À l’heure où le cobalt, le lithium ou encore le coltan redessinent les rapports de force économiques mondiaux, la République démocratique du Congo veut faire entendre la voix du Sud producteur. En marge de la 16ᵉ session de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), le Forum mondial sur les matières premières, tenu ce mercredi à Genève, a été le théâtre d’un plaidoyer ambitieux : la création d’une Organisation des pays producteurs et exportateurs des minerais stratégiques (OPPEMS), sur le modèle de l’OPEP.
Portée par le ministre congolais du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, cette initiative vise à instaurer un cadre collectif pour défendre les intérêts des États riches en ressources critiques, stabiliser les marchés, garantir des revenus équitables et assurer un approvisionnement durable aux industries mondiales. “Les pays producteurs doivent cesser d’être de simples fournisseurs bruts. Nous devons désormais peser sur les mécanismes de fixation des prix, réguler la production et veiller à ce que nos populations bénéficient réellement de la valeur créée par nos minerais”, a martelé Julien Paluku devant un parterre de dirigeants, de ministres du commerce, de lauréats du prix Nobel et d’experts internationaux.
Vers un nouveau pacte minéral mondial
L’idée d’une “OPEP des minerais” n’est pas nouvelle, mais le contexte lui donne une résonance particulière. La transition énergétique mondiale, la montée en puissance des technologies vertes et la rivalité sino-occidentale sur les chaînes d’approvisionnement en ressources critiques — cobalt, nickel, cuivre, lithium — placent des pays comme la RDC au cœur de la bataille géoéconomique du XXIᵉ siècle.
Pour Kinshasa, qui détient près de 70 % des réserves mondiales de cobalt, la création d’un tel cartel permettrait non seulement de réduire la volatilité des prix, mais aussi de négocier en bloc avec les grandes puissances industrielles, tout en favorisant la transformation locale et la création d’emplois durables.
Soutien africain et coopération Sud-Sud
La proposition congolaise a reçu un accueil favorable de plusieurs délégations africaines. Le Centre africain pour le développement des minerais (CADM) a salué l’initiative, appelant à renforcer la coopération Sud-Sud pour faire émerger une gouvernance plus équitable des ressources naturelles.
Selon plusieurs experts présents à Genève, cette approche pourrait redéfinir la place de l’Afrique dans l’économie mondiale des ressources stratégiques — de fournisseur passif à acteur régulateur. En misant sur la concertation et la solidarité entre pays producteurs, la RDC espère ainsi jeter les bases d’un nouvel ordre minéral international, où la valeur ajoutée serait enfin partagée entre le Nord industriel et le Sud minier.
Albert Osako

