Dans ses classes de Yolo-Sud, le savoir se dansait, se chantait, se vivait.
Puis, un matin, plus rien.
Ce matin du 20 octobre, la nouvelle s’est abattue, tel une foudre : Bonette Élombe, l’artisane de cette innovation de la pédagogie, s’est éteinte !
Un souffle s’est arrêté — et dans le cœur de toute une ville, quelque chose s’est brisé, emportée par l’onde de choc de ce genre de nouvelles qui fait tout chambouler, surtout par son effet de surprise, son inopiné.
Tel un hideux orfèvre de l’implacable, la mort a frappé là où ça fait mal…
Une maîtresse pas comme les autres
Ceux qui l’ont connue savent que Bonette Élombe n’enseignait pas seulement les leçons : elle enseignait la vie.
Chaque matin, elle entrait dans sa classe comme dans un sanctuaire, le visage ouvert, le regard pétillant, le cœur débordant d’amour. Elle saluait chaque élève par son prénom, d’un mot doux, d’une tape câline dans le dos, ou d’une chanson improvisée qui faisait éclater les rires et fondre la timidité.
Parfois, c’est sur le pas de la porte qu’elle accueillait ses élèves, tel des potes, avec un échange de claque des mains.
Sur ces gestes simples, l’école reprenait vie. Les craies devenaient des baguettes de chef d’orchestre, les cahiers des instruments d’harmonie.
Sous sa voix douce, les chiffres prenaient un rythme, les mots devenaient poèmes. Bonette enseignait avec son âme.
Elle aimait répéter : « Un enfant heureux apprend plus vite. » Et, à voir le bonheur de ses élèves, nul ne pouvait la contredire.
Le choc et le silence
Quand la nouvelle a parcouru Kinshasa, le temps s’est arrêté. Les messages s’échangeaient en tremblant : « Ce n’est pas possible… pas Bonette. »
Dans certaines écoles, on a cessé les cours ; dans d’autres, on a prié, sans mot, les yeux rouges.
Les parents, bouleversés, disaient d’elle qu’elle était « une seconde mère ». Les collègues parlaient d’une femme « au service des enfants comme d’une vocation divine ».
Et les élèves, eux, demandent simplement : « Qui va nous chanter la leçon demain ? »
Dans cette phrase d’enfant, il y a toute la détresse d’un pays qui vient de perdre sa plus belle voix d’école.
Une vocation née de l’amour
Fille d’enseignante, Bonette Élombe portait l’éducation comme un héritage sacré. Elle croyait à la puissance des mots justes, à la bonté comme moteur du progrès, à la joie comme outil de transmission.
Dans un système souvent abîmé par le manque de moyens, elle avait trouvé sa propre méthode : enseigner avec le cœur.
Elle n’avait ni tribune, ni fortune, ni reconnaissance officielle. Mais elle possédait ce que nul diplôme ne peut offrir : la grâce d’aimer les enfants.
C’est ainsi qu’elle a fait de chaque salle de classe une oasis d’espérance, une respiration dans les jours difficiles.
Puis le vide laissé
Depuis ce matin du 20 octobre, les vidéos de ses cours circulent en boucle. On la voit rire, danser, encourager, applaudir.
Mais aujourd’hui, ces images ne font plus seulement sourire : elles font pleurer.
Dans les couloirs de son école, le silence est devenu lourd, tandis que la cour, qui était son arène de pédagogie de la joie, renvoie comme un écho de ses animations mêlées des fous rires des enfants.
L’écho d’un silence si tonitruant qu’on croit y percevoir même ses sautillements de danse au milieu des bambins tout en joie.
Chaque tableau, chaque chaise, chaque chanson porte encore son empreinte.
Une élève, les yeux mouillés, a murmuré : « Quand Madame Bonette riait, on oubliait qu’on était pauvres. ».
Dans cette phrase, tout est dit : elle n’avait pas seulement transmis des savoirs : elle avait rendu la dignité à l’enfance.
Son départ a créé un vide, mais aussi une onde d’amour et d’admiration. Des enseignants s’inspirent désormais de ses méthodes ; des écoles reprennent ses chants ; des élèves se souviennent de ses mots.
Le ministère de l’Éducation a salué « une enseignante passionnée et créative, un visage de la pédagogie bienveillante ».
Bonette Élombe n’a pas eu besoin de tribune pour marquer son temps. Elle a changé le monde à la hauteur de sa salle de classe; et cette empreinte, nul oubli ne la gommera.
Repose en paix, Bonette Élombe ! Tu as fait de la craie un pinceau d’espérance, du tableau noir un miroir d’amour, et de chaque sourire d’enfant une victoire silencieuse.
Ton nom restera dans la mémoire de ce pays comme une chanson qui ne finit jamais.
Jonas Eugène Kota

