Marché mondial des minerais : Julien Paluku lance l’idée d’une OPEP du Sud global face aux nouvelles “Sept Sœurs”

Dans une tribune percutante publiée sur son compte X (ancien Twitter), le ministre congolais du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, appelle à la création d’une organisation mondiale des pays producteurs de minerais, sur le modèle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Une proposition qui, dans le contexte actuel de transition énergétique, résonne avec une pertinence prophétique et géostratégique évidentes.

Un parallèle historique : des “Sept Sœurs” pétrolières aux nouveaux empires miniers

Julien Paluku rappelle qu’aux alentours des années 1940, sept grandes compagnies pétrolières occidentales, surnommées les “Sept Sœurs” — Standard Oil, Royal Dutch Shell, APOC, Socony/Mobil, Socal, Gulf Oil et Texaco — exerçaient une domination totale sur l’industrie mondiale du pétrole, fixant les prix à leur convenance et privant les pays producteurs de toute souveraineté économique.

Cette hégémonie avait fini par provoquer une “révolte” des pays producteurs, qui créèrent en 1960 l’OPEP pour harmoniser leurs politiques et reprendre le contrôle de leurs ressources naturelles.

Pour le ministre congolais, l’histoire semble se répéter, cette fois avec les minerais dits critiques et stratégiques — cobalt, lithium, nickel, cuivre, coltan, manganèse ou encore niobium — indispensables à la transition énergétique et à la fabrication des batteries, véhicules électriques et technologies vertes.

Selon Paluku, les grandes multinationales minières actuelles — telles que BHP Group, Glencore, Rio Tinto, Freeport-McMoRan, Zijin Mining, CMOC et Anglo American — jouent aujourd’hui le même rôle que les “Sept Sœurs” d’hier : elles contrôlent les prix, orientent les flux commerciaux et influencent les politiques économiques mondiales. S’y ajoutent, souligne-t-il, des géants industriels non miniers mais tout aussi déterminants : CATL (Chine), Tesla (États-Unis) et BMW (Allemagne), qui “dictent la demande et les cours” par leur domination sur les marchés finaux.

La RDC et le Sud global, cœur stratégique du réservoir minier mondial

Paluku dresse un panorama saisissant de la production mondiale :

  • La RDC, “qui possède pratiquement tous les éléments du tableau de Mendeleïev”, reste un pilier central du secteur, notamment pour le cobalt et le cuivre.
  • L’Indonésie, le Chili, le Pérou, le Gabon, la RSA, l’Australie, ou encore la Bolivie et la Chine, composent ce qu’il appelle “le nouvel arc des producteurs stratégiques”.

Pour le ministre, cette concentration géographique des ressources naturelles pourrait servir de levier pour rééquilibrer le rapport de force mondial — à condition que les pays producteurs s’organisent et parlent d’une seule voix.

Vers une révolte positive pour rééquilibrer les prix et la souveraineté

Dans un passage particulièrement frappant, Julien Paluku dénonce la volatilité injustifiée des prix imposée par les acheteurs : le cobalt, par exemple, est passé de 80 000 USD la tonne en 2022 à 21 000 USD en 2025, une chute qu’il juge symptomatique d’un marché “captif et manipulé”.

D’où son appel à une “révolte positive”, inspirée de la naissance de l’OPEP, afin de créer une Organisation mondiale des pays exportateurs de minerais (OMPEM) capable de garantir des prix justes, stables et souverains.

Le spectre des guerres économiques autour des ressources

En guise d’avertissement, le ministre congolais évoque la possibilité que les tensions autour du contrôle des ressources — notamment celles déjà visibles à l’Est de la RDC — se transforment en véritables “guerres économiques”, à l’image du conflit du Golfe des années 1990 entre membres de l’OPEP.

Il conclut sa tribune sur une note d’anticipation : « Cette réflexion vise à interpeller les Nations à anticiper et construire leurs capacités à résister aux chocs exogènes, par une gouvernance politique, économique et militaire de qualité. »

La sortie de Julien Paluku intervient à un moment charnière où la RDC cherche à valoriser sa position stratégique dans la chaîne mondiale des minerais de transition énergétique. Sa tribune, qui s’inscrit dans une série de réflexions sur la souveraineté économique africaine, apparaît comme une invitation à repenser la gouvernance mondiale des ressources, dans un monde où la dépendance aux minerais devient le nouveau pétrole du XXIᵉ siècle.

Jonas Eugène Kota

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