RDC/Crise au parti présidentiel : Augustin Kabuya en difficulté, l’UDPS rattrapée par ses propres illégalités

C’est le serpent qui se mord la queue. La crise qui déchire aujourd’hui l’UDPS n’a, aux yeux des observateurs, rien de surprenant. Le parti présidentiel récolte aujourd’hui les fruits de trop de libertés prises avec les lois et ses propres statuts au profit des intérêts individuels.

Depuis l’accession à la magistrature suprême du parti d’Étienne Tshisekedi – hier fer de lance de la lutte pour la légalité, la démocratie et le progrès social – des hommes se sont faits, la fortune aidant, plus forts que l’institution au point de se croire eux-mêmes au-dessus de ses statuts et des textes régissant les partis politiques.

Ce week-end, Paul Tshilumbu, l’un des kadors et co-protagonistes dans toutes les crises au sein du parti depuis 2019, se fend d’un regret de « Maman Marthe », la veuve du Sphinx de Limete, qui constate que l’Udps fout le camp sur l’autel des intérêts matérialistes et de l’égoïsme.

Mais qui donc, au sein de l’Udps, pourrait pointer l’autre du doigt sans que les quatre autres de la main ne se retournent vers lui-même ?

Un enchaînement d’illégalités dans le schéma d’une illégalité originelle

Aujourd’hui , ceux qui mènent la fronde contre Augustin Kabuya sont exactement les mêmes qui partageaient, avec lui et Jean Marc Kabund, la croisade qui avait vu les textes du parti céder le pas aux appétits « pouvoiristes ». Les temps d’aujourd’hui rappellent, en effet, les tragédies que vécurent Jacquemin Shabani et Victor Wakwenda, alors et jusqu’aujourd’hui présidents respectivement de la Commission électorale du parti et de la Convention démocratique du parti, celle-ci étant l’une des structures du triumvirat qui, selon les statuts de l’Upds, devait assurer la gestion du parti dès que son Président national, Félix Tshisekedi, était devenu indisponible après son élection à la magistrature suprême.

À la place, c’est Jean Marc Kabund, jusque là Secrétaire général, qui va se prévaloir du statut de Président a.i, poste non prévu dans les statuts du parti. Dans l’illégalité lui-même, tous les actes qu’il va poser par la suite, dont la nomination de Kabuya comme Secrétaire général du parti, vont l’être également.

Boniface Okende Bonge, le rempart de la légalité qui fit démentir Kabuya

Et très tôt, c’est le Secrétaire général adjoint à l’Intérieur , en charge des partis et Regroupements politiques qui va le faire remarquer et s’y opposer contre vents et marées. En effet, saisi par Augustin Kabuya au mois de mai 2019 pour légaliser le mandat signé par Félix Tshisekedi en faveur de Jean Marc Kabund comme Président intérimaire,  Boniface Okende Bonge – c’est de lui qu’il s’agit – va y opposer une fin de non recevoir, et cela malgré les protestations du SG (illégal) contre la demande du respect des textes du parti qui prévoient un triumvirat en cas d’indisponibilité du Président du parti.

Dans sa réaction aux plaintes de Kabuya, le SGA Okende, droit dans ses bottes, se dit même  « surpris » de cette pièce en annexe de sa lettre qui n’est qu’une  « photocopie » « du mandat spécial » signé par Félix Tshisekedi, alors président de l’UDPS, faisant de Jean-Marc Kabund Président a.i.

Sans détour, il déclare l’illégalité de cet acte et, donc, de ce document qui n’a pas été déclaré au ministère de l’intérieur conformément aux textes de l’administration des partis et regroupements politiques.

« Je suis surpris de trouver en annexe de votre lettre, la photocopie du mandat spécial donné à l’honorable Jean Marc Kabund a  Kabund aux fins d’assurer l’intérim du président de l’UDPS/TSHISEKEDI », décoche l’intrépide SGA Okende qui fait ensuite observer : « Ce mandat spécial a été signé depuis le 22 et notarié le 25 janvier 2019 sans qu’il ne soit déclaré au ministère de l’intérieur, sécurité et affaires coutumières comme l’exigent les dispositions de l’article 17 de la loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des parti politique qui stipule : « le parti politique fonctionne conformément aux dispositions de la présente loi, des ses statuts et de son règlement intérieur. Il est administré et dirigé par ses organes statutaires».

Et la leçon du droit et de la procédure administrative se poursuit : « Tout changement dans la direction ou l’administration du parti et toute modification de ses statuts doivent, dans le mois qui suit, faire l’objet de déclaration au ministère de l’intérieur. Le ministre ayant les affaires intérieures dans ses attributions rejette toute modification non conforme aux dispositions de la présente loi. Les dispositions statutaire modifiées sont publiées au journal officiel ».

Ce ne fut jamais le cas, en effet, mais Congo Guardian ne sait pas si, après la nomination de Gilbert Kankonde à l’Intérieur, toutes ces barrières de la légalité avaient finalement été défoncées… Parce que malgré ces évidences et la pertinence de ses arguments, Augustin Kabuya va, dans sa correspondance suivante, fustiger le fait que son protagoniste épistolaire ait décidé en faveur de l’installation d’un directoire à la tête de l’UDPS « sans que l’exécutif du parti n’ait accordé son approbation ». Pourtant, le Secrétaire général adjoint à l’Intérieur ne s’était basé que sur les statuts même de l’UDPS qui, en son article 26, prévoit justement un tel triumvirat.

Retour à l’article 26 des statuts : tous ont péché !

On se rappelle aussi qu’en guerre contre cette illégalité qui se mettait en place, le tandem Jacquemain Shabani et Victor Wakwenda, Présidents respectivement de la CEP et de la CDP,  se faisait aussi recevoir au ministère de l’Intérieur avec les faveurs de la légalité qui était de leur côté. À leurs côtés aussi, la jeunesse du parti ainsi qu’une grande majorité des députés du parti. Ceux-ci vont d’ailleurs signer, en date du 22 mai 2019, une déclaration rejetant la nomination de Kabuya comme Secrétaire général du parti tout en réclamant la mise en place d’une présidence à trois.

Tout ceci se passe avant même les funérailles d’Etienne Tshisekedi dont le corps n’est pas encore rapatrié.

Au finish, le pouvoir de l’argent finira par l’emporter sur la légalité. Sauf quelques rares exceptions dont le croulant Victor Wakwenda, tous les autres légalistes de 2019 finiront par se plier au pouvoir d’argent qui va se mettre à tout balayer au sein du parti sous la toute puissance du duo Kabund-Kabuya.

Aujourd’hui, l’histoire se répète mais dans un contexte particulièrement délicat, seulement avec cette particularité que ce sont les « compagnons d’enrichissement » d’Augustin Kabuya qui le lâchent et deviennent ses pourfendeurs.

Jonas Eugène Kota

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