cour constitutionnelle coulée dans ce jugement déjà coulé en force de la chose jugée.

Bref, c’est tout le système politique de l’Etat de droit qui est mis à mal, constate encore l’auteur dont l’ouvrage a été présenté et résumé avec maestria par le Professeur Ndukuma Kodjo.

Dans sa brève intervention lors du vernissage de son ouvrage, le Professeur Mampuya a exprimé son inquiétude d’une discipline (celle de dire le droit) aujourd’hui mal famée dans la société avant d’inviter les Juges à se ressaisir pour sauver leur amour propre et la justice.

JEK

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