Paix et cohésion interne en RDC : Jean-Pierre Bemba flingue les efforts de Félix Tshisekedi

Pour qui roule finalement Jean-Pierre Bemba ? La question interpelle les consciences face à l’équipée du Ministre des Transports et voies de communication qui, manifestement, est en totale déphasage avec les évolutions dans la recherche de la paix en RDC, aussi bien en interne qu’en externe. Hier, on pouvait le comprendre dans le cadre de la mobilisation générale pour faire face à l’ennemi. Mais après les communiqués échangés entre protagonistes à Washington et à Doha, et avec les consultations en cours dans les dynamiques africaines de paix, l’appel désormais est à l’apaisement pour donner toutes les chances au bon aboutissement des différents processus de paix.

Situation que Jean-Pierre Bemba prend totalement à contre-pied.

D’aucuns n’hésitent plus de penser que cet ancien chef de guerre proche de l’Ouganda, dont les accointances aujourd’hui avec le Rwanda ne sont plus à démontrer, travaillerait carrément contre le régime dont il est sociétaire et, partant, contre les efforts de paix de ce dernier. Concrètement, Bemba travaillerait activement à ruiner les efforts de paix de Félix Tshisekedi.

Kabila, Katumbi, CENCO, ECC, etc…, seul de la classe politique dont le coup d’Etat est l’unique voie d’accès au pouvoir, Bemba tire sur tous les partenaires au dialogue pour faire échouer celui-ci

Autrement, personne n’arrive à s’expliquer pourquoi, alors que le Gouvernement fait un parfait travail de communication avec son tonitruant porte-parole Patrick Muyaya, le patron des Transcoms – que l’on attend désespérément au front des embouteillages – ouvre plutôt le feu sur toutes les cibles politiques et sociologiques internes jusqu’à ruiner les perspectives d’un dialogue interne visant la cohésion nationale. On ne comprend pas, en effet, qu’alors que le Président de la République reçoit l’opposant Martin Fayulu qui lui transmet l’appel de l’opposition au dialogue dont le projet de pacte social de la CENCO et l’ECC serait la base des discussions, ce soit justement ce point de convergence prévisionnel que, dans ses envolées médiatiques, le chairman du MLC choisit de dézinguer.

Autant pour tous ceux qui sont attendus comme protagonistes à ce dialogue, particulièrement Joseph Kabila et Moïse Katumbi qu’il accuse sans ménagement ni arguments nouveaux à part les fakes diabolisatrices de feu Honoré Ngbanda aujourd’hui vieilles de près de trente années.

Bemba, signataire du pacte républicain de Sun City avec un Rwandais ?

Quel intérêt Jean-Pierre Bemba pense-t-il tirer de ses fausses dénonciations, que même l’UDPS qui les exploitait hier n’aborde plus ? Si Bemba veut vraiment faire croire aux Congolais que Joseph Kabila est un Rwandais au service de sa patrie que serait le Rwanda, que dirait-il à ces mêmes congolais au sujet du dialogue qu’il avait eu avec ce même supposé rwandais à Sun City et à l’Hôtel Cascades en Afrique du Sud, dialogue au bout duquel lui, Bemba, avait codirigé ce pays aux côtés de ce rwandais de Kabila pendant au moins quatre années ? A quel moment de l’histoire donc Kabila aurait-il été congolais pour qu’un « mwana mboka », dont se targuait Bemba, conclue des deals avec lui ?

Loin de remuer un passé qui serait inutile, il faut se rappeler que ce sont ces accords de Sun City qui constituent aujourd’hui le pacte républicain qui fonde la vie politique et institutionnelle en RDC et sur lequel est aussi bâtie la Constitution de la République. En d’autres termes, Jean-Pierre Bemba est, par sa signature aux côtés de celle de Kabila, coauteur, avec un rwandais, de ce pacte républicain qui régit la vie politique et institutionnelle dans laquelle lui est aujourd’hui un des acteurs majeurs et bénéficiaire comme Vice-Premier ministre de la République contrairement à son co-signataire supposé rwandais.

Repris de justice pour défaut de moralité, quelle crédibilité pour Bemba ?

Sur un autre tableau, l’on peut s’interroger sur la crédibilité des propos d’un condamné international pour défaut de moralité suite à une subornation de témoins lors de son procès de dix ans à la CPI. Pour ce motif, aucun esprit sérieux ne saurait réserver quelque crédit à de supposées révélations de Bemba sur de prétendues tentatives d’assassinat de Félix Tshisekedi qu’il attribue avec désinvolture à Kabila et Moïse Katumbi. Bien au contraire, cet homme d’Etat – en raison de ses fonctions officielles – embouche la trompette du tribalisme pour fonder l’alliance qu’il insinue entre ces deux personnalités, alliance tribale qui justifierait un meurtre sur le chef de l’Etat.

Aujourd’hui, presque toutes ses supposées révélations faites dans son émission sur Top Congo sont en train d’être démenties les unes après les autres, notamment le versement au Rwanda de 66 millions USD mensuellement pendant 18 ans sous Kabila, le blocage du refinancement de Congo Airways par le CNSS, etc.

Sans assurer ses arrières contre tout détricotage des allégations aussi légères, JP Bemba oublie que par sa posture de subjectivité due à ses antécédents avec Kabila, même Félix Tshisekedi ne le laisserait pas, lui, porter ce genre de « révélations » au risque, par ricochet, de ruiner leur crédibilité. Constant Mutamba, le ministre attitré de la Justice, est mieux placé pour donner ses injonctions habituelles aux fins des poursuites appropriées comme il l’a déjà fait une première fois avec le même Joseph Kabila.

Dans tous les cas, et à l’instar de ses antécédents avec Joseph Kabila qu’il a toujours accusé d’être celui qui l’avait livré à la CPI, Jean-Pierre Bemba a raté une belle occasion de s’interdire un défi avec Moïse Katumbi, celui-là même qui fut le tout premier à lui remettre le pied à l’étrier depuis qu’il était sorti de prison. C’est, en effet, à travers « pasi na yo, pasi na ngaï », lors des rassemblements des opposants initiés et financés à l’étranger par Moïse Katumbi, que JP Bemba va reprendre quelque visibilité, alors qu’il végétait sans ancrage précis, pendant que pesait sur lui une autre plainte à Bruxelles pour trafic d’êtres humains.

Où était Jean-Pierre Bemba pour ne pas voir ces armes dans les propriétés de Katumbi au Katanga lorsqu’il était ministre de la défense nationale ? Et pourquoi se réveille-t-il seulement aujourd’hui pour prétendre voler la vedette aussi bien au porte-parole du Gouvernement qu’aux ministres de l’Intérieur et de la Justice avec ces prétendues révélations qui, finalement, font rire et énerver plus que réveiller les consciences ?

Au bout du compte, l’on finit par conclure qu’en fait, Jean-Pierre Bemba cache de plus en plus mal sa posture de rentier de situation dont la présente rise est bien plus rentable. Repris de justice et, donc, exclu de tout mandat électoral, Bemba est de ceux qui rêvent de voir le statuquo actuel perdurer. Même le Gouvernement d’union nationale annoncé au terme des consultations d’Eberande l’horripile.

Un has been politique et un  boulet au pied de Tshisekedi plutôt qu’un allié stratégique

Les observateurs sont donc unanimes pour estimer que plus qu’un allié, Jean-Pierre Bemba – le seul dans la classe politique aujourd’hui dont le coup d’Etat est l’unique voie d’accès à la présidence de la République – est aujourd’hui un boulet ou, pire, une écharde au pied de Félix Tshisekedi. Son tableau de chasse indique, en effet, que tous ceux sur qui il tire sont les potentiels protagonistes de paix face à Tshisekedi au dialogue ou leurs éventuels facilitateurs. L’objectif de Bemba est donc clairement de faire échouer ce dialogue. Kabila, Katumbi ainsi que les évêques catholiques et protestants, sont, en effet, les protagonistes de ce dialogue. Tous sont, d’ailleurs, en consultations internationales autour d’Obasanjo et $du quintet de la SADC-EAC pour ce faire.

Sur le volet du profil politique spécifique, Félix Tshisekedi est un animal politique qui sait très bien qu’aujourd’hui, Bemba ne représente plus un poids politique particulier dans l’espace grand Equateur où il compte déjà avec des leaders en poupe comme Jean-Pierre Lihau, Jean Lucien Busa, Guy Loando et tant d’autres. Au MLC, Tshisekedi sait très bien aussi qu’il peut compter sur une Eve Bazaïba qui lui ferait fédérer la Grande Orientale, etc.

Bref, ce n’est pas à un Félix Tshisekedi que JP Bemba ferait avaler ses couleuvres diabolisatrices dont il (Bemba) serait le seul à tirer le profit en cherchant à flinguer la voie du dialogue qui remporte l’unanimité aussi bien de la majorité écrasante des congolais que des partenaires de la RDC rangés aujourd’hui derrière la dynamique de Lomé et celle d’Obasanjo, sans oublier les percées de Washington et du Qatar.

Last  but not least, Félix Tshisekedi n’est pas aussi distrait que ne le croit Bemba pour savoir que celui-ci est le seul acteur politique congolais dont le coup d’Etat est le seul moyen de le remplacer et qu’il l’a déjà tenté par le passé avec Joseph Kabila.

Qui a bu boira, et l’appétit vient en mangeant…

Robert Mushiya (CP)

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