Le Vice Premier Ministre en charge de l’économie nationale a récemment été l’invité de notre excellent confrère Christian Lusakweno sur Top Congo pour parler de la situation économique générale du pays et, particulièrement, du contrôle des prix des produits pétroliers à la pompe et leur impact sur le vécu des citoyens. Daniel Mukoko Samba, qui a réussi à faire baisser ces prix et les faires respecter depuis plus d’un mois sur toute l’étendue du territoire, a donné des assurances que ces nouveaux tarifs ne sont pas éphémères et qu’au contraire, ils pourront encore baisser.
Le VPM à l’économie nationale a assuré que des mesures d’accompagnement ont été prises pour garantir la durabilité de ces nouveaux tarifs avec possibilité de les faire baisser encore malgré les contrecoups du marché international.
Retour sur cet entretien dans l’échange ci-dessous.
Christian Lusakweno : (…) Vous parler du carburant, est-ce qu’en baissant les prix du carburant à la pompe, le Gouvernement pourra le tenir quand on sait qu’il subventionne ce carburant, que l’ardoise est plus grande pour lui, et que les pétroliers se plaignent de ne pas retrouver leurs comptes à terme.
VPM DMS : Non, les pétroliers ne se plaignent pas de la baisse du prix. Vous savez que les prix des produits pétroliers sont règlementés par l’Etat ; ils sont fixés après concertation avec la profession pétrolière. Nous n’imposons pas les prix. Ce qui s’est passé, ce que nous avons profité d’une fenêtre d’opportunités où les cours sur le marché mondial était à la baisse durant plusieurs mois, mais aussi, nous avons fait un travail de nettoyage de la structure. C’est ce que beaucoup de nos compatriotes n’ont pas compris. Ce n’est pas de la magie. Dans la structure des prix des produits pétroliers, il y a plusieurs prélèvements. Nous avons donc fait un travail de nettoyage de certains de ces prélèvements qui ne se justifient pas du tout. C’est ça qui a justifié la baisse des prix des produits pétroliers.
C.L. : Ce n’est pas un manque à gagner plus élevé à payer par le gouvernement ?
VPM DMS : Nos compatriotes doivent retenir ceci : les manques à gagner sont de plus en plus maîtrisés. Ils ne sont pas en train d’augmenter, contrairement à ce que les gens pensent. Sur le premier semestre 2024, nous n’avons plus de manques à gagner dans la zone sud. Et, nous n’avons plus de manques à gagner dans la zone Est. Ces deux zones pétrolières sont plutôt dans le positif ; tout simplement parce qu’il y a des opérateurs économiques qui ne sont plus éligibles au remboursement des manques à gagner. Par exemple des miniers, en février 2024, il y a eu une décision importante, Un Arrêté interministériel pour préciser les conditions d’éligibilité des manques à gagner. Cet Arrêté défini les manques à gagner et des formules pour les calculer. Nous sommes sortis de la période où il était difficile de savoir ce que signifiaient les manques à gagner. Nous sommes aujourd’hui dans une situation où les formules sont précises. Les opérateurs éligibles sont connus et ceux qui ne sont pas éligibles sont aussi connus. Tout le monde ne doit être remboursé. Pourquoi, par exemple, rembourser les opérateurs miniers ? La vérité est que les opérateurs miniers n’achètent pas du carburant pour le revendre, mais destiné à leur propre consommation. Donc, c’est ce travail qui a été fait et qui commencent à porter des fruits.
C.L. : Est qu’aujourd’hui, on peut dire que la baisse du prix n’engendre pas plus de subventions à payer par le Gouvernement ?
VPM DMS : Je dirai non. Ce qui se passe maintenant est que les manques à gagner de fin décembre 2023 sont en train d’être remboursés totalement. Ils étaient chiffrés à peu près à 280 millions de dollars.
C.L. : Pour une année ?
VPM DMS : Ce sont des manques à gagner qui se sont étalés sur 2023-2022-2021. Ils étaient beaucoup plus élevés fin 2022. Il y a eu des paiements partiels. Ce que le gouvernement a décidé depuis juin, c’est de les payer totalement pour ceux qui ont été certifiés. A fin 2023, nous allons payer ceux qui seront bientôt certifiés pour le 1er semestre 2024. Et comme je vous l’ai dit, les tendances sont plutôt positives parce que nous avons deux zones importantes : la zone Sud et la zone Est où il n’y a plus de manque à gagner. Et, il y a encore des manques à gagner dans la zone Ouest et les projections que nous faisons sur le 3ème et le 4ème trimestre, sont plutôt favorables.
C.L. : Est-ce qu’aujourd’hui, le Congolais n’est pas en droit de se poser la question suivante : « sachant que le litre de carburant coûte à peu près 2 euros en Europe, c’est vrai que c’est plus cher que nous, que ce carburant est taxé à 85%, cela va à l’avantage du Gouvernement. 1,70 euros sur 1 litre d’essence vendu à deux litres, le gouvernement dans les autres pays se fait l’argent. Nous, plutôt que dans les 030, plus les taxes à mettre au gouvernement, pourquoi est-ce que le gouvernement doit payer un carburant qui, en fait, ne coûte pas autant ?
VPM DMS : Ce sont des situations qui ne sont pas comparables. Chaque Etat, chaque pays à son régime fiscal…
C.L : Oui, là on parle du prix de départ de 030 ?
VPM DMS : Le prix, on l’achète sur le marché international. Nous n’avons pas le volume de ces pays-là. Dans la structure d’aujourd’hui, la fiscalité n’est pas négative. Cela signifie que l’Etat n’est pas en train de faire des dépenses fiscales sur les prix des produits pétroliers…
C.L : Ni de gagner l’argent comme c’est le cas à l’extérieur…
VPM DMS : C’est ce qui est évident parce que ce qu’on retrouve dans les prix à la pompe. On retrouve là-dedans le prix sur le marché mondial, le fret, les charges d’exploitation des logisticiens, notamment SOCIR, SEP, LEREXCOM, COBIL SP SA. On retrouve aussi les charges d’exploitation des pétroliers tels ENGEN, TOTAL ENERGIES et tous les autres. Leur marge bénéficiaire est garantie dans le prix. C’est pour dire qu’ils ne perdent pas de l’argent. Et il y a d’autres prélèvements, car je vous ai parlé du travail de nettoyage que nous avons fait. Il y a une longue série de prélèvements. Si nous faisons tous les calculs, le prix d’essence ne sera pas à 2990 le litre dans la zone Ouest ; il serait beaucoup plus élevé. C’est là qu’intervient l’Etat qui subventionne en fait. Le prix qui est pratiqué à la pompe. La différence, c’est le manque à gagner que le gouvernement rembourse, mais il le fait avec une ressource qui se trouve dans la structure. Donc, après le remboursement des manques à gagner à fin 2023, on va sortir de la situation où c’est le trésor qui doit venir rembourser ? Nous allons entrer dans phase où on maîtrise les manques à gagner. J’ai le ferme espoir qu’on peut continuer à les maîtriser, sauf si sur le marché mondial, les prix s’envolent sensiblement. Mais le Gouvernement fait déjà un effort pour stabiliser le taux de change parce que le taux de change aussi influence le prix à la pompe. Pour votre information, jusqu’au 2 octobre, le taux de change dans la structure des prix était d’un (1) dollar pour 2500 francs. Nous l’avons porté à 2600 francs. Vous allez me dire mais sur le marché il est 2870 ? Voilà l’une des origines du manque à gagner. Donc en fixant à 2600 alors que le taux sur le marché est à plus d’un peu plus de 2800, il y a là un manque à gagner. Mais, sur le volume, en tout cas dans la zone Sud où les volumes sont très importants, c’est plutôt dans le positif. C’est pareil également dans l’Est. Donc, nous allons maîtriser les manques à gagner et je voudrais rassurer les Congolais : ces manques à gagner maîtrisés vont être remboursés par une ressource qui ne vient pas impacter le trésor public.
C.L : Certains pensent que pratiquer le vrai prix du litre n’aurait aucune incidence sur l’inflation et aujourd’hui, en fait ne profite qu’à une classe dirigeante et très élevée de la société congolaise et qu’elle n’aurait aucune incidence sur les prix, comme on le laisse entendre. Que ce n’est pas une décision sociale…
VPM DMS : Je comprends la question, mais vous avez commencé l’interview en affirmant qu’on est bousculé. Est-ce que vous pensez que c’est le moment de faire payer le citoyen congolais le prix vrai ? Je ne pense pas. Est-ce qu’on ne peut pas discriminer, est ce qu’on ne peut pas dire, il y a des congolais qui peuvent payer le prix vrai et d’autres qui peuvent être subventionnés ? La question est : comment vous discriminer ? Comment vous irez à la pompe ? La discrimination que nous avons eue à faire, c’est par exemple pour dire aux miniers que vous vous êtes hors du champ du manque à gagner. Ça, c’est plus facile, n’est-ce pas ? Mais, par exemple depuis que les prix ont baissé, la demande a augmenté. On a baissé les prix de 13%, sur le seul mois d’octobre, SEP renseigne que la consommation a augmenté de 33%. Il y a des Kinois qui affirment qu’il parfois difficile parfois de trouver du carburant dans certaines stations. En fait, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de stock dans les dépôts, c’est tout simplement parce la demande a fortement augmenté ; que SEP a aujourd’hui du mal à ravitailler les stations parce que le rythme aujourd’hui est beaucoup plus intense. Et avec les embouteillages, surtout dans la journée, les camions de SEP sont obligés de faire trois rotations nuit pour essayer de se rattraper lorsque les rues sont un peu plus desserte. Cette forte augmentation de la consommation de carburant est un bon signal sur le plan économique. Ça signifie, en fait, qu’il y avait une marge de l’activité économique qui n’était pas exploitée, tout simplement parce que les prix étaient beaucoup plus élevés.
C.L : Certains compatriotes ont peur que cette baisse ne soit que temporaire et profite pour faire des stocks ?
VPM DMS : Les prix sont sujets à baisser ou à augmenter selon les conditions du marché. Est-ce que les prix des produits pétroliers à la pompe devraient nécessairement augmenter à tout moment ? Il ne peut pas y avoir des moments où, quand les conditions du marché les permettent, qu’on redonne un peu le pouvoir d’achat à la population ?
C.L : Vous nous garantissez qu’ils ne vont pas reprendre l’ascenseur et que si possibilité, ils vont encore baisser.
VPM DMS : Pour le moment, je pense qu’on dispose des ajusteurs dans la structure, c’est-à-dire des éléments, si demain, s’il y a nécessité de baisser encore ou d’augmenter. Si demain, il y a des conditions du marché qui veulent qu’on augmente les prix en concertation avec la profession pétrolière, on le fera. Je ne veux pas dire qu’on fera un peu du social, mais on peut utiliser des ajusteurs, le taux de change étant l’un de ces ajusteurs pour permettre d’amortir. Vous savez qu’on n’est pas le seul pays où les prix ont baissé. Il y a d’autres pays où les prix ont baissé ; il y a d’autres pays où il y a des difficultés d’approvisionnement en produits pétroliers. Je pense donc que les Congolais, les Kinois devraient sortir de cette petite bulle de Kinshasa ou de la RDC et regarder ce qui se passe ailleurs. En Afrique du Sud, le gouvernement a annoncé une baisse, ils ont hésité. Et, malheureusement, la fenêtre d’opportunité s’est refermée. Et dans notre cas, on avait vu qu’il y avait une fenêtre d’opportunité et on a agi. Cette fenêtre est, peut-être, en train de se refermer ; elle peut s’ouvrir encore demain. Si demain il faut encore baisser, on baissera et si demain il faut augmenter, on augmentera. Chaque fois, on fera un dosage pour que ça ne préjudicie pas le consommateur.