L’affaire inscrite sous RP09/CR à la Cour de cassation sur les présumés détournements des fonds du projet de parc agroalimentaire de Bukanga Lonzo pourrait ne plus être traitée. La Cour de cassation, qui avait ouvert le procès lundi 13 juin 2023, vient de décréter une surséance au dossier et de la renvoyer à la Cour constitutionnelle à laquelle elle sollicite l’interprétation de l’article 162, alinéa 4 de la Constitution.
Le verdict vient d’être rendu avant-dire droit ce vendredi 22 juillet, suite aux exceptions soulevées par la défense lors de la précédente audience à laquelle avaient comparu physiquement l’ancien Premier ministre et ses coaccusés Patrice Kitebi, ancien Ministre délégué aux finances à l’époque des faits allégués, et Grobler Christo, gérant de la société sud-africaine Africom qui fut partenaire au projet Bukanga Lonzo.
Mais conformément au principe « non bis in idem » par lequel une juridiction ne peut pas juger une même affaire deux fois, on ne voit pas comment la haute cour pourra ouvrir un nouveau dossier sur le même sujet pour lequel elle s’était déjà déclarée incompétente de connaître des actes posés par un ancien Premier ministre dans l’exercice de ses fonctions.
Une décision conforme à la logique du droit
L’affaire dite « Bukangalonzo » avait été renvoyée à la Cour de cassation par le Procureur général près la Cour constitutionnelle qui, au terme d’un bref procès, s’était déclarée incompétente de juger Matata Ponyo pour des actes commis alors qu’il était Premier ministre. Après examen du dossier par son office, le Procureur général près la Cour de cassation fera rapport au chef de l’Etat pour lui signifier l’incapacité de sa juridiction de connaître de cette affaire et solliciter son classement. En effet, dans sa lettre d’accompagnement de début février 2022, Le Procureur Général Victor Mumba Mukomo, notait que « …toutes les infractions, commises par le Premier ministre pendant ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, ne peuvent être jugées que par la Cour Constitutionnelle (articles 163 et 164 de la Constitution). Ainsi, s’étant déclarée incompétente à connaître des poursuites engagées contre les prévenus Matata Ponyo et consorts, aucune autre juridiction ne peut engager une action pour ces mêmes faits contre l’ancien Premier ministre ».
Il concluait que « dès lors, mon office ne pourra instruire qu’à charge de ceux qui ont participé à la commission de ces faits selon l’un de mode de participation criminelle, non revêtus de cette qualité lors de leur perpétration ».
Les exceptions de la défense
Saisi par la suite de l’intention, malgré tout, de la Cour de cassation de traiter l’affaire, Me Nyabirungu, avocat de Matata, fera savoir que « si la cour de cassation tient à instruire le dossier contre Matata, il s’exposera à un excès du pouvoir ». Il fera savoir que s’il doit y avoir dossier à cette juridiction, celle-ci devra préalablement mener des démarches auprès du Sénat comme étant un dossier à part entière qui commence et non une affaire héritée d’une autre juridiction.
Après ces étapes, il serait question de savoir si la Cour de cassation est compétente. Dans tous les cas, soulignera Nyabirungu, « les faits ont déjà fait l’objet d’un arrêt de la cour constitutionnelle. Si par défis on veut toujours instruire le fond, on s’exposera à un excès de pouvoir. Mais je ne pense pas qu’une telle procédure puisse prospérer. La Justice ne peut pas rétroagir contre notre client, parce que la loi pénale rétroagit lorsqu’il est favorable à l’accusé ».
JEK