A Kinshasa, les cas de dénonciation des spoliations foncières et immobilières ne se comptent plus. Tels des héritiers indignes du laboureur, les spoliateurs semblent ne connaître aucune limite dans leur prédation. Que ce soit les lits de rivière, les zones déclarées non aedificandi, les domaines privés de l’Etat ou encore des sites d’exploitation d’intérêt public et les propriétés privées, rien n’est épargné.
Autorités civiles et militaires à l’avant-plan
Autant cette prédation foncière et immobilière va crescendo, autant les dénonciations se multiplient mais avec une triste constante : rien n’est fait pour arrêter cette dérive. Et ceci est d’autant plus grave que parmi les spoliateurs se recrutent principalement des autorités politiques à tous les niveaux et dans tous les secteurs (ainsi que leurs familles) ainsi que de hautes autorités des FARDC et de la Police nationale.
Ces dernières sont aussi impliquées dans la protection d’autres spoliateurs, généralement des personnes physiques et des opérateurs économiques tant nationaux qu’étrangers. On n’oublie pas non plus les autorités coutumières et la complicité des responsables des services de l’urbanisme et habitat ainsi que ceux des affaires foncières qui délivrent clandestinement de faux documents.
Les dénonciations du groupe Texaf
Tout dernièrement, le Groupe Texaf a dénoncé les tentatives de spoliations de plusieurs de ses actifs fonciers dans la ville de Kinshasa. Le groupe pointe du doigt « deux groupes des fonctionnaires civils et militaires » qui ont, par exemple, encadré la démolition récente du mur de clôture de la concession Utexafrica afin de faire main basse, sans titre ni droit, sur des terrains situé sur la baie de Ngaliema. Utexafrica est une filiale de Texaf depuis 1926 et la concession de la baie de Ngaliema fait partie de ses actifs fonciers depuis cette année-là.
Un autre cas est celui du terrain de sa filiale IMMOTEX à Kinsuka. Cette concession abrite les installations industrielles et résidentielles « CPA» depuis 1969. Ici comme là, les spoliateurs agissent sur base de simples jetons sans aucune valeur légale mais qui constituent des « promesses de vente » dès la fin de la procédure.
La Regideso n’a que ses yeux pour pleurer
La Regideso, quant à elle, ne cesse de se plaindre de l’occupation de ses sites d’exploitation, des emprises de ses conduites d’eau ainsi que des constructions en dur sur ces conduites. Lors d’une récente conférence de presse, Jonas Ntako, Directeur général de la Regideso, a cité le cas du quartier « Adama » situé derrière Utexafrica où se trouve un point de captage et de traitement d’eau.
Ce quartier aujourd’hui très développé a vu pousser des maisons de luxe appartenant à des autorités et d’autres personnalités puissantes à l’échelle nationale. Malgré les plaintes et les visites du site organisés à l’intention des ministères de l’urbanisme et des affaires foncières ainsi que de l’Hôtel de ville, rien n’a été fait et aujourd’hui des immeubles sont érigés sur les conduites d’eau et le point de captage d’eau est à ce point rétrécis que sa profondeur a tellement diminué que les machines aspirent plus du sable qui va endommager les équipements.
A Bandalungwa, un quidam a officiellement demandé à la Régideso d’aller déplacer ses conduites d’eau d’un site qu’il venait d’acheter. Ce genre de cas s’observe également sur d’autres sites à Ma Campagne et ailleurs à travers la ville.
On ne revient pas, non plus, l’occupation illégale du site de production du sable filtrant qui sert à la purification de l’eau dans la commune de Maluku. Une bonne partie de ce site est aujourd’hui occupée par un exploitant chinois qui bénéficie de la protection policière et militaire.
Eglise catholique, un morceau dur à avaler
Autre plaignant, l’église catholique. Le cas de plus de 4 hectares de sa concession de la mission Jean 23 à Ngaliema. Le Cardinal Ambongo avait récemment effectué une descente sur ce lieu pour constater les dégâts causés par des spoliateurs sans foi ni loi avant de faire barricader toutes les entrées et confier le dossier à la justice. Chose rare, ici le conservateur des titres fonciers de Ngaliema ne reconnaît pas avoir délivré le moindre document à qui que ce soit.
Bibwa, terre des conflits fonciers
A Bibwa, dans la commune de la N’sele, l’asphaltage de l’avenue dite « terre jaune » a suscité des convoitises foncières de toutes parts. Des acquéreurs sortis d’on ne sait où vont jusqu’à envahir les emprises publiques le long de cette avenue. Bibwa est, d’ailleurs, devenu une terre des conflits fonciers depuis plusieurs années.
Ici comme à Mpasa, les propriétaires – parmi lesquels des enseignants et des déplacés de la rivière de Makelele (Bandalungwa) dans les années ’90 – peuvent se réveiller le matin et apprendre que meurs terrains, voire même leurs maisons, appartiennent désormais à quelqu’un d’autre.
Dans ce cas comme dans tant d’autres à travers la ville, les spoliateurs sont les mêmes et bénéficient d’une protection des services et des autorités censés pourtant assurer l’ordre et appliquer la loi dans toute sa rigueur.
JEK